Présidentielle 2020 en Côte d’Ivoire: Qui peut arrêter Amadou Gon Coulibaly ? Comment Adama Bictogo lui crée des inimitiés…
Alors qu’il continue d’entretenir publiquement le suspense sur une candidature à la présidentielle de 2020, Alassane Ouattara confie volontiers, en privé, vouloir finalement pousser son premier ministre et bras droit historique Amadou Gon Coulibaly. Analyse.
Spin doctors. Le président ivoirien a reconsidéré sa position face au contexte local et aux recommandations de plusieurs de ses homologues ouest-africains. Le chef du gouvernement depuis janvier 2017 devrait représenter les couleurs et les intérêts du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, au pouvoir), né l’an dernier de la fusion d’une dizaine de formations. « Gon », 60 ans, compose d’ores et déjà une équipe de choc pour corriger rapidement un manque patent de charisme.
Personnalité rentrée, le compagnon de route d’Alassane Ouattara maîtrise peu les interventions publiques, a fortiori l’épreuve d’une campagne électorale ( LC n°752).
Il vient de confier son image aux mains de la directrice de la communication présidentielle, Masséré Touré. A l’intersection de tous les pouvoirs, celle qui a géré de nombreux dossiers aux côtés du chef du gouvernement, dont les négociations entre Puma Energy Côte d’Ivoire, dirigée par son frère Ahmadou Touré, et la Petroci ( LC n°754), a été préférée au journaliste Bakary Sanogo, responsable de la communication de la primature. Nièce d’Alassane Ouattara, Masséré Touré a fait appel à Abdou Cissé, photographe attitré de l’ex-représentante spéciale du secrétaire général des Nations Unies à Abidjan, Aïchatou Mindaoudou.
D’autres personnalités comme le patron des services extérieurs, Amadou Coulibaly dit « AMS », ont inspiré la création sur Facebook d’AGC WebTV. Objectif de cette chaîne : rattraper le retard du premier ministre sur les candidats potentiels plus médiatiques tel Guillaume Soro. Conseillère de l’ex-premier ministre français François Fillon, la Franco-Sénégalaise Coumba Dioukhané doit compléter ce staff, tout comme Fabrice Sawegnon, patron du groupe Voodoo.
Réseaux. Clivant mais technicien besogneux, « Gon » disposera, grâce au RHDP, d’un redoutable appareil de campagne. Il bénéficie par ailleurs de réseaux politiques et économiques bâtis au sommet de l’Etat depuis des années, d’abord comme ministre de l’agriculture de Laurent Gbagbo (2002-2010), puis comme secrétaire général de la présidence de 2011 à 2017.
Dès sa nomination à la tête du gouvernement, il a positionné son premier cercle ( LC n°745), dont son cousin Amadou Koné, originaire comme lui de Korogho (nord). Successeur de Gaoussou Touré au ministère stratégique des transports, Koné, 50 ans, est, en dépit du protocole le plaçant derrière d’autres collègues, la pièce maîtresse de l’exécutif, au point d’être surnommé « Premier ministre n°2 ».
Des figures comme Tchéré Séka, conseiller spécial à la primature tout comme le Français Philippe Serey-Eiffel, auparavant directeur de cabinet de Gon Coulibaly, et l’ex-DG des douanes Issa Coulibaly devraient jouer un rôle de premier plan auprès du candidat du RHDP.
Affaires. Gon Coulibaly a également tissé des liens étroits avec les milieux économiques, en particulier dans le cacao ( LC n°795), et il n’hésite pas à trancher sur des dossiers emblématiques comme le tramway d’Abidjan. Illustrées par son amitié pour Adama Bictogo, ces connexions valent aujourd’hui au premier ministre de nombreuses inimitiés.
Poussé à démissionner du ministère de l’intégration régionale après le scandale de détournement des indemnités dues aux victimes du Probo Koala, l’actuel patron du groupe Snedai, membre du directoire du RHDP, doit en partie son ascension à Gon Coulibaly, lequel a permis à son groupe, ainsi qu’à la junior Lagune Exploration Afrique de son frère Moumouni Michel Bictogo, d’obtenir plusieurs contrats de gré à gré. Risqué, ce lien entre politique et business vient d’ailleurs de justifier un recadrage d’Alassane Ouattara. Ce dernier conseille à son dauphin d’assainir ce type de relations à l’approche de l’échéance de 2020.
La Lettre du Continent 799 du 30 avril 2019