Port-Bouët: Le commissaire de police n’aime pas les crabes… Sanction, 24 heures au violon
Le commissaire Komoé du 5ème arrondissement de Port-Bouët a maintenu dame Kéï Hortense, vendeuse de crabes, au violon, du dimanche 21 au lundi 22 avril 2019 à 15 heures.
Keï Hortense, vendeuse de crabes au marché de Port-Bouët, a dû surseoir à son gagne-pain du dimanche 21 au lundi 22 avril 2019 à 15 heures pour séjourner dans la puanteur du violon du commissariat de ladite commune abidjanaise. Et pour cause, le commissaire dudit arrondissement a jeté son dévolu sur elle en raison de la destruction de piquets, objet d’embellissement de son commissariat, par des personnes inconnues.
Dimanche 21 avril 22 heures, le Pachyderme est joint par téléphone par les parents de dame Keï Hortense. Celle-ci livre sa version des faits. Venue d’Agbabou, derrière l’aéroport international d’Abidjan, elle vend ses crabes au marché de Port-Bouët, situé en face du commissariat du 5ème arrondissement. Une cliente l’a sollicitée à l’angle droit du commissariat. A peine l’échange effectué qu’un policier nommé Kouassi l’interpelle. Les supplications de la commerçante se heurtent au refus catégorique de l’agent et de son commissaire. Ceux-ci l’enferment sur le champ, vers 8 heures.
Nous tentons d’avoir la version des agents de police. Le premier refuse de nous adresser la parole tandis que le second, le lieutenant Dao, soutient ne pas savoir de quoi il ressort. C’est le commissaire Komoé qui nous livrera sa version des faits en personne lundi 22 avril au commissariat. A l’en croire, il a initié des travaux d’embellissement de son commissariat à hauteur de 500.000 frs CFA d’apport personnel. Il s’agit de la réhabilitation du revêtement extérieur et des piquets pour éviter tout stationnement. Le commissaire Komoé nous présente trois piquets détruits par des personnes inconnues à l’angle gauche du commissariat. Un acte d’incivisme qui décuple sa colère. « Lorsque dans une telle situation, je découvre une vendeuse adossée à un piquet à l’entrée du commissariat, que voulez-vous que je fasse ? C’est ici qu’on vend des crabes ? » s’insurge le commissaire Komoé qui reconnait tout de même que la commerçante n’est pas l’auteure de la destruction desdits piquets.
En notre présence, il soutient continuer la procédure, arguant que cette affaire de vendeuse de crabes se trouve au Parquet d’Abidjan. Il exige un engagement pour libérer dame Kéi. Cette personne signataire de cet engagement devra, ajoute-il, s’assurer de la présence de la vendeuse de crabes au Tribunal au cas où le Parquet la convoque. Le délit invoqué : destruction de biens publics. Les parents de la prévenue soutiennent pourtant que le commissaire leur avait exigé la somme de 35 000 Frs Cfa et 5 paquets de ciment pour la réparation du ses piquets d’embellissement détruits par d’illustres inconnus mais dont Dame Kéï doit endosser la responsabilité.
L’époux, Doho Michel prend donc l’engagement. Sa femme sera libérée lundi 22 avril vers 15 heures après une nuit passée, le ventre creux, dans les odeurs nauséabondes du violon. Elle nous révèle que le commissaire l’aurait narguée en personne avant de la libérer. « Je t’ai ratée. Tu comptes sur tes parents qui ont de hautes responsabilités sociales ! En plus vous avez appelé l’Eléphant déchaîné ! Sors ! La prochaine fois tu verras ! » relate-t-elle, selon des propos qu’elle attribue au commissaire Komoé avant d’indiquer qu’elle gagne sa vie de son commerce de crabes et qu’elle n’a pas posé d’actes d’incivisme pour être traitée comme telle. En ce qui relève des parents de la prévenue, ils n’excluent pas une plainte contre notre commissaire qui a fait des tonnes pour une histoire de crabes.
CYRILLE NAHIN, in L’Eléphant déchainé n°639