Présidence du PDCI-RDA: Voici comment le président Bédié prépare sa succession…

Présidence du PDCI-RDA: Voici comment le président Bédié prépare sa succession…
Africanewsquick.net vous propose une partie de l’interview qu’a accordée le président Bédié à Jeune Afrique Economie.

Ses proches affirment que le fameux accord secret qui vous aurait lié au Président Ouattara en 2010-2011 n’a en réalité jamais existé. Quels étaient les termes de cet accord?
La vérité est que nous avions effectivement conclu un accord verbal. Les termes en étaient qu’Alassane Ouattara pourrait faire deux mandats consécutifs en profitant du oui du PDCI-RDA qui s’abstiendrait de présenter un candidat à ces deux scrutins. A l’issue du second mandat, les termes de l’accord étaient que le PDCI-RDA présenterait un candidat et que celui-ci bénéficierait du soutien du parti du Président Alassane Ouattara, en l’occurrence le RDR. C’est cette contrepartie qui n’a pas fonctionné.
Pourquoi avoir concédé deux mandats, plutôt qu’un seul ?
Deux mandats, c’est la norme. Cinq ans ne sont pas suffisants pour permettre à un élu de mettre en place un programme et d’en voir les effets. Il faut d’abord traverser les élections, ensuite constituer une équipe unie pour gouverner et enfin mettre en place sa politique. Il faut deux mandats.
Mais pas trois.
Cette norme est conforme à l’esprit et à la lettre des dispositions combinées de la Constitution de novembre 2016 et de celle du 23 juillet 2000 qui disqualifient le Président Ouattara pour briguer un troisième mandat.
En effet, les dispositions de la Constitution de novembre 2016 dont il s’agit sont inscrites à l’art 55 du chapitre 2 qui stipulent que :
– Le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct.
-Il n’est rééligible qu’une fois.
Ces dispositions sont identiques, mot à mot, à celles contenues dans l’article 35 de la Constitution du 23 juillet 2000 qui stipulent que:
-Le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct.
-Il n’est rééligible qu’une fois.
L’identité parfaite de ces deux dispositions contenues dans chacune des deux lois fondamentales successives (2000 et 2016) exclut l’exercice de trois mandats au titre de la fonction de président de la République.
Cette exclusion à un troisième mandat et stipulée à travers l’article 183 de la Constitution de novembre 2016 qui précise, dans le cadre de la continuité législative, que « la législation actuellement en vigueur en Côte d’Ivoire reste applicable, sauf l’intervention de textes nouveaux, en ce qu’elle n’a rien de contraire à la présente Constitution ».
Il ressort de ce qui précède que l’une des dispositions législatives en vigueur, au moment de la promulgation de la Constitution de novembre 2016, est l’article 35 de la Constitution du 23 juillet 2000 qui reste applicable, car identique à l’article 55 de la Constitution de novembre 2016.
Ce qui signifie que l’article 35 de la Constitution du 23 juillet 2000 continue de produire ses effets après promulgation de la Constitution de novembre 2016.
En conclusion, le nombre de mandats de l’exercice de la fonction présidentielle en Côte d’Ivoire est limité à deux.
En conséquence, le Président Alassane Ouattara, Président sortant, ayant exercé deux mandats (2010- 2015 et 2015-2020) n’est plus rééligible à la fonction de président de la République en Côte d’Ivoire lors de l’élection présidentielle d’octobre 2020.


Avez-vous des preuves de la conclusion de cet accord? Y avait-il des témoins?
Il n’y a pas de document signé, mais cet accord verbal a été conclu devant témoin, en la personne de Guillaume Soro, qui était présent avec nous à ce moment. Il n’y avait personne d’autre. Nous étions trois. Aucun assistant ou autre. Mais ça n’a pas d’importance car Guillaume Soro a déjà confirmé la véracité de ces faits. Il a reconnu qu’il y avait bien eu accord. Et de toute façon, quand un parti politique vous soutient à deux reprises, lors de deux élections consécutives, il est naturel de lui « renvoyer l’ascenseur » comme on dit… Enfin, l’alternance, est comme vous le savez, l’essence de la démocratie. Il n’y a pas de démocratie sans alternance.


