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CÔTE D’IVOIRE : Comment la mort d’Hamed Bakayoko complique les calculs d’Alassane Ouattara

« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ». Cette citation de Lamartine pourrait décrire l’état d’âme actuel du président Alassane Ouattara. Le chef d’Etat ivoirien, humainement affecté par le décès fulgurant du premier ministre Hamed Bakayoko, à 56 ans, l’est autant sur le plan politique. Lui qui perd un précieux pion dans le cadre de sa succession qu’il envisage au terme de son très controversé 3e mandat.

En pleine ascension sociale et politique, Hamed Bakayoko, premier ministre de Côte d’Ivoire depuis huit mois, décède le 10 mars 2021, à Fribourg, en Allemagne, d’un cancer foudroyant. La maladie insidieuse a fini par avoir raison de Hambak, créant une onde choc en terre ivoirienne comme à l’étranger où l’homme comptait plusieurs administrateurs.

Pour les Ivoiriens, cette disparition brutale s’apparente à une damnation d’autant plus qu’ils venaient de perdre, il y a huit mois, le précédent premier ministre Amadou Gon Coulibaly, mort d’une crise cardiaque. Une série de décès qui fait prospérer, dans l’opinion ivoirienne, l’idée selon laquelle le poste de premier ministre est ensorcelé ou maudit.

Du côté du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), la famille politique de l’ex-chef du gouvernement ivoirien, la mort d’Hamed Bakayoko est en réalité celle d’un métronome, d’un homme lige sur le bureau duquel atterrissaient la plupart des dossiers brûlants de la République. La brutalité de sa mort a révélé aux houphouétistes que les personnalités de cette trempe ne sont pas légion dans leurs rangs.

Pour sa part, Alassane Ouattara se trouve devant un casse-tête chinois avec le décès de son « fils » Hamed Bakayoko. Désigné premier ministre en remplacement d’Amadou Gon Coulibaly, candidat déclaré du RHDP à la présidentielle d’octobre 2020, avant que le « Lion » ne disparaisse brutalement le 8 juillet 2020, à quatre mois du scrutin, Hamed Bakayoko était devenu une sinon la pièce maîtresse du dispositif de succession du président Ouattara.

« Une personne loyale avec une assise politique pour assurer les arrières »

Avec la mort du député de Séguéla, le chef de l’Etat, c’est le moindre que l’on puisse dire, est pris de court. Alassane Ouattara, 79 ans, en aura 83 en 2025, année indiquée constitutionnellement en Côte d’Ivoire pour la prochaine présidentielle. Dans l’entourage du président ivoirien, celui dont les apparitions publiques manquent de plus en plus de fraîcheur physique, envisagerait sérieusement de passer la main. Mais cela ne devrait pas se faire à l’emporte-pièce !

En effet, l’ancien Directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI) n’entend pas quitter le navire sans garder une mainmise sur le gouvernail. Alassane Ouattara souhaiterait passer la main, selon un diplomate européen en poste à Abidjan, à « une personnalité loyale avec une assise politique pour assurer les arrières ».

Une qualité dont pouvait incontestablement se targuer le premier ministre Hamed Bakayoko, qui venait de réussir avec brio l’amorce du dialogue politique en Côte d’Ivoire dont l’une des conséquences heureuses est l’organisation de l’élection législative inclusive du 6 mars dernier qui s’est tenue dans un climat apaisé.

Alassane Ouattara qui dispose dans son sillage de personnalités de qualité est à contrario orphelins de cadres au destin présidentiel indéniable. En clair, le président ivoirien n’a pas un dauphin avec lequel il pourrait réussir son jeu de la chaise musicale sans trop de grincements de dents de la part de ses concitoyens.

« C’est la grosse difficulté que doit résoudre Alassane Ouattara qui veut passer la main à une personnalité qui lui donnerait toutes les assurances de protection judiciaire, politique et économique. Mais surtout qui présenterait des atouts pour prétendre briguer la magistrature suprême », analyse le diplomate européen.

C’est en cela que la mort d’Hamed Bakayoko vient rendre complexe l’équation que doit dénouer Alassane Ouattara pour se garantir une paisible retraite politique. Dans le contexte actuel, jouer la carte Téné Birahima, son petit frère dont on parle de plus en plus dans le cadre de la succession, n’est certes pas improbable mais reste une option périlleuse pour Alassane Ouattara qui pourrait s’en mordre les doigts.

Serge YAVO    

 

 

 

 

 

 

 

 

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