Mauvaise gestion, légèretés administratives-L’incorrigible Conseil du café-cacao : De nouveaux miracles épinglés par un audit !
Le Conseil du Café Cacao (CCC), organe de régulation de la filière café cacao en Côte d’Ivoire, épinglé en 2017 par un rapport d’audit du cabinet KPMG est encore sous les feux de la rampe.
Un rapport d’audit interne dont le pachyderme a obtenu copie, dévoile des actes de mauvaise gestion inquiétants sur la campagne 2016-2017 et 2017-2018.
Une douloureuse nommée « FMIR »
Le Fonds d’investissement en milieu rural (FIMR), géré par le Conseil du café cacao (CCC) n’est pas géré selon les règles de l’art. C’est en tout cas ce que révèle l’audit interne réalisé par la Direction en charge des risques et du contrôle du CCC.
A en croire ses rédacteurs, l’audit a été réalisé « en prélude à l’audit indépendant qui aura lieu en 2019 dans le cadre des accords entre l’Etat de Côte d’Ivoire et des partenaires financiers (Banque Mondiale et Fonds monétaire international) et suite à la crise de la commercialisation intervenue lors de la campagne 2016/2017 ». Plusieurs manquements ont été constatés.
« Les procédures en vigueur datent de 2015 et n’intègrent pas le nouveau cadre organisationnel du Conseil du Café Cacao ».
Dans les détails, L’Eléphant a pu noter pêle-mêle que les procédures de gestion du fonds destiné au financement d’infrastructures socio-économiques de base en milieu rural dans le but d’améliorer les conditions de vie et de travail des producteurs de Café-Cacao et leurs communautés ne sont pas actualisées et ne cadrent pas avec l’organisation actuelle du CCC.
Les auditeurs relèvent par ailleurs, que les relevés des comptes bancaires relatifs aux opérations afférentes qui devraient être transmis mensuellement aux ministères de tutelle ne le sont pas. Idem pour le suivi-évaluation des projets, que le CCC ne met pas en pratique. Toute chose que déplorent les auditeurs qui estiment que « cet exercice primordial permet d’apprécier la mise en œuvre d’un projet par rapport aux performances attendues. En outre, il vise à apprécier systématiquement et objectivement la pertinence, la performance et le succès du projet en cours ou achevé » Ils préconisent donc l’intégration du FIMR dans le champ d’action du service en charge du Suivi évaluation.
Reprofilage lourds et glissements
Au cours de la campagne 2017/2018, le CCC a engagé des travaux de reprofilage lourd dans les zones de production du café cacao. 6 entreprises ont été retenues à la suite d’un appel d’offre. La lecture du rapport d’audit révèle que le processus d’attribution et d’exécution des marchés ne s’est pas fait selon les règles de l’art. « Les entreprises 3 ICI, SOTRANSGEC, ICM et Clairefontaine, bien que n’ayant pas fourni de preuve de ligne de financement ferme d’un établissement bancaire ont été attributaires des lots 6, 5, 2 et 4. Cette attribution a fait l’objet de validation par la Direction des marchés publics en raison du motif d’urgence de travaux évoqué par le CCC. A notre avis, la preuve de l’existence d’une ligne de financement aurait dû être exigée auprès des fournisseurs. Sa présentation aurait pu constituer un préalable à la signature du marché entre le CCC et les entrepreneurs concernés. En effet, elle aurait permis de se prémunir contre les risques de non-exécution suivant les délais et les normes de qualité requis ». Ce n’est pas tout. Les distances prévues dans le dossier d’appel d’offre sont différentes des distances inscrites au marché signé.
Le plus surprenant au chapitre du reprofilage lourd, c’est que le CCC s’est permis d’accorder des avances de démarrage des travaux, d’un montant de 2,1 milliards de francs CFA aux entreprises. Pour quelles raisons ? En tout cas, les auditeurs estiment que ces « avances devraient être supportées par une caution bancaire couvrant l’intégralité des avances accordées et liquidités en avril 2018 » Mais à la date des travaux des auditeurs en décembre 2018, aucune preuve de caution d’avance de démarrage n’avait été mise à leur disposition. Certaines entreprises n’avaient même pas fournis de cautionnements définitifs des marchés obtenus.
A ce tableau déjà lourd s’ajoute l’analyse des offres financières sans prise en compte des seuils anormalement bas et élevés, le dépassement budgétaire sur le reprofilage lourd, le délai de réalisation contractuel des travaux non respecté, le non-respect des clauses relatives à la présentation des polices d’assurance, le schéma de comptabilisation des travaux erroné.
Au chapitre de l’hydraulique solaire, des forages et pompes hydrauliques, des infrastructures scolaires, des infrastructures sanitaires, et de l’électrification villageoise, les fautes se suivent et se ressemblent. Elles ont pour noms : délai de passation de marché non tenu, délai de réalisation de marché non respecté, attribution de marchés à des prix inférieurs au seuil, travaux non couverts par les polices d’assurance, offres anormalement basses, niveau et délais d’exécution des marchés non tenus. Sur ce dernier point, le rapport d’audit épingle une pratique désinvolte du CCC. « Les motifs des délais non tenus pour l’exécution de travaux de construction des lots 1, 3 et 5 du marché T134 relatifs à la construction de 5 dispensaires, 5 logements d’infirmiers, une maternité, un logement de sage-femme et 6 latrines d’un montant de 281 643 519, ne sont pas formalisés entre le Conseil du café cacao et les différents entrepreneurs concernés par lesdits retards », notent les auditeurs.
L’incroyable talent du CCC est une fois de plus souligné au chapitre de l’électrification villageoise. A ce niveau, le constat est plus qu’inquiétant. Non seulement le délai de passation des marché n’est pas tenu, mais en plus, des entreprises n’ayant pas retiré le dossier d’appel d’offre ont été retenues pour réaliser des travaux. « La revue de la liste de retrait des DAO indique que les entreprises ci-après ont pu soumissionner à l’appel d’offres alors qu’elles ne figurent pas sur la liste des entreprises ayant procédé au retrait des dossiers d’appel d’offre. Il s’agit de : ESIE (lot 1 et 2, Groupement SADER/SIPE (lot2), SIETRA (lot 6 et 12). Nous rappelons que l’article 6.2 du DAO stipule que « le candidat doit avoir obtenu le dossier d’appel d’offres, y compris tout additif, de l’Autorité contractante ou d’un agent autorisé par elle, conformément aux dispositions de l’avis d’appel d’offre » », découvre-ton dans le rapport.
Ils sont incorrigibles, les champions qui prospèrent à la tête du « CCC ».
A qui profite le ‘‘crime’’ ?
A qui profite tant cette gestion approximative ? C’est à croire que le CCC a fait du laxisme dans la gestion du FIMR une règle, au point d’accumuler autant de failles. A moins qu’elles ne soient faites à dessein pour un partage occulte du gâteau. En tout état de cause, les auditeurs recommandent : « que la présentation de ligne de financement ferme soit une condition d’attribution de marché ; qu’en plus des Attestations de Bonne Exécution (ABE) demandées en vue de vérifier le chiffre d’affaires des soumissionnaires, qu’il soit exigé la présentation des états financiers certifiés et le rapport du commissaire au compte. Cette condition permettra de faire une étude sur l’aptitude financière des entreprises à conduire les travaux ; en outre, tout retard volontaire ou involontaire dans la conduite des travaux devrait faire l’objet de courrier entre le Conseil du café-cacao et les entreprises ». Pourvu qu’il y ait de la volonté.
GERARD KONE, in L’ELEPHANT DECHAINE N°637