Affaire Saf Cacao: Un ‘’juge’’ nommé Amadou Gon Coulibaly qui piétine le droit Ohada-Les graves révélations de Me Béma Sangaré
Point de presse du conseil du Groupe du Saf en date du 25 août 2018, dans l’Affaire Saf Cacao qui l’oppose au Conseil du café cacao.
En notre qualité de procéduriers nous n’avons pas pour habitude de faire appel à la presse lorsqu’une procédure est encore pendante devant les juridictions.
Cependant, vu l’intervention de certaines autorités politiques dont les services ont approché des organes de presse à visage découvert, nous sommes en droit de nous inquiéter que le politique ne prime sur le droit.
S’il s’était agi du Conseil du Café Cacao, nous aurions compris et un point de presse n’aurait pas été nécessaire car c’est de bonne guerre.
Mais que des services de la Primature, du Ministère en charge de l’économie et des finances approche la presse pour appuyer le Conseil du Café Cacao dans une procédure toujours en cours d’instruction, est un fait embarrassant donnant l’impression que l’Exécutif a pris fait et cause pour l’une des parties au litige.
Lorsqu’on connaît la fragilité de nos institutions et la prédominance du pouvoir exécutif sur tous les autres, on peut craindre qu’un magistrat qui est avant tout un fonctionnaire préoccupé par son évolution en grade et son avenir professionnel ne puisse pas prendre une décision contraire à celle que les autorités politiques soutiennent publiquement.
La sagesse et le respect du principe de la séparation des pouvoirs commandent plutôt que les autorités politiques s’abstiennent de la prise de position tant que les juridictions saisies ne vident pas leur saisine au risque de jeter le discrédit sur la décision qui sera rendue si, elle va dans le sens voulu par les autorités.
S’agissant de deux(2) personnes morales en litige même si l’Etat a des intérêts dans la gestion de l’une d’entre elles, l’Etat de droit exige la distance des autorités politiques vis-à-vis des parties litigantes pour rassurer les opérateurs économiques dans leur ensemble.
Car, aucune raison d’État dans un État raisonnable ne justifie que les principes élémentaires de la séparation des pouvoirs ne soient pas respectés dans le cadre d’une banale procédure visant une entreprise en difficulté.
Ignorer cela c’est envoyé un mauvais signal aux investisseurs que nous invitons à longueur de journée à venir investir sans leur garantir un procès équitable mené conformément à la loi, en cas de contentieux.
Lorsque nous entendons les représentants du liquidateur désigné, Monsieur Alain Guillemain dire, lors de la réunion de prise de contact aux travailleurs que la reprise des achats dépend de l’accord du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly.
Lorsque les préposés du liquidateur déclarent publiquement que leur interlocuteur n’est pas le juge commissaire mais la Primature, nous sommes en droit de nous demander s’il s’agit effectivement d’une procédure menée conformément aux exigences du droit OHADA.
Lorsqu’il est indiqué à l’attention des travailleurs que c’est une décision politique ou étatique qui justifient la présence du liquidateur, on est en droit de se demander si la procédure judiciaire n’était qu’un prétexte pour imposer une décision prise de longue date par le pouvoir exécutif.
Nous allons vous exposer certains éléments du dossier qui ne sont pas connus du public et chacun fera sa propre interprétation des circonstances de cette cause.
Il faut relever que les difficultés liées au fonctionnement de ces entreprises sont connues.
Il n’y a d’une part la faillite de la Société TRANSMAR (le plus grand client du groupe avec qui un contrat d’achat du cacao avait été déjà signé), et d’autre part, la chute des cours mondiaux du cacao d’environ 30% lors des campagnes 2016-2017.
Malgré cet imprévu, les entreprises mises en cause ont pu trouver un client à l’extérieur pour acheter les lots de cacao estimés à 60 000 tonnes.
Des propositions concrètes d’apurement de la dette du Conseil du Café Cacao dont le montant n’est pas déterminé en dehors des déclarations injustifiées faites à la presse.
Considérant que nous sommes dans un État dit de droit, étant donné que le juge ne statue que sur la base des éléments au dossier et non sur la foi des allégations tenues dans les journaux, on peut faire le constat suivant.
