Côte d’Ivoire: Alassane Ouattara a «une gouvernance qui ne laisse la moindre place à un dialogue franc et constructif»… les vérités crues d’Abel Doualy

Côte d’Ivoire: Alassane Ouattara a «une gouvernance qui ne laisse la moindre place à un dialogue franc et constructif»… les vérités crues d’Abel Doualy

 

Depuis son arrivée au pouvoir le 11 avril 2011, au terme d’une crise postélectorale consécutive à la présidentielle d’octobre 2010, le président Alassane Ouattara est resté fidèle à sa gouvernance menée des mains de fer. Une gouvernance qui selon certains, est faite de règlements de comptes, d’emprisonnements, de limogeages. Et selon d’autres, de graves atteintes aux règles du jeu démocratique, de refus systématique de toute contradiction. Bref ! Une gouvernance qui ne laisse la moindre place à un dialogue franc et constructif.

Résultat des courses : le chef de l’Etat, comme il fallait s’y attendre en pareille circonstance, a réussi l’exploit de liguer contre lui toute la classe politique ivoirienne y compris ses alliés d’hier qui l’ont aidé à parvenir au sommet de l’Etat. C’est le cas de Guillaume Soro, secrétaire général de l’ex-rébellion armée qui a combattu contre les forces loyalistes sous le président Gbagbo ; c’est le cas également de Henri Konan Bédié, président du PDCI-RDA et ex-principal allié au sein du RHDP groupement de partis. C’est le cas, enfin, de Anaky Kobenan président du Mfa.

Ces personnalités ont donné leurs poitrines pour que Alassane Ouattara soit proclamé président de la République. Une fois parvenu à ses fins, le régime RHDP n’a trouvé mieux à faire que de s’en prendre à ces personnes qu’on appellerait «des faiseurs de roi». Alors qu’il croyait pouvoir avoir un poste de nomination de la part de son allié d’alors, Anaky Kobenan n’aura jamais cet honneur.

La présidence du Conseil économique, social, culturel et environnemental qu’il semblait lorgner, selon des indiscrétions, sera attribuée à Marcel Zadi Kessi. Le président du Mfa, qui n’a pas la langue dans la poche, ne se montrera pas du tout tendre avec le régime Ouattara et le RHDP dont il dénoncera les dysfonctionnements.

Au terme des élections législatives du 11 décembre 2011, où les cadres du RHDP sont allés en rangs dispersés, Anaky est le seul à monter au créneau pour dénoncer cette cacophonie et proclamer la mort de l’alliance des houphouétistes. Dans une interview accordée au quotidien Fraternité Matin et publiée dans l’édition du 21 décembre 2011, Anaky Kobenan affirme en manchette : «Le Rhdp est bel et bien mort de sa plus belle mort ».

Il n’en fallait pas plus pour s’attirer toute la hargne vengeresse des durs du régime qui le lui feront payer cash. Son parti, le Mfa, sera dans le collimateur du pouvoir. Quelque temps plus tard, une fronde voit le jour au sein du parti avec pour tête de file Anzoumana Moutayé qui sera nommé ministre de l’Artisanat dans le gouvernement Ouattara. Il est reconnu président du Mfa par les tenants du régime.

Plusieurs autres partis connaîtront le même sort. Notamment le PIT, le FPI, l’UPCI et le PDCI-RDA. Une partie de ces formations sera reconnue par le pouvoir comme légale et l’autre partie jugée illégale. Seule la direction du PDCI-RDA échappera à ce complot quoique le parti ait été victime de tentative de dissolution. Sa direction originelle demeure aux commandes jusqu’aujourd’hui avec l’inamovible Henri Konan Bédié.

 « Ceux qui sont partis, sont allés seuls. Nos militants de base, dans leur grande majorité, ne se sentent concernés ni de près ni de loin par ces départs à la soupe ou au restaurant », entend-on dire au sein du plus ancien parti politique de Côte d’Ivoire. Chacun emploie le terme qui lui sied.

D’aucuns parlent de « soupe » quand d’autres parlent de « restaurant ». Le dénominateur commun à ces deux appellations, c’est qu’il s’agit d’aller manger, faire bombance. Au Pdci, les militants déserteurs ne sont nullement partis par conviction. Mais pour préserver leur « beefteck » ; entendez leurs fonctions et privilèges y afférents

En plus du PDCI-RDA et des autres formations citées plus haut, comme si cela ne suffisait pas, le régime Ouattara a décidé de s’attaquer à Soro Guillaume et son camp. Poussé à la démission de la présidence du Parlement pour avoir refusé d’adhérer au RHDP unifié, Soro ne fera autre chose que de s’organiser pour aller à la conquête du pouvoir exécutif en octobre 2020. C’est dans cet élan qu’il est avec ses camarades lorsqu’une affaire de déstabilisation du pays et de détournement de deniers publics lui est flanquée au dos.

