L’ancien Premier ministre ivoirien Charles Konan Banny est décédé vendredi de complications pulmonaires et respiratoires liées au coronavirus, à Paris, où il avait récemment été évacué et hospitalisé.
Atteint du coronavirus à Abidjan, il avait été transféré le 4 septembre à l’hôpital américain de Neuilly où il est décédé vendredi 10 septembre, à 78 ans. Alors qu’il était depuis quinze jours pris en charge à la Pisam (Polyclinique Sainte Anne-Marie) à Abidjan, l’état de santé de l’ancien Premier ministre ivoirien, vacciné contre le Covid-19, avait nécessité un transfert d’urgence par un vol spécialement affrété.
Cadre du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Charles Konan Banny avait été imposé comme Premier ministre à Laurent Gbagbo par la communauté internationale en décembre 2005, un poste qu’il quittera en avril 2007.
Après la sanglante crise post-électorale de 2010-2011, il avait été nommé président de la Commission vérité et réconciliation (CDVR), un poste stratégique. Entendre victimes et bourreaux de tous bords, diagnostiquer et guérir les maux ivoiriens, réconcilier pro-Ouattara et partisans du président déchu Laurent Gbagbo : « CKB », en héritier autoproclamé du premier chef d’État Félix Houphouët-Boigny – avec lequel il avait des liens familiaux -, avait obtenu des résultats contrastés. Malgré des témoignages poignants et l’audition de 72 000 victimes, la CDVR a eu un très faible écho dans la population et n’avait pas suscité la « catharsis » espérée en Côte d’Ivoire.
Nombreux hommages
La classe politique ivoirienne a largement salué sa mémoire. « Je rends hommage à un grand serviteur de l’État, une personnalité politique de premier plan dont la contribution à la réconciliation nationale a été importante », a réagi le président ivoirien Alassane Ouattara
« En ces terribles circonstances, mes premières pensées vont à l’endroit de son épouse déjà durement éprouvée par plusieurs deuils familiaux il y a seulement quelques temps », a réagi de son côté l’ancien Chef de l’Etat ivoirien, Laurent Gbagbo, non sans saluer « avec respect la mémoire de ce grand commis de l’Etat qui a été aussi mon proche collaborateur en tant que Premier ministre.»
« Tout au long de sa carrière (…) M. Charles Konan Banny a laissé des marques de l’image d’un travailleur acharné, déterminé et profondément attaché à la culture de résultats ; un serviteur exceptionnel et exemplaire », indique un communiqué du PDCI.
« J’ai appris avec une tristesse infinie le décès de Charles Konan Banny. J’ai servi dans son gouvernement lorsqu’il fut Premier ministre. Il demeura pour moi un aîné attentif, aux conseils éclairés et fraternels », a tweeté Patrick Achi, l’actuel chef du gouvernement. « Il a changé ma perception de la politique ivoirienne et de certains de ses acteurs », s’est pour sa part ému Guillaume Soro.
Les réactions dépassaient les frontières de la Côte d’Ivoire : l’ancien président béninois Thomas Boni Yayi a déploré la mort d’un « excellent technocrate, orfèvre des questions monétaires, financières et bancaires », estimant qu’il s’agissait d’une « grosse perte » pour la sous-région.
BCEAO
Né le 11 novembre 1942 à Divo (Sud), ce fils de planteur baoulé était diplômé de la prestigieuse École supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec) de Paris. Après avoir travaillé dans la gestion d’État de la filière cacao en Côte d’Ivoire, premier exportateur mondial, il intègre en 1976 la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à son siège de Dakar, où il gravit tous les échelons.
Gouverneur par intérim de cette institution (1990-1993), il est confirmé dans ses fonctions le 1er janvier 1994, trois semaines avant la dévaluation du franc CFA, qui jouera un grand rôle dans son image d’«homme de la France ». Il y restera jusqu’à son arrivée en 2005 à la primature ivoirienne.
S.A. avec Afp