Débat sur la réforme de la CEI, un président de mouvement politique avertit Ouattara: «On ne frappera pas ce pouvoir, mais il tombera de lui-même…»
Quel est ce pouvoir, que personne n’accepte dans son cœur, qui ne se fait aimer de personne pour ses mauvaises manières, en qui personne ne croit à cause de ses fausses promesses, mais qui s’en satisfait tellement, qu’il parade et se vante de sa superpuissance politique ? Vraiment, il faut trop aimer le pouvoir pour s’y accrocher comme ça, quoi ! Quand on aime trop le pouvoir, et rien que le pouvoir, on est déconnecté de la réalité des choses et on finit par devenir aveugle, sourd et muet : aveugle, parce qu’on ne voit pas les souffrances du peuple. Sourd, parce qu’on n’entend pas les pleurs du peuple qui souffre. Muet, car on ne peut même pas dire simplement « yako » à ce peuple écrasé par le super-poids du régime budgétivore, parce que dans ce régime, on a la bouche tellement pleine des victuailles et délices du pouvoir.
Monseigneur Siméon Ahouanan a dit récemment que les gens sont rassasiés, mais ils mangent. Je pense qu’il a raison de dire ça. Victor Hugo, au 19ème siècle, a écrit un grand poème satirique, intitulé « Les Mangeurs ». Il parlait aussi de ça, de ceux qui ne sont au pouvoir que pour se rassasier et grossir plus que le peuple affamé et efflanqué, qui n’a que la peau sur le squelette, à qui ces bourgeois gras jettent des os et de rares miettes de table. Ce n’est pas méchant, ça ?
C’est aussi ce qui se passe chez nous, dans ce pays. Quand vous regardez bien la situation en Côte d’Ivoire, vous voyez que c’est ça qui intéresse les gens du régime : devenir riches et fortunés, manger à satiété, roter sur le visage du peuple qui a faim et qui bâille, le narguer avec cette insolence du train de vie opulent que les gens du régime ont, tracer des lignes de démarcation claires entre eux, les aisés, et le peuple, ce lésé…
Un pays, quand on le gouverne, on fait attention à ne pas frustrer le peuple, on fait attention à ne frustrer personne d’en bas quand on est en haut. Car, on ne sait jamais où la vie nous mène. Dans une interview que Laurent Dona-Fologo a accordée, le 27 novembre 2017, au Journal Fraternité Matin, il disait, à ce propos, exactement ceci :
« Il ne faut pas qu’il y ait des super-hommes en Côte d’Ivoire. Il faut qu’on soit ensemble pour avancer. Je pense que ceux qui sont au pouvoir gouvernent en tenant compte de ceux qui sont en face, qui sont leurs frères. Qu’ils ne pensent pas qu’ils sont plus intelligents qu’eux. Car, la roue tourne. Demain, ils pourraient se retrouver à leur place. Je pense aussi que quand on est dans une position où on peut gagner de l’argent, il faut faire attention. Il ne faut pas être trop préoccupé par le souci d’en gagner et d’en gagner toujours plus. Le peuple vous regarde. Il n’ose pas parler, mais il murmure dans sa maison. D’ailleurs, beaucoup de choses se disent sur cette envie d’enrichissement en vitesse. Il faut la volonté de partage. La vie communautariste et le partage dans nos sociétés sont gage de stabilité en Afrique. En Côte d’Ivoire, je pense qu’on a les hommes qu’il faut, la base qu’il faut, pour en faire un pays réellement émergent ».
Ce que dit Fologo est clair : les gens qui sont actuellement au pouvoir nous montrent qu’ils sont plutôt venus-là pour amasser de l’argent en vitesse, à coups de pelle, sous la couverture de l’émergence économique qu’ils chantent sur tous les toits du pays et du monde. Quand il fera bientôt jour en Côte d’Ivoire, tout le monde verra ce qu’ils ont pu, chacun à son niveau, ainsi amasser comme fortune, en argent frais et biens. Mais, une chose est claire, c’est qu’ils ont vraiment épousé cette philosophie de l’embourgeoisement dont Napoléon 1er faisait sa règle de vie, d’expéditions militaires et de conquêtes de trônes étrangers : il disait, ce Napoléon Bonaparte, que « Dans la vie, seules trois choses comptent : l’argent, l’argent, l’argent ».
Oui, l’argent est important dans la vie des êtres humains qui ont utilement inventé ce moyen de change pour qu’il y ait circulation de biens et services, par acquis payé, dans la société. Mais la vie d’un peuple ne se marchande pas ainsi. Un peuple n’est pas un bien que l’on acquiert pour s’en servir comme l’on veut. On ne se fait pas élire gouvernant politique par un peuple pour disposer de lui jusqu’à l’affamer pour qu’il vous implore pitance. On n’utilise pas les moyens financiers de l’Etat pour soi-même, sous prétexte que l’on est au pouvoir, mais pour faire en sorte que le peuple, cette masse humaine de citoyens contribuables, en profite, d’abord pour se satisfaire de sa vie sociale, puis de son bien-être communautaire avec toutes les commodités usuelles.
Qui donc, dans une société organisée, détient la souveraineté, si ce n’est le peuple ? Est-il alors normal qu’un chef d’Etat (ou président de la République) se fasse placer au-dessus de la souveraineté conférée au peuple par la Constitution, et donc aussi au-dessus de la Loi fondamentale de la République ?