Il semblerait que les autorités françaises aient essayé de vous réconcilier avec Alassane Ouattara. Avez-vous refusé de suivre les recommandations d’Emmanuel Macron dans cette affaire?
La France ne se mêle pas de cette affaire ivoirienne.


Vous êtes l’héritier politique naturel du Président Félix Houphouët-Boigny. Il existe aujourd’hui en Côte d’Ivoire une grande formation politique qui porte son nom et ambitionne de pérenniser ses idées. Pensez-vous pouvoir rejoindre un jour le RHDP parti unifié?
Non ! Catégoriquement non. C’est un non définitif. Celui qui utilise aujourd’hui le nom de l’ancien Président de la Côte d’Ivoire, Félix Houphouët-Boigny, et qui prétend aujourd’hui représenter les « Houphouëtistes », n’a avec lui que des traîtres de l’Houphouëtisme. Ils ont créé un parti qui se veut houphouëtiste, en dehors du PDCI-RDA, pour tromper le peuple ivoirien.


Le gouvernement ivoirien vous a violemment critiqué récemment en vous accusant d’avoir fait ressurgir la notion controversée d’« ivoirité », jugée sectaire et dangereuse pour l’unité nationale. Le communiqué du gouvernement à ce sujet contient même des menaces à peine voilées à votre égard.
Les propos que vous évoquez ne sont pas les miens. Ce sont mes adversaires qui ont utilisé ce mot « d’ivoirité » en commentant la déclaration que j’ai faite le 6 juin 2019 à Daoukro. Personnellement, je n’ai pas employé ce mot une seule fois dans cette déclaration, j’ai parlé d’immigration massive concernant la présence importante de non-Ivoiriens en Côte d’Ivoire, sous prétexte de venir y chercher de l’or. Or il s’agit véritablement de hordes qui entrent sur le territoire ivoirien pour chercher de l’or et qui sont souvent armées.
Cette immigration est, bien entendu, contraire à toutes les règles établies par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest. LA CEDEAO garantit la libre circulation des biens et des personnes, à condition que ces personnes ne soient pas armées.
Lorsque j’ai tenu ces propos, certains commentateurs en ont profité pour faire des déclarations ineptes, affirmant que j’étais contre les étrangers et que je réveillais l’ivoirité.
Mais l’ivoirité, c’est le caractère de ce qui est ivoirien, selon la définition du dictionnaire. C’est un terme que j’avais utilisé autrefois pour dépeindre l’identité et la culture du peuple ivoirien.
C’est l’ivoirité qui fait qu’il y a en Côte d’Ivoire 30% d’étrangers qui sont installés, qui travaillent et qui vivent en paix.
Aucun autre pays au monde n’accueille autant d’étrangers que la Côte d’Ivoire.
Regardez ce qui se passe avec le phénomène des migrants d’Afrique et du Moyen-Orient qui viennent en Europe. Combien de pays européens acceptent d’avoir jusqu’à 30% de leur population composée de non-nationaux. Je n’en connais pas!


Avez-vous peur pour l’avenir de la Côte d’Ivoire ?
Si ces tendances ne sont pas corrigées, j’ai en effet peur que le trop-plein ne conduise à des débordements. Quand le vase est trop plein et que le contenu bout, il déborde obligatoirement!


L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DE 2020 ET l’AVENIR.
On a longtemps pensé que vous étiez en retrait de la vie politique. Voilà qu’à présent, vous semblez, plus que jamais, revenu dans l’arène. D’aucuns vous prêtent même l’intention de vous jeter dans la bataille dans la perspective de l’élection présidentielle de 2020. Que s’est-il passé pour que vous éprouviez la nécessité d’une telle implication?
Je n’ai jamais vraiment quitté la scène politique. Même lorsque j’étais en exil ici à Paris, je suis resté en contact avec les Ivoiriens et avec les militants du PDCI-RDA.


