Politique Nationale: ‘‘Ces’’ FIGURES EMERGENTES ET L’AVENIR DU PDCI RDA…SANS BRUIT ! En 2020’’ (Pr Koby Assa)
La plus grande bataille politique en Côte d’Ivoire, depuis la mort du président Félix Houphouët-Boigny, va se dérouler dans deux ans. Son enjeu, c’est la conquête ou la conservation du pouvoir pour l’exercer au cours de la troisième décennie du 21ème siècle. Cette bataille n’a rien à voir avec la défense de l’Houphouétisme devenu un fonds honteux de commerce politique. Comment se présente cette bataille pour le doyen des Partis politiques ivoiriens au regard de l’évolution actuelle du contexte sociopolitique avec l’émergence de nouvelles figures jeunes et audacieuses ?
Le contexte sociopolitique
De nombreux problèmes hantent actuellement l’esprit des Ivoiriens. Le journal Le Temps du 03 novembre 2018 a fait les observations pertinentes ci-après sur le climat d’incertitudes dans lequel nous baignons : l’exigence de justice et de partage équitable des fruits de la croissance économique ; la transparence de notre justice ; la vérité, l’éducation, l’attention envers les Ivoiriens, dans un pays en quête de démocratie, et divisé par une crise de citoyenneté entre les « bon » d’un côté autour de la table présidentielle, et, de l’autre, ceux qui veulent renverser la table du dîner présidentiel. Il y a également, au des leçons des dernières consultations électorales, les questions de l’indépendance de la CEI et de toutes les institutions aux mains du clan présidentiel ; l’attitude d’une hypothétique nouvelle plateforme politiques face à la présidentielle 2020 (participation ou boycott) ; la fraude possible dans le recensement et le découpage électoral et leurs incidences sur l’enrôlement ; le choix du logiciel informatique pour le dépouillement du scrutin de 2020 ; la restructuration d’une armée au commandement mono-ethnique etc. Le RHDP ancienne version a été incapable de donner l’exemple d’une vie interne de solidarité et de partage ; il n’a pas réussi non plus à réconcilier les Ivoiriens. Le RHDP unifié pourra-il résoudre ces problèmes ? La nouvelle plateforme envisagée par le PDCI saurait-elle faire mieux ? Elle qui mise sur une stratégie pour contrer une possible main basse sur la présidentielle de 2020. Allons-nous faire un pas de plus vers un précipice électoral plus profond que celui de 2010 avec ses milliers de morts ?
Aujourd’hui, l’aptitude à diriger les Ivoiriens dans un climat non violent et de respect des droits humains après Houphouët est, de toute évidence, un pari non tenu, disons même carrément un échec. Pour l’épisode 2011-2018 cogéré par la coalition RHDP, celle-ci porte la responsabilité politique de cet échec. Or « Il n’est rien de plus fort au monde que la douceur » (Han Supin) et la non-violence, enseignement fondamental du Père fondateur dont nous nous sommes écartés, ce qui nous pose aujourd’hui des problèmes. Le RHDP a échoué dans la protection de cet héritage. Voilà le contexte dans lequel la discipline habituelle à l’intérieur de nos partis politiques est devenue problématique, ce qui explique en partie le rôle croissant des candidatures indépendantes et, parallèlement, de nouvelles figures politiques émergentes. Il y a enfin la nouvelle donne fracassante de la dénonciation et de la rupture du PDCI avec de l’acte instituant la volonté d’aller vers un parti RHDP unifié.
Dans l’éléphant Déchaîné n°596 du mardi 24 avril 2018, p.10. nous attirions l’attention sur le phénomène des candidatures indépendantes comme un important germe de changement évoluant subrepticement vers une tendance pouvant générer des ruptures et des bifurcations aux impacts les plus inattendus dans notre pays. Les dernières municipales et régionales viennent de le confirmer. ll y a eu plus de 400 candidats indépendants aux municipales. Ils arrivent au second rang en nombre d’élus après les sept partis regroupés dans le RHDP unifié, et avant le PDCI RDA. Ces candidats indépendants et le PDCI RDA totalisent plus de maires élus que le parti présidentiel. Les ralliements au forceps de candidats brandis au quotidien par le régime RHDP RDR trahissent une fébrilité, et sans doute une perte de force. Mais aucun jeu n’est totalement fait pour le moment. Chaque parti a donc le temps d’espérer et d’agir face aux enjeux de la présidentielle de 2020.
