Un mois après la perte brutale de son président Augustin Sidy Diallo, la Fédération ivoirienne de football (FIF) vient de recevoir, de la part de la Fédération internationale de football amateur (FIFA), un véritable coup de massue.
En effet, dans un communiqué publié le 24 décembre dernier, l’instance fédérale mondiale annonce la mise sous tutelle de la FIF. « Le bureau du conseil de la FIFA a décidé de nommer un comité de normalisation pour la Fédération ivoirienne de football » dont les membres « seront désignés par la FIFA et la Confédération africaine de football (CAF) », précise la fédération mondiale qui donne les attributions dudit comité et les raisons de son installation.
« Ce comité de normalisation gérera les affaires courantes de la Fédération ivoirienne (et) révisera partiellement les statuts et le code électoral de la FIF afin de garantir leur conformité. Cette situation résulte du fait que les instances dirigeantes du football ivoirien ne sont pas parvenues à organiser une procédure électorale conforme aux exigences statutaires et réglementaires applicables à toutes les associations membres de la FIFA », explique organisation internationale.
Point n’est besoin de se triturer les méninges pour comprendre que la FIFA, en nous sanctionnant aussi durement, nous renvoie à nos incapacités à nous entendre sur l’essentiel, à reconnaître les valeurs de l’autre, à nos propensions à vouloir tout pour nous et à chercher à nuire pour obtenir gain de cause. Cependant sans nous remettre en cause, nous voici réinstallés confortablement dans ce bien triste manichéisme qui commande que tant que notre adversaire est en mauvaise posture, et quel que soit ce qu’il en coûte au pays, nous soyons aux anges.
Sans honte aucune, l’heure est à présent aux regrets et aux déclarations tapageuses pour les uns, ainsi qu’aux exultations et aux profusions de joie pour les autres. Avec en toile de fond la guerre honteuse que se sont menée le comité exécutif sortant de la FIF et le staff de Didier Drogba pour le contrôle de la fédération. Mais il faut le dire sans ambages : autant sont déplorables les agissements et les actions qui ont conduit au désastre que nous vivons actuellement, autant le sont les réactions post-sanction FIFA.
Si la mise sous tutelle de la FIF par la Fédération internationale de football « gâte le Noël » de l’instance fédérale nationale, comme l’a barré un confrère à sa Une du lundi 28 décembre dernier, celle-ci va bien au-delà. En effet, elle est le fruit de notre illogisme, de nos inconstances et de notre propension à avoir une étroite vision là où il est indispensable de voir grand.
En fait, qui ne se rappelle la débauche d’énergie, faite d’achat de consciences et de dénigrement, du comité exécutif sortant effectuée dans l’unique but d’empêcher la candidature de l’ex-attaquant de Chelsea et de l’Olympique de Marseille ? Un acharnement qui a eu pour conséquence la création d’une chaîne de sympathie et de soutien autour de la candidature de l’ancien capitaine des Eléphants de Côte d’Ivoire. Mais il a surtout donner de l’entrain à Drogba, désormais considéré comme la personnalité neuve la plus apte à gérer l’instance fédérale avec des outils modernes.
En réalité, la mise sous tutelle infligée à la FIF résulte de la querelle de succession dans laquelle fut plongée la Fédération pendant six mois et du blocage du processus électorale après le rejet de la candidature du meilleur buteur de la sélection nationale ivoirienne. Une décision jugée arbitraire par les partisans de l’enfant de Niaprahio et perçue comme le summum de l’acharnement exercé par les dirigeants fédéraux sur lui.
Nombre d’observateurs estiment que l’opacité de la situation a attiré l’attention de la FIFA où, il est su, Didier Drogba compte des amitiés. L’ex-joueur de l’Impact Montréal a-t-il actionné ses soutiens au sein de l’instance fédérale pour parvenir à remettre à plat les affaires au sein de la FIF ? Rien n’est moins sûr !
Ce qui l’est en revanche, c’est que lorsque les adversaires de Drogba semaient le vent de l’exclusion, ils devraient s’attendre à récolter la tempête tutélaire. Invoquer la théorie du complot et de la victime, comme le font les dirigeants fédéraux, est aujourd’hui loin d’être la posture idoine à adopter. En outre, est tout aussi improbable la saisine du Tribunal arbitral du sport (TAS).
En effet, il faut s’attendre à un long feuilleton juridico-sportif qui accentuera les blessures, approfondira les divisions et plongera notre football dans un long état végétatif. Face à la décision de la FIFA, point est besoin de jeter la Pierre ou à Paul. Etant entendu que l’administration provisoire a pour principal mission l’organisation d’une élection inclusive, chaque camp devrait mettre à profit ce temps pour recharger les batteries en vue de repartir au front.
Ceci n’est point de la résignation mais la saine appréciation d’un combat qui semble perdu d’avance. Notre salut et notre bonheur, à nous les Africains, résident bien dans notre unité et dans la solidarité vraie. Ce qui arrive à la Fédération ivoirienne de football (FIF) achève de nous convaincre que tant que nous ne placerons pas nos intérêts particuliers en deçà de ceux de la collectivité, de la communauté, nous ne nous en sortirons guère ! Ce postulat vaut, il faut bien le croire, autant pour le sport que pour les autres domaines de la connaissance et de la production.
Serge YAVO