Que s’ouvre la foire aux mesquineries, aux calculs perfides et à la politique nombriliste, caractéristiques des acteurs politiques ivoiriens de ces trois dernières décennies. C’est hélas l’idée que se font la plupart des Ivoiriens du dialogue politique qui a repris, lundi 21 décembre dernier, entre le pouvoir, l’opposition et la société civile, sous l’égide du premier ministre Hamed Bakayoko. Un droit de pensée et d’opinion que les Ivoiriens ont été contraints d’intégrer à leur jugement tant leurs intérêts apparaissent rarement ou presque jamais sur les agendas cachés des politiques chaque fois que ceux-là sont appelés à se réunir au chevet de la mère patrie.
Comme les autres fois où sont convoquées les forces vives de la nation, seront scrutées leur responsabilité et leur capacité à placer au-dessus de toute autre considération, l’intérêt supérieur de la Côte d’Ivoire. Véritable gageure pour une classe politique qui donne plus dans la ruse politique que la politique positive où toute action concourt au bien-être du peuple. Passé le premier round de ce raout, il faut croire que chaque entité va se retirer dans son officine pour penser la stratégie à même de lui permettre de tirer le meilleur profit de ces discussions.
Au sein de l’opinion nationale ivoirienne, on s’aperçoit que la reprise du dialogue ne fait ni chaud, ni froid. Pour ne pas dire qu’elle ne suscite aucun espoir chez des Ivoiriens. Et pour cause ! En fait, à considérer la question de la réforme de la Commission nationale indépendante (CEI), en vue de l’organisation des législatives prochaines, unique sujet inscrit à l’ordre du jour des pourparlers, une partie des Ivoiriens se demande à juste titre pourquoi cette réforme qui, en réalité, est une injonction de la Cour africaine des droits de l’Homme, est mise sur la table maintenant. L’on se souvient, en effet, que l’opposition avait réclamé en vain cette réforme avant la présidentielle 2020 remportée par Alassane Ouattara. La partie gouvernementale, assurée de détenir fermement le pouvoir entre les mains, est maintenant disposée à lâcher du lest sur la question sans courir le risque de se retrouver en face d’une surprise désagréable.
A observer de près cette volte-face stratégique, l’on est bien en droit de mettre en questionnement la posture du gouvernement qui n’est pas faite pour rassurer les parties en face. Qu’est-ce qui a fondamentalement évolué pour que ce qui était jadis refusé soit accepté aujourd’hui ? De leur côté, les leaders politiques de l’opposition qui ont unanimement salué par principe la reprise du dialogue, cachent mal leur manque de confiance au gouvernement qui, jusque-là, a rejeté toutes leurs propositions. En fait, l’opposition donne plus l’impression de chercher à déjouer un piège du pouvoir en acceptant de dialoguer dans des conditions qui sont loin d’inspirer la sérénité. Les opposants pouvaient-ils objectivement refuser d’aller à la table des négociations et courir le risque d’être présentés comme ceux qui ne veulent pas de la réconciliation et de la paix ? Au-delà de se faire mutuellement confiance ou de se regarder en chiens de faïence, alors que s’ouvre le dialogue censé replacer la Côte d’Ivoire sur les rails de la stabilité, pouvoir et opposants se doivent de restaurer les rayons de la confiance cassés entre eux et les populations.
La réhabilitation de la confiance entre les Ivoiriens et la classe politique incombe à la dernière cité. Le dialogue politique qui acte les échanges entre pouvoir et opposition doit, estiment nombre de nos compatriotes, être saisi par les acteurs politiques pour se refaire un c apital confiance. Pour parvenir à cette fin, il faut décider, pour une fois, d’inscrire le bonheur des Ivoiriens au cœur de ces pourparlers. Alors, trêve de mesquineries et de petits calculs dont le seul mérite est de tirer le pays vers le bas.
Par Serge YAVO