L’évolution du système politique Côte d’Ivoire connaît actuellement des mutations structurelles et idéologiques accélérées qui remettent en cause les stratégies de conquête du pouvoir par le PDCI et du RDR. Après la coalition éphémère du Front Républicain des années 1970, le projet du RHDP Unifié en gestation tumultueuse pourrait connaître au finish le même dénouement que l’ex Front républicain. Dans ce jeu d’échec, le projet de plateforme initiée par le PDCI en dehors de ceux déjà existants brouille davantage les cartes des alliances potentielles dans le court terme. La myriade de partis sans poids démographique au plan électoral face aux macroéléments de l’environnement interne du système politiques Côte d’Ivoire compte peu. Les partis sont des acteurs sur le champ de bataille politique avec leurs objectifs spécifiques et des stratégies associées à ces objectifs au regard de rapports de force en présence. Dans cet ordre d’idées, ce qui devrait intéresser un parti dans la compétition à venir, c’est le profit qu’il pourra tirer des nouveaux acteurs ou groupes d’acteurs émergents, notamment pour le PDCI, face à l’épreuve à laquelle le soumet le pari qu’il vient de faire en se retirant du mouvement du RHDP unifié. Quelles épingles sortira-t-on des jeux d’acteurs dans les chambardements en cours et la recomposition du paysage politique que le PDCI a provoqués ? Car chaque parti a un éventail de choix possibles en lien avec ses projets, et il faut compter de plus en plus avec toutes les jeunes figures politiques émergentes.
Les figures émergentes
On peut distinguer trois types de figures émergentes dans le nouveau paysage politique ivoirien :
1° Ceux de la table présidentielle.
2° Les émergents du PDCI RDA.
3° les émergents embusqués.
Avec le FPI empêtré dans des querelles de leadership interminables, on ne voit pas pour le moment de jeunes figures émergentes en son sein, quoique le FPI soit loin d’être hors-jeu.
Les émergents de la table présidentielle sont ceux qu’une publication récente du quotidien Le Patriote a présentés comme des poids lourds devant faire la différence en 2020. Nul besoin de les nommer pour dépersonnaliser le débat. Il apparaît cependant que le RHDP RDR est fortement diminué en dehors de ses recrutements dans le jardin du PDCI qui sont sa condition de survie. Ses figures émergentes sont soutenues par le puissant appareil d’Etat, avec nos ressources publiques communes, distribuées sans ménagement pendant les dernières campagnes électorales. Cette stratégie propulse ainsi des ministres ou des hauts fonctionnaires omnipotents, tenus par des obligations régaliennes, mais en même temps liés, pour ceux issus du PDCI, par les impératifs de leurs ralliements par des pressions ou par les avantages personnels qu’ils gagnent à figurer à la table du festin présidentiel après avoir été promus, choyés et mis en selle par leur parti d’origine. Leur prototype est le nouveau fou du Roi… Il y a parmi eux d’autres transhumants assis entre deux chaises pouvant être éjectés à tout moment au gré de l’évolution de la conjoncture sociopolitique, y compris le nouveau fou du Roi… Ils se défendent d’être des « traitres » du moment qu’ils travaillent, selon eux, à la défense et à l’illustration de l’Houphouétisme en dehors de leur parti d’origine sans avoir été mandatés. Malheureusement pour eux, le sixième congrès extraordinaire du PDCI vient de clarifier les règles du jeu pour l’avenir. Ils ont donc à choisir entre l’auto-exclusion et le retour au bercail.
Les émergents proches du PDCI RDA ont la caractéristique d’être une nouvelle race de combattants politiques mus par l’idéal d’appartenance à la maison originelle de l’Houphouétisme, quels qu’en soient les risques. Inutile de les nommer eux aussi pour dépersonnaliser le débat. A la différence des débauchés par le RHDP RDR, ils font figure de héros, tel ce déchu de ses responsabilités politiques qui vient d’élargir le nombre des exilés politiques ivoiriens célèbres. Il y a également les élus PDCI aux résultats inversés, qui sont bousculés avec leurs proches collaborateurs jusqu’à l’humiliation et l’incarcération. Ils subissent des pressions multiformes du pouvoir qui suscitent un soutien populaire faisant d’eux de nouvelles stars. Il y a enfin les élus municipaux et régionaux parrainés par le PDCI, dont l’équation personnelle a fait la différence malgré une adversité farouche qu’ils sont parvenus à surmonter par leurs compétences avérées dans la veille sur les résultats du scrutin. On peut compter parmi leurs succès, la préservation des espaces politiques symboliques du PDCI que sont la commune du Plateau, la commune de Cocody (aire de concentration de l’élite ivoirienne), et la commune fétiche de l’Houphouétisme : Yamoussoukro. Ces trois communes, à elles seules, pèsent symboliquement plus qu’une multitude de communes. Leurs figures émergentes devraient faire, au PDCI, l’objet d’une attention particulière, à cause des conditions morales et politiques très contraignantes dans lesquelles elles se sont imposées. Ils forcent l’admiration des jeunes du PDCI et du pays en général dans un nouveau monde où l’audace et la créativité novatrice sont des qualités recherchées.