La grande question que vos amis et vos adversaires se posent est de savoir si vous serez candidat à l’élection présidentielle de 2020. Vous avez toujours dit que le choix du candidat du PDCI sera une décision du parti. Mais au fond de vous-même, vous avez bien un sentiment, une petite musique intérieure qui vous parle ? Que vous dit cette musique?
C’est la Convention du PDCI-RDA qui désigne le candidat à la présidence. J’ai déjà dit que je m’en remettrai à la décision de la Convention du Parti, qui sera organisée selon les dispositions de nos textes. C’est une décision qui sera prise de façon démocratique.
Cependant les militants m’ont demandé à travers des motions, lors des dernières réunions des responsables politiques du Parti animées par le Secrétaire exécutif du Parti dans nos six zones politiques, de conduire le Parti à la victoire en 2020. Si le peuple fait appel à moi, je ferai mon devoir.

Le Président Alassane Ouattara a récemment fait modifier les textes organisant la Commission électorale indépendante (CEI). Vous vous êtes insurgé contre ces changements. Que reprochez-vous exactement au chef de l’Etat dans cette affaire?
Le texte de loi dont vous parlez ne traite que de la recomposition de la CEI, contrairement à la décision de la Cour Africaine des Droits de l’homme et des Peuples qui a ordonné à l’Etat de Côte d’Ivoire de modifier la loi relative à la CEI pour rendre cet organe conforme aux standards internationaux.
Outre la recomposition, d’ailleurs déséquilibrée, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de cet organe n’ont pas été abordés. Le découpage électoral actuel doit être corrigé.


Avez-vous confiance en la CEI telle que réorganisée?
Aucune confiance. En effet, la nouvelle loi n’est pas consensuelle, donc, elle n’inspire aucune confiance.


Pensez-vous que les conditions seront réunies pour une élection présidentielle apaisée en Côte d’Ivoire en octobre 2020 ? Sinon, quels changements souhaiteriez-vous voir apporter à la loi électorale?
Les conditions sont loin d’être réunies pour des élections transparentes, équitables et apaisées car l’organe électoral mis en place n’est ni neutre ni indépendant ni impartial. Il n’a aucun pouvoir de décision et ne jouit d’aucune autonomie financière.


Etes-vous obsédé par le pouvoir comme le disent certains dirigeants du parti unifié RHDP ? Seriez-vous prêt à renoncer à vous présenter à l’élection de 2020 si vous pensez qu’un autre candidat du PDCI a plus de chances de l’emporter?
Je suis en réflexion pour proposer aux militants le meilleur schéma qui puisse nous apporter la victoire. Loin de toute obsession du pouvoir.


Certains en Côte d’Ivoire ne voient pas d’un très bon œil l’hypothèse que pour l’élection de 2020, l’on pourrait retrouver sur la ligne de départ Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo et vous-même, c’est-à-dire les trois hommes qui dominent la vie politique nationale depuis une génération. N’est-il pas temps que la Côte d’Ivoire voie un renouvellement de ses dirigeants, pas une simple alternance, mais un vrai renouvellement ?
C’est le peuple souverain qui décide, ce n’est pas moi.


Donc si le peuple vous appelle, vous répondrez?
Je suis un homme de devoir. Et de mission. Si le peuple m’appelle, je ferai mon devoir et s’il me confie une mission, je l’accomplirai.


Si par contre, il y avait un candidat de substitution, un candidat qui soit en mesure de garantir la cohésion nationale et la paix, accepteriez-vous un Pacte, un gentlemen’s agreement avec les deux autres pour vous retirer, tous ensemble, de la course pour le scrutin présidentiel de l’année prochaine?
Oui, bien sûr si ces conditions sont remplies. Et si ce candidat peut vraiment garantir la paix et continuer à développer le pays, il n’y a pas de raison pour que je m’y oppose.


Vous avez apporté beaucoup à votre pays et vous apparaissez comme un exemple de modération et de sagesse bien au-delà de la Côte d’Ivoire. Quel premier bilan feriez-vous de votre contribution à la Côte d’Ivoire? De quoi êtes-vous le plus fier ? Que souhaiteriez-vous que l’Histoire retienne de vous?
Dans ma tâche sur terre, ce dont je suis le plus fier, c’est d’avoir servi trente-trois ans mon pays, dont douze ans comme ministre de l’Economie et des Finances, et d’avoir eu la chance historique de mettre en place toutes les structures économiques, sociales et culturelles de la Côte d’Ivoire. Ce fut si bien fait, sous l’égide du président Houphouët qu’à l’époque on a parlé de miracle économique de la Côte d’Ivoire. Mais ce miracle était le fruit de la pensée, du travail et de l’action d’hommes comme Houphouët, Bédié et d’autres.
L’autre chose dont je suis fier est qu’une fois devenu président de la République, j’ai gouverné sans jamais verser le sang.
A part le Président Félix Houphouët-Boigny et moi-même, je crois qu’on ne trouve pas d’autres leaders ivoiriens qui puissent en dire autant.