Le 28 Mars 2018, le Conseil du CAFE CACAO saisissait la section de Tribunal de Sassandra à l’effet d’obtenir la liquidation des sociétés SAFCACAO , CHOCO IVOIRE et CIPEXI pour avoir recouvrement d’une créance cumulée de 16.670.097.000 FCFA ;
En cours d’instruction, juste avant la nomination d’un expert, réagissant aux moyens des 2 entreprises qui contestaient cette créance, par des écrits en date du 4 Juin 2018 le CCC a revu ses prétentions à la baisse en posant le raisonnement suivant :
la créance de reversement en faveur du Conseil CAFE CACAO au titre des campagnes 2015/2016 et 2016/2017 est de 8.049.589.552 FCFA
et la créance de soutien en faveur de SAFCACAO au titre des campagnes 2015/2016 et 2016/2017 qui est de 593.437.671 FCFA.
C’est le solde de la compensation entre ces deux (2) créances qui dégage le montant de la dette du Conseil du Café Cacao et qui justifie la demande de liquidation.
Ainsi le CCC renonçait à la demande de liquidation sur le fondement d’une créance de 16.670.097.000 FCFA pour une créance de (8.049.589.552 FCFA -593.437.671 FCFA.) 7 456 151 881 FCFA
Pour la société CHOCO IVOIRE, le CCC a posé le même raisonnement
la créance de reversement en faveur du Conseil CAFE CACAO au titre des campagnes 2015/2016 et 2016/2017 est de 671.890.867 FCFA
et la créance de soutien en faveur de CHOCO IVOIRE au titre des campagnes 2015/2016 et 2016/2017 est de 377.989.612 FCFA.
Donc la dette de la société CHOCO IVOIRE à été ramenée par le CCC lui-même à (671.890.867FCFA- 377.989.612 FCFA.) 293.901.255FCFA.
Pour être factuel, au-delà des déclarations tapageuses faites dans la presse avec des montants à couper le souffle, un mois avant la décision de liquidation l’instruction a révélé que la dette cumulée selon le Conseil du Café Cacao lui-même est de 7.750.053.136FCFA.
Nous allons vous transmettre copie des pièces notamment les écritures du CCC qui corroborent ce que nous disons.
Suite à de telles déclarations, avant la décision controversée de liquidation, le Groupe a offert de payer la totalité de la dette de la société CHOCO IVOIRE pour vider la procédure de liquidation de celle-ci de son objet.
Le paiement de 293. 901.255FCFA dans une procédure normale aurait suffit pour arrêter la procédure contre la société CHOCO IVOIRE, mais le CCC n’a pas voulu d’une telle issue.
Pour SAFCACAO, le Groupe avait proposé de payer 1.000.000.000F FCA sur les 7milliards désormais exigés.
Mais l’on a décidé d’une liquidation dont l’objectif est d’écarter les dirigeants de la gestion au profit d’un liquidateur ayant pour mission de constituer l’actif pour faire face au passif tout en ignorant que non seulement les stocks de produits en entrepôt sont nantis au profit des banques, en outre l’usine de la société CHOCO IVOIRE expertisée à plus de 50 milliards est hypothéquée au profit de certains créanciers notamment des banques.
Si tant est que l’outil de production n’intéressait pas des proches du pouvoir comme l’a relayé la rumeur ces derniers temps, pourquoi avoir refusé d’appeler les banques qui garantissent l’exécution de l’obligation des débiteurs en cas de défaut de ceux-ci ?
S’il s’agissait de recouvrer une créance simplement, pourquoi avoir refusé de faire jouer la garantie des banques conformément aux dispositions du Traité OHADA sur le Droit des suretés ?
Mieux, lorsque les garants( les banques) se sont invités dans le débat par une assignation en intervention volontaire, pourquoi leur avoir refusé la parole ?
Curieusement, après la décision de liquidation nous avons appris par la presse que la dette du CCC ayant justifié la liquidation de ces deux(2) entreprises est de 75 millards de CFA alors que ce montant n’apparaît dans aucun document versé au débat devant les juridictions saisies du dossier.
