Depuis 2004, date de l’intronisation d’un chef de quartier en chef de village, Ouélékei, banlieue de Bondoukou, connait un grave litige de chefferie. Un conflit qui, sans être alarmiste, pourrait avoir des conséquences néfastes sur la réalisation de l’Université du Gontougo.
Pour bien comprendre les origines de ce conflit qui oppose Dagbolo Sié Kouassi Akélépi à Sié Kobénan, il faut remonter à l’histoire du village de Ouélékei. Une localité dont le nom originel était Ouolokia et qui, aujourd’hui, fait partie de la commune de Bondoukou ( Nord-Est de la Côte d’Ivoire). Un rattachement à cette commune qui fait suite à un regroupement de quatre entités villageoises ayant chacune conservée leur chefferie que sont Ouelekei- Katobilé, Kanguélé, Gbanga-sié et Bamarasso village encore appelé Ganbéni.
Profitant de l’absence d’un arrêté administratif désignant le statut de chef de village, après 34 ans de règne, Dagbolo Sié Kouassi Akélépi se voit ravir son titre par Sié Kobénan. Ce dernier, professeur d’histoire géographie exerçant à Abengourou, se fait affecter à Bondoukou du temps du pouvoir FPI de Laurent Gbagbo.
C’est alors qu’il tentera de se faire désigner chef du village Ouélekei avec comme parrain un certain Laurent Dona Fologo, alors président du Conseil économique et social. Nommé par la suite au sein du Conseil général de Bondoukou avec la bénédiction d’un élu FPI, M. Sécré Richard, baron du parti de Laurent Gbagbo, Sié Kobénan va s’imposer comme Chef.
Ainsi, profitant du décès de sa génitrice, Sié Kobénan et son parrain Sécré richard feront venir Simone Gbagbo, ci-devant première Dame de Côte d’Ivoire, pour les funérailles. Une arrivée qui mobilise toutes les autorités administratives et coutumières en l’occurrence tout le corps préfectoral de la région.
Les obsèques se sont muées en fête de réjouissance et d’intronisation de Sié Kobenan comme chef de village, mettant de côté celui qui se présente comme le véritable détenteur du trône de Chef de Ouélekéi, Nanan Sié Kouassi Apélépi. L’intronisation de Sié Kobénan se fait avec la caution du préfet TRA Bi Gohi et un PV daté du 23 juillet 2003 relatif à la désignation par un collège de notables du chef d’Ouélékei. Sauf que ce jour-là, une intronisation est faite sans remise de facto d’arrêté de nomination comme cela se fait habituellement et légalement. Sinon comment expliquer et comprendre que c’est deux ans après, c’est-à-dire le 10 août 2005, que l’arrêté N° 41/RZ/PBKOU/SG-1 faisant de Sié Kobenan est signé et délivré.
Sié Kobenan se prévalait ainsi d’un tel titre alors que les attributs de la chefferie sont ailleurs et en possession de Nanan Sié Kouassi Apélépi . Le bras de fer entre les deux hommes existe jusqu’à ce jour, mettant ainsi le village sur un pied de guerre.
De vives tensions
Depuis 2005, les populations désabusées veulent réparation. Mais avec le Fpi au pouvoir, rien n’y fit. Les plaintes des populations ne peuvent avoir d’écho favorable auprès des autorités administratives qui craignent le courroux du tout puissant d’alors Sécré Richard. En 2010, le pouvoir change avec l’accession d’Alassane Ouattara à la magistrature suprême.
Les populations d’Ouélékéi vont de nouveau saisir les autorités au plus haut niveau. 03 février 2014, un courrier d’opposition est adressé au Ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Hamed Bakayoko, ministre de tutelle.
Des instructions sont données au Préfet de région pour enquête et diligence. Des rencontres sont faites pour la gestion et la résolution dudit conflit durant 2 ans. Dans 1er rapport, M.SEKA fidèle, Sous-préfet, n’ayant pas trouvé d’entente entre les protagonistes décide de commun accord de porter l’affaire devant le Roi des brons, Nanan Adingra Kouassi Adjemane.
Après discussions celui-ci désigne quartier Katobilé comme étant le fondateur d’Ouélékéi donc détenteur de la chefferie. Le camp de Sié Kobenan s’oppose encore et l’on décide de faire recours aux fétiches pour une affaire purement administrative.
Des pétitions sont faites pour rétablir Nanan Sié Apéleki dans ses droits. Mais là encore, Nanan Adou Bibi 2, Roi du Pinango et partisan de Sié Kobenan, va faire jouer ses relations pour empêcher les différents rapports de remonter à la tutelle. Ce, jusqu’à ce vienne le projet de construction de l’université de Bondoukou sur le site du village de Ouélékéi.
La réalisation de l’université menacée
Dans sa volonté de décentraliser l’enseignement supérieur, le président Ouattara octroi une université à Bondoukou. Le site choisi est à Ouélékéi. Le conflit de chefferie refait surface quand il s’agit de la délivrance d’une attestation villageoise à l’Etat de Côte d’Ivoire et surtout la purge coutumière. Le clan Sié Kobenan fait des mains et pieds pour arracher le marché.
L’affaire est bloquée et le gouvernement constate la réalité sur le terrain. L’attestation ne peut être délivrée qu’au propriétaire terrien d’Ouélékéi à qui revient de coutume le trône de chef de village. Recours est donc fait Dagbolo Sié Kouassi Akélépi. Ce dernier pour l’intérêt suprême de sa région va apposer son sceau et sa signature sur l’attestation villageoise de propriété foncière délivrée len18/11/2015 à l’Etat. Nanan Adou Bibi 2 signe comme témoin. Mieux, Apéléki va faire la libation en présence de Sié Kobenan
Or depuis les temps ancestraux dans l’histoire d’Ouélékéi, seul le propriétaire terrien est chef de village selon la lignée qui a toujours été respectée. Lorsqu’en 2019, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly s’y rend pour la cérémonie de la pose de la 1ère pierre de l’université, la bataille reprend quand est programmée une cérémonie de libation. Sié Kobenan et son clan prétextant d’un projet de Laurent Gbagbo récupéré par Alassane Ouattara et le Rhdp, menacent de créer des incidents et huer le PM si d’aventure le Chef Akélépi est désigné pour la libation.
La tension monte et en présence du Préfet de région, du maire , du médiateur délégué, de Nanan Adingra Adjemane et Nanan Adou Bibi, Dagbolo Akelépi accepte la proposition d’une tierce personne neutre afin d’éviter de cautionner des incidents. Faisant preuve ainsi de sagesse, Sié kouassi Akélépi accepte que la libation sur sa terre soit faite par un méconnu de ses ancêtres. Le 19 décembre 2019, Amadou Gon pose la première pierre.
L’ouverture de l’université est pour la rentrée 2020-2021. Et le problème de la chefferie demeure. Cette infrastructure de l’enseignement supérieur verra-t-elle jour ? Si oui, quel accueil réserveront les mânes tutélaires d’Ouélékéi aux nouveaux étudiants quand on sait qu’en Afrique, les dieux existent et se manifestent ?
En vérité, projet de réalisation de l’Université de Bondoukou est sérieusement menacé. Les plus hautes autorités du pays sont interpellées sur cette tension qui prévaut à Bondoukou.
Dossier réalisé par YANN-INÈS