Mardi 20 avril 2021, le général Azem Bernandoa, porte-parole de l’armée tchadienne, a annoncé à la télévision nationale du pays, le décès des suites de ses blessures du Maréchal Idriss Déby Itno. Le chef de l’Etat tchadien, qui était monté au front pour encourager ses troupes qui tentent de contrer les rebelles du Front de l’alternance et de la concorde (FACT), a été grièvement touché sur la ligne de combat, avant de rendre l’âme après son transfert à la capitale N’Djamena.
« Le président de la République, chef de l’Etat, chef suprême des armées, Idriss Deby Itno, vient de donner son dernier souffle en défendant l’intégrité territoriale sur le champ de bataille. C’est avec une profonde amertume que nous annonçons au peuple tchadien, le décès ce mardi 20 avril 2021 du maréchal du Tchad Idriss Deby Itno », a lu l’officier supérieur.
Et comme tout était préparé auparavant, le porte-parole de l’armée a aussitôt annoncé la formation du Comité militaire de transition (CMT), chargé de diriger le pays pendant 18 mois avant l’organisation de nouvelles élections. « Un appel au dialogue et à la paix est lancé à tous les Tchadiens de l’intérieur comme de l’extérieur pour continuer à construire ensemble le Tchad. Le Conseil militaire de transition rassure le peuple tchadien que toutes les dispositions sont prises pour garantir la paix, la sécurité et l’ordre républicain », a poursuivi le Gal Azem Bernandoa.
Dès sa mise en place, les premières décisions du CMT s’apparentent ni plus, ni moins à un coup d’Etat. En effet, les militaires, qui ont pris le soin de mettre à la tête de cet organe le fils du défunt président, le général de corps d’armée Mahamat Idriss Déby Itno, 38 ans, ont suspendu la constitution et dissous le gouvernement ainsi que l’Assemblée nationale, promettant une transition démocratique après 18 mois.
Des agissements qui mettent davantage à mal l’alternance dans ce pays qui est loin d’être une poche de démocratie. C’est dire que c’est une période d’incertitude qui commence avec ce CMT qui crée une situation exceptionnelle alors que la constitution tchadienne règle le problème du décès du président. En effet, en son Article 81, elle stipule que :
« En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit ou d’empêchement définitif constaté par la Cour Suprême saisie par le Gouvernement et statuant à la majorité absolue de ses membres, les attributions du Président de la République, à l’exception des pouvoirs prévus aux articles 85, 88, 95 et 96, sont provisoirement exercées par le Président de l’Assemblée Nationale et, en cas d’empêchement de ce dernier, par le 1er Vice-président. Dans tous les cas, il est procédé à de nouvelles élections présidentielles quarante-cinq (45) jours au moins et quatre-vingt-dix (90) jours au plus, après l’ouverture de la vacance ».
Un article qui ne souffre aucunement d’ambiguïté et refuser de l’appliquer prend la forme d’un coup d’Etat, comme l’explique Dr Evariste Ngarlem Toldé, doyen de la faculté des sciences juridiques et économiques de l’Université de Ndjamena, interrogé par la BBC. « Le conseil militaire de transition n’est pas prévu par les textes donc c’est un régime anticonstitutionnel. Notre loi fondamentale prévoit qu’en cas de vacance du pouvoir, c’est le président de l’assemblée nationale qui doit assurer l’intérim jusqu’aux nouvelles élections. Donc ce conseil militaire de transition n’a pas sa place. Pour moi, c’est un coup d’Etat », développe le juriste.
Comme l’universitaire, plusieurs voix à l’intérieur et à l’extérieur du pays s’élèvent pour dénoncer le Comité militaire de transition. Des acteurs politiques le jugent illégal et illégitime et appellent au respect de la constitution. Pour leur part, les rebelles du FACT ont dit niet à cet organe dès sa création. « Nous rejetons catégoriquement la transition », a déclaré mardi le porte-parole Kingabe Ogouzeimi de Tapol, ajoutant que « nous avons l’intention de poursuivre l’offensive. Nos troupes sont en route vers N’Djamena, mais nous allons laisser 15 à 28 heures aux fils de Deby pour enterrer leur père, selon la tradition ».
Pour exister et diriger le pays comme ils le souhaitent, les militaires du CMT et le Gal Mahamat Idriss Déby Itno dit « Mahamat Kaka » devront jouer sur deux fronts. D’un côté la classe politique et la société civile qui voient dans cette situation une opportunité de conduire le Tchad sur les voies d’un Etat de droit, et de l’autre, le FACT pour qui cet organe n’est que la continuité du régime Déby qu’il a entrepris de chasser du pouvoir.
Serge YAVO