D’ailleurs, qu’est-ce qu’un président de la République ? La question paraît peut-être banale, mais elle vaut la peine d’être posée. Parce que les gens, aujourd’hui, font croire, à tous, qu’un président de la République est un surhomme, un extraterrestre, un Jupiter réinventé. On fait croire qu’être président de la République, c’est ne plus avoir ses deux pieds sur terre et être suspendu dans l’air, loin des réalités du pays. C’est une exagération. C’est même un amalgame. A la limite, c’est ridicule de voir ceux qu’on encense de cette façon, fanfaronner ainsi. Nous disons non à cela.
Un président de la République n’est qu’un élu. C’est un citoyen que ses autres concitoyens, à un moment donné dans un pays, désignent par vote majoritaire pour être positionné à la tête de l’Etat, pour régler, avec les moyens de l’Etat, que l’on appelle le pouvoir, les problèmes du pays et pour trouver solutions et satisfactions aux préoccupations de l’ensemble des citoyens qu’on appelle peuple. C’est tout. C’est schématiquement ça, un président de la République. Ainsi volontairement placé, par le peuple, au sommet du pays comme le représentant de ce peuple, il a pour rôle d’exécuter (d’où la notion d’Exécutif) la volonté de celui-ci : veiller à ce que le pays fonctionne bien pour que tout le monde y soit heureux.
Mais ce qui se passe, depuis près de 10 ans, en Côte d’Ivoire, avec nos nouveaux gouvernants, est très loin de là : on nous fait comprendre qu’un président de la République, ce n’est plus un citoyen, ni un homme qui a été désigné pour accomplir la volonté du peuple, mais un dieu tout fait, qui accomplit ses propres désirs de domination, qu’il faut vénérer ad vitam, et qu’il ne faut contester en rien, sous peine de malédiction. De président de la République, il passe donc au grade de divinité, et les pauvres citoyens, que nous sommes, devront, en tremblant par génuflexion et prosternation, n’être que d’éternels bénis oui-oui déshumanisés dans le pays. Nous disons aussi non à cela.
Mais, toute chose a une fin. Au cours de l’Histoire du monde, de grands empires se sont écroulés, des trônes omnipotents se sont brisés, des hommes tout-puissants qui, par le moyen d’un pouvoir politique tyrannique, terrorisaient leurs semblables accroupis, faibles, suppliants, eh bien, ces hommes-là, qui se croyaient des dieux sur terre, ont fini par être tous foudroyés, un jour, par la décadence et n’être que l’ombre d’eux-mêmes. La trajectoire est donc toujours la même, pour ceux qui, régnant par l’écrasement du peuple, pensent ainsi mieux incarner la toute-puissance politique : d’abord la montée au pouvoir, ensuite l’apogée du règne, et enfin la chute vertigineuse du trône.
Patience, donc, Ivoiriens. Ce pouvoir en place, qui règne par la toute-puissance de l’argent et de l’oppression, est déjà à son apogée. On ne le frappera pas, mais il tombera bientôt de lui-même, comme un fruit tout pourri, et s’étalera par terre, devant tous, à nos pieds pour salir nos chaussures. C’est la fin du film qui fera pitié. Patience, donc. Demain n’est plus loin. Victor Hugo a aussi écrit que « l’avenir n’est à personne, l’avenir est à Dieu. Car chaque fois que l’heure sonne, tout, ici-bas, nous dit adieu ».
C’est ainsi, croyons-y, Ivoiriens. Ceux qui détiennent ce pouvoir régnant, qui ont tout fait pour qu’on n’aime pas leur façon de gouverner, ne savent pas de quoi demain sera fait, et ne savent pas ce qui les attend demain.
Ils disent que la CEI ne sera pas reformée comme le veut le peuple, mais ne sera seulement que recomposée comme ils le veulent, eux. Ils disent même qu’ils feront un bras-de-fer, un duel avec l’opposition qui brandit les réformes voulues par le peuple, et que, de toutes les façons, le pays est déjà à eux et restera entre leurs mains jusqu’en 2050. Que reste-t-il à leur répondre, si ce n’est bravo et hourra ? Oui, bravo et hourra à eux, parce qu’ils sont le pouvoir de Dieu ! Ils ne savent même pas que les anciens démocrates romains, sous l’influence de la civilisation démocratique de la Grèce antique, ont dit : vox populi, vox dei (la voix du peuple est la voix de Dieu).
Quand les murmures de détresse, poussés dans les maisons par le peuple prostré pour le moment dans un exil intérieur, enfleront tellement pour se transformer en huées de rue sinistres, alors aura sonné la fin de la vie-martyr menée dans le pays. Car, un peuple couché qui se met soudain debout, un peuple soumis qui se dresse tout à coup, un peuple muet qui hurle brusquement pour faire entendre ses désirs de liberté, de démocratie et de justice sociale, n’est plus ce peuple terrifié, amoindri et écrasé que l’on tient, mais un vent déchainé et indomptable, une houle de mer terrible, une révolution d’esprit, devant laquelle plus rien de dur et de coriace ne résiste… Attention à ce que les Ivoiriens ne se transforment ainsi, car les frustrations de gouvernance qu’ils subissent ne sont pas loin de faire d’eux ce qu’était le peuple révolutionnaire de France qui, en 1789, a pris la Bastille et mis fin au règne de l’omnipotent Louis XVI en 1793, et à la monarchie séculaire…
Sylvain Takoué,
Président du
Rassemblement des Fiers Ivoiriens (R.F.I.)/
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