La dernière catégorie d’émergents, les embusqués, provient des indépendants, affiliés ou non à un parti, dont l’équation personnelle a eu raison soit du mauvais choix de leur parti, soit de la minimisation de leur importance sur l’échiquier politique régional ou communal. Parmi eux figurent d’illustres inconnus, aux moyens financiers modestes, dont la force de caractère dérangeait quelquefois l’ordre établi au point qu’ils apparaissent eux aussi comme des figures emblématiques séduisantes parmi les nouvelles élites politiques auprès de la jeunesse. Que peut-il advenir dès lors pour le PDCI avec ce potentiel, un cas intéressant à suivre parmi nos formations politiques en raison de la récente résolution prise de claquer la porte du RHDP, une décision qui bouleverse le jeu politique ivoirien dans le sens de la recomposition des alliances sur le champ de bataille politique.
Un nouveau PDCI conquérant
Le PDCI avance sans bruit, pour quiconque est familier à la lecture des ruptures et du changement en prospective. Avec ses jeunes figures émergentes, il a un défi du meilleur à relever et s’y attèle. C’est ce à quoi le condamne du reste sa rupture avec le projet du RHDP unité. Il doit assumer et gérer cette rupture avec professionnalisme politique au service de la Paix. Face à l’avenir, il faut partir de l’idée que la prospective est une science d’anticipation, et qu’en politique surtout, l’anticipation est difficile et risquée en raison des incertitudes qui l’entourent. Mais les grands managers en prospective stratégique postulent que « Les hommes et l’organisation sont au cœur de la différence entre les entreprises performantes et celles qui ne le sont pas ». C’est donc une extraordinaire opportunité qui s’offre au parti septuagénaire de pouvoir compter sur une nouvelle classe émergente de valeurs éprouvées en son sein. Mais toute organisation politique est structurée sur la base d’une chaîne de générations et de valeurs dans laquelle l’expérience des plus anciens est indispensable pour construire des avenirs neufs répondant aux aspirations des jeunes générations. Mais l’avenir des anciens est consommé et irréversiblement derrière eux, et il faut l’accepter comme tel. Le renouvellement des classes dirigeantes s’impose en conséquence pour aller de l’avant, même si la nouvelle constitution opportune votée hâtivement sous l’égide de l’ex RHDP légalise la remise en scène de croulants, sans limite d’âge. Spirituellement, le PDCI traverse actuellement un épisode de mise en mission de valeurs jeunes éprouvées en politique, et c’est un signe clément.
Un autre atout du PDCI réside dans le fait qu’aucun parti politique ivoirien n’a comparativement la même profondeur historique, le potentiel en cadres, en qualité et en nombre distribué au niveau de toutes les ethnies. Il a ainsi les compétences et l’expérience accumulées depuis sept décennies, pour rebâtir une Côte d’Ivoire nouvelle, réconciliée et pacifique, en vue de lui redonner son audience internationale d’antan. On comprend que le RHDP RDR s’échine à recruter dans l’inépuisable vivier du PDCI dans sa stratégie d’affaiblissement d’un partenaire devenu un redoutable adversaire. Le défi lancé par le congrès extraordinaire de Daoukro en ratifiant la sortie du RHDP unifié nous paraît une excellente opportunité pour mettre au-devant de la scène les générations adultes et jeunes du Parti comme acteurs centraux de la reconquête du pouvoir. Les nouveaux émergents de ce Parti rassurent. On ne mobilise pas avec seulement des ponts et des infrastructures, mais surtout avec des valeurs à faire approprier et partager par le Peuple. Le PDCI du reste, n’a rien à envier aux autres partis ivoiriens en matière de savoir-faire dans l’élaboration de notre jeune nation en commençant par la création de richesses. Le salut du pays viendra de ses nouveaux hommes et femmes de valeur forgés dans l’esprit du don de soi d’avril 1946. Le PDCI est suffisamment riche de ses hommes et de ses femmes pour faire la différence. De quoi a-t-il peur ? Il lui faut tout simplement innover et renforcer ses méthodes de gestion et de valorisation de son potentiel humain pour redevenir conquérant et gagner. Sans bruit ! En 2020.
Pr KOBY Assa Théophile
Ex-Secrétaire National du PDCI chargé des études et prospectives
Membre du Comité des sages