Alors qu’il devait rentrer au pays le 23 décembre dernier, après un séjour de plus de six mois en Europe, Soro est contraint de faire demi-tour avec son avion. Raison : un mandat d’arrêt est lancé contre lui pour les faits mentionnés plus haut. Plusieurs de ses proches, qui voulaient dénoncer cet état de fait en organisant une conférence de presse, ont été cueillis comme des fruits mûrs et conduits en prison. Purement et simplement.

Ce front déjà bouillonnant ne s’arrêtera pas là. Au sein même du RHDP unifié, c’est toujours le branle-bas. Au bourdonnement assourdissant de militants mécontents qui ne comprennent plus rien à la gouvernance de leur mentor, que beaucoup disent ne plus reconnaître, il faut désormais ajouter les velléités d’affranchissement qui se signalent au top management du RHDP.

Des cadres, et non des moindres au sommet du parti unifié, n’en peuvent plus de se laisser piétiner, traiter comme des bêtes de somme, des valets de la Cour, des hommes à tout faire, pendant qu’on fait le lit d’autres cadres à qui on déroule le tapis rouge conduisant droit au palais présidentiel. Assez de se laisser humilier, semblent-ils grogner. Puis de pousser ce cri de détresse et de révolte : « ça suffit ! Trop, c’est trop ! ».

C’est le cas des ministres des Affaires étrangères, le très austère et taciturne Marcel Amon Tanoh, qui aurait fait savoir qu’il est lui aussi présidentiable au même titre que le Nordiste Amadou Gon Coulibaly pressenti pour succéder à un autre Nordiste Alassane Ouattara pour le compte du Rhdp. Dont certains militants, transfuges du PDCI-RDA notamment, sillonnent le pays à dire qu’il est un parti national qui fait la promotion de tous les Ivoiriens du Sud, du Nord, de l’Est comme de l’Ouest.

Le cas Amon Tanoh, en dépit de l’apparente accalmie teintée d’hypocrisie, demeure un os dans la gorge du RHDP. Sur le site de l’hebdomadaire Jeune Afrique du 2 janvier, l’on pouvait lire un article selon lequel « le ministre Amon Tanoh devrait bientôt s’entretenir avec le chef de l’Etat. Le ministre Amon Tanoh à qui l’on prête le désir de concourir à la présidentielle de 2020 va devoir s’expliquer auprès d’Alassane Ouattara. Le chef de l’Etat souhaite, en effet, qu’il lui précise ses intentions ».

Alors que cette autre crise couve au RHDP, voici que l’UDPCIannonce, de façon détournée, la candidature du Dr Albert Mabri Toikeusse à la présidentielle de 2020. Dans un document publié dans la presse d’hier, une militante du parti arc-en-ciel, vice-présidente à l’Assemblée nationale a annoncé que « la candidature de Mabri Toikeusse pour le compte du RHDP est légitime et s’impose à tous ».

Déjà le samedi 28 juillet 2019 lors d’une cérémonie à Abengourou, Mabri Toikeusse déclarait devant la Mutuelle des agents de la santé, les communautés Yacouba, Gouro, Bété, Wê et Gagou résidant dans cette localité : « Le chantier de 2020 m’intéresse. Le moment venu, je vous solliciterai ».

C’est dire que le président de l’UDPCI n’a jamais caché ses ambitions pour la présidentielle de 2020. Au fur et à mesure que le temps avance et que la date fatidique approche, les choses se précisent au sein de l’UDPCI. C’est ce qui vient d’être fait ces jours-ci. Le président Ouattara, qui n’est pas prêt à pardonner ce genre de plaisanterie de mauvais goût, doit certainement être en train d’apprêter une autre demande d’explications pour Albert Mabri Toikeusse.

On le voit, jusqu’à ce que la présidentielle se déroule en octobre prochain, bien des choses seront révélées pour le plaisir des Ivoiriens qui n’attendent que cela pour se délecter et se rire des hommes politiques. A vouloir cacher le soleil avec la main, certains leaders politiques ivoiriens finiront par se ridiculiser aux yeux de l’opinion publique nationale et internationale.

Et ce n’est pas tout. La communauté internationale, à travers les ambassadeurs accrédités en Côte d’Ivoire, les religieux, les chefs coutumiers, la société civile, tous s’échinent à prodiguer des conseils au président ivoirien qui devrait les écouter pour la décrispation et la paix.

 

ABEL DOUALY

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