Permettez-moi d’insister sur une chose très importante. A l’heure actuelle, les Ivoiriens, les Africains et les amis du continent noir se plaignent parce que vous avez accepté de laisser le pouvoir au président Ouattara. Ils se disent très déçus de la suite des événements. Ils insistent pour que vous acceptiez de vous porter candidat à la présidence de la Côte d’Ivoire en 2020. Que dites-vous ?
Encore une fois, il y a une instance en Côte d’Ivoire qui est habilitée pour traduire cette volonté, il s’agit de la Convention du PDCI-RDA. Donc je suivrai la décision de cette Convention, qui se réunira au deuxième semestre de 2020.


Donc pas avant le mois de juillet 2020 ? C’est très tard !
En effet. Mais ce n’est pas trop tard. Car la campagne a déjà commencé de toute façon. Ce qu’on appelait avant la pré-campagne est devenue la campagne …


Campagne incertaine toutefois puisqu’on ne sait pas qui seront les candidats …
Les partis font campagne pour leur candidat, quel qu’il soit.


Quel sera votre message aux Ivoiriens pendant la campagne à venir? Qu’allez-vous leur proposer?
Nous allons leur proposer un programme de société, un programme de gouvernement; nous allons actualiser le plan de développement économique et social du PDCI-RDA qui repose sur le principe du progrès pour tous et du bonheur pour chacun.


S’agit-il d’un programme commun avec les autres partis politiques signataires de votre alliance… ?
Non ; il s’agit des propositions propres au PDCI-RDA. Au sein de l’alliance, chaque parti est autonome. Chaque parti dispose et présente son projet de société et son programme de gouvernement. Une fois que l’élection est faite, pour des partis alliés qui se mettent ensemble pour gouverner, il s’agira d’un gouvernement d’union nationale chargé de réaliser la réconciliation nationale qui n’a jamais été faite.


C’est entendu, mais encore une fois, qui sera l’homme qui incarnera cette alliance?
Nous verrons cela à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle. Au premier tour, tous les partis peuvent présenter leur candidat et il est convenu que celui arrivé en tête recevra le soutien des autres partis lors du deuxième tour.


Etes-vous certain que le candidat du PDCI-RDA sera au second tour ?
Je l’espère vivement et je le pense aussi.


Si vous deviez désigner un successeur, qui serait-il ? Avez-vous un nom à l’esprit ?
J’ai plusieurs noms en tête, mais ce n’est pas à moi de le dire. Il faut laisser la convention faire son travail le moment venu !


Et au jour de votre retraite, désignerez-vous alors ce successeur?
Non. En démocratie, il faut laisser les militants désigner leurs leaders. Même si on peut contribuer à cette désignation.


Si l’on regarde en arrière, ne pensez-vous pas que vous auriez gagné en légitimité en 1993 si le président Houphouët-Boigny vous avait désigné comme son successeur de son vivant?
Non, je ne le crois pas. Ce n’est pas ainsi que les choses se passent. Il ne s’agit pas d’une dynastie. Le peuple veut et doit être associé au choix de ses chefs et représentants.


Qui sont aujourd’hui les héritiers authentiques de la mémoire politique de Félix Houphouët-Boigny ?
Les vrais héritiers de la mémoire du Président Félix Houphouët-Boigny sont les militantes et militants PDCI-RDA.


Depuis le décès de Félix Houphouët-Boigny, la Côte d’Ivoire a connu la guerre. A qui en incombe la responsabilité et que dites-vous à ceux qui craignent que le pays ne bascule à nouveau dans un conflit sanglant?
J’espère que les responsables politiques ivoiriens feront tout pour éviter que la guerre civile soit retour.
Il appartient à tous les responsables politiques ivoiriens de renforcer la paix et la sécurité du pays.
In Jeune Afrique Economie 411

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