Pire, le CCC indique dans la presse qu’il a procédé à la cession des contrats de vente(CV) à un autre opérateur économique.
Si cela est avéré, le CCC n’a en définitif enregistré aucune perte sauf à rendre public le montant de la vente pour qu’à l’analyse du point 3.1.1.2 du Document d’Opérationnalité encadrant les activités du Conseil du Café Cacao, un éventuel manque à gagner puisse être évalué.
Cette vente effectuée sans que l’opérateur concerné soit informé de son état de défaillance illustre si besoin, les plaies du CCC critiquées dans le rapport d’expertise du cabinet KPMG se résumant à la mauvaise gestion et à la violation constante des règles encadrant son fonctionnement.
Le point 3.1.1.2 évoqué et violé par les dirigeants du CCC est formel : « Ce risque(la défaillance d’un opérateur) résulte de l’incapacité d’un opérateur national ou international ayant pris des engagements dans le système à honorer lesdits engagements. Cet opérateur sera alors déclaré défaillant.
Si la défaillance intervient avant la fixation des prix de la campagne, il n’y a aucun risque pour le système puisque les tonnages de l’opérateur peuvent être remis à la vente.
Si la défaillance intervient après la fixation des prix, trois cas peuvent se présenter :
Soit le contrat est revendu à un prix supérieur ou égal : il y a donc pas de perte pour le système ;
Soit le contrat est replacé à un prix inférieur : dans ce cas la perte est supportée par le système ;
Soit le contrat ne peut être replacé : dans ce cas la perte est supportée par le système. »
Dans le cas d’espèce, seule la transparence pour une fois, sur le prix de revente des contrats sans que le concerné n’en soit informé comme l’impose le Document d’Operationnalité, peut éclairer sur l’existence d’une véritable dette au profit du CCC.
Aussi, il convient de noter que dans une telle hypothèse, le paiement de divers taxes, reversements et redevances sont à la charge du nouvel acquéreur, lequel devra s’acquitter du DUS( Droit Unique de Sortie) exigible seulement à l’embarquement.
La vente des contrats pourrait justifier également la demande de liquidation, car à la vérité le CCC se serait déjà payé au détriment des banques dont l’engagement est de 160 milliards.
Est-ce la mission d’un régulateur chargé de veiller à l’équilibre du système tout en aidant les opérateurs ?
Pour finir, l’opinion doit savoir que le Groupe a été invité suite à une approche de règlement négocié à son initiative, à participer à une séance de travail le 27 Juin 2018 au Cabinet de Monsieur le Premier Ministre pour signer un accord dont les termes avaient fait l’objet d’une convergence de vues par les parties.
A peine la séance débutée, les conseillers de Monsieur le Premier Ministre ont demandé au Groupe SAF et à ses Conseils, de se retirer tout en les rassurant de rester à l’écoute d’une seconde invitation.
Depuis ce jour, les portes de la Primature sont restées désespérément fermer.
En revanche, la procédure de liquidation a gagné en intensité pendant ce temps au point où on n’a pas voulu s’encombrer pour suivre rigoureusement la procédure prévue avant d’aboutir à une liquidation.
Malgré qu’il ait été prévu d’exécuter la décision de liquidation sur minute, avant enregistrement, jusqu’à ce jour le liquidateur n’a pu enclencher véritablement la phase de liquidation compte tenu de la complexité du dossier et des impacts d’une telle décision dans le tissu socio-économique.
Conscientes des enjeux, les sociétés SAFCACAO et CHOCO IVOIRE ont proposé la transformation de la décision de liquidation en une décision de redressement judiciaire, aux juges du second degré de la Cour d’Appel de Daloa.
Mais si des autorités politiques continuent de prendre position dans la presse, il est à craindre que les magistrats chargés ce dossier à nouveau ne se débarrassent de la procédure en restant dans la philosophie des décideurs politiques.
Une telle issue serait dommageable pour le droit et le secteur d’activité qui est à la croisée des chemins.
Fait à Abidjan le 25 aout 2018.