Interview exclusive-Kacou Guikahué fait le grand déballage… Rhdp, ça fait pitié
Maurice Kakou Guikahué, Secrétaire exécutif du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) décortique les faits saillants de l’actualité socio-politique en Côte d’Ivoire. Il explique les raisons du divorce du Pdci avec le Rhdp, livre les secrets sur la stratégie de la résistance du Pdci face aux nombreux actes de prédation du Rassemblement des Houphouëtistes pour démocratie et la paix (Rhdp). Il donne également les raisons profondes et légitimes du rapprochement avec le Front populaire ivoirien (Fpi). Interview.
Comme va votre parti ?
Le Pdci se porte très bien.
En êtes-vous sûr ?
Mais bien sûr. D’autant plus chaque activité que nous organisons, draine une forte mobilisation des militants. Les militants sont très déterminés. La preuve, la dernière réunion du Bureau politique a été un franc succès.
N’empêche que de hauts cadres, et non des moindres, ont rejoint le Rhdp. Qu’en dites-vous ?
Oui. Mais d’abord, vous m’interrogez en tant que Secrétaire exécutif du Pdci-Rda. On parle donc d’un parti politique qui est composé de militants. Oui, des personnalités et non des moindres sont parties. Des personnalités qui, pour la plupart d’entre elles, ont tout reçu du Pdci-Rda. Elles ont décidé à un moment donné, de ne plus militer au sein du Pdci-Rda. Mais cela n’empêche pas qu’on avance. D’autant plus que parmi ces personnalités, il n’y a aucun direct d’Houphouët-Boigny. Si on nous disait que le Président Bédié quitte le Pdci-Rda, politiquement, cela pouvait avoir une résonance. Ou on dit qu’un fondateur s’en va, ça a une résonance. Nous ne négligeons pas leur importance. Mais ces personnalités ne sont pas plus importantes que les militants de base. Ils ont tous la même valeur sur le plan politique. D’autant plus que la finalité d’une action politique, c’est la conquête du pouvoir. Quel que soit le rang social, chaque militant vaut. Mais nous constatons qu’elles sont parties.
Le Pdci n’a-t-il pas pris un coup avec le départ de ces personnalités ?
On ne peut pas se mentir pour dire que leur départ n’a pas été un coup pour nous. Car nous étions des amis. Nous avions travaillé ensemble pendant longtemps. Nous avions animé ensemble des activités du parti. Il est donc tout à fait normal que nous soyons peinés par ces départs. Mais ce n’est pas pour autant que cela peut consacrer la mort du Pdci-Rda. Le président Bédié a dit de tourner la page. En plus, ce n’est pas la première fois que cela arrive à un parti politique.
Ces personnalités reprochent au Président Bédié d’avoir dévié les idéaux d’Houphouët-Boigny ?
Mais je voudrais préciser que le Président Houphouët-Boigny n’a pas créé le Rhdp. Ce n’est pas la peine que ces personnes intoxiquent le peuple. Le Président Houphouët-Boigny a créé le Pdci. Houphouët-Boigny n’a pas créé le Rdr. Dans la marche, il y a eu des difficultés et il y a des partis qui ont été créés. Mais en 1990, quand nous avons constaté qu’il y eu la rupture du consensus, avec les partis, il y avait certaines personnes qui sont restées avec le Président Houphouët-Boigny. Et plus tard après le décès du Président Houphouët, il y a eu un schisme au sein du Pdci et d’autres partis ont été créés après 1990. Ce sont ces partis qui se sont entendus pour créer le Rhdp. Donc nous ne voyons pas quel est l’idéal prôné par le Président Houphouët-Boigny, que nous avons foulé aux pieds. D’autant plus que les idéaux du Pdci sont le dialogue, la tolérance et la paix.
Quels commentaires faites-vous des commentaires que subissent vos cadres ?
Oui, il y a le maître chanteur et il y a celui sur qui on chante. Il y a des personnes dignes sur qui on ne peut jamais fait de chantage. Cela dépend parfois des profils. Pour vous dire que je n’ai pas de commentaires particuliers à en faire. Mais il y a des gens qui donnent l’occasion de chanter sur eux.
Est-ce que ce ne sont pas ces chantages qui ont poussé certains cadres à se jeter dans les bras du Rhdp ?
Oui. Mais il y en a qui ont résisté. Je vous donne le cas du ministre Thierry Tanoh qui a dit qu’il préfère militer au Pdci que servir contre son gré au gouvernement. Il a rendu démission de son poste. Il en est de même pour le journaliste Denis Kah Zion. Qui était Pca, mais qui a préféré rester au Pdci-Rda que de rester Pca. Il a démissionné. Cela veut dire qu’on peut faire autrement.
Qu’est-ce qui n’a pas marché avec votre allié d’hier ?
Le problème, je veux dire la pomme de discorde, il y a deux faits. Nous avons l’alternance et la dissolution du Pdci-Rda. Le Président Bédié nous a dit que l’alternance était un fait. Et c’est sur fait que nous avons bâti notre projet. Mais s’il se trouve que ce socle n’existe plus, il va sans dire que le projet ne peut plus exister. Donc de façon automatique, il est tout à fait normal que le Pdci ne sente plus à l’aise dans le Rhdp. Et pendant que nous étions en train de discuter et de se poser des questions, il y a un autre dossier qui surgit. C’est celui de la dissolution du Pdci. Parce que le parti unifié égale dissolution des partis politiques. Or, le Pdci-Rda ne peut accepter sa dissolution.
Parlant de l’alternance, Ouattara et ses partisans soutiennent qu’il n’y a jamais eu d’accord sur la question de l’alternance avec le Pdci-Rda. Votre réaction ?
Pour nous, ce sujet est passé et le dossier est classé. Nous en sommes très loin. Et nous les laissons dire ce qu’ils veulent.
Supposons que Ouattara avait accepté l’alternance, le Pdci-Rda allait-il rester au Rhdp ?
Je vous ai dit tout l’heure que nous avions bâti un projet ensemble et l’alternance en faisait partie en tant que pilier. S’il avait accepté l’alternance et que le parti unifié n’était pas une exigence, je ne vois pas pourquoi le Pdci-Rda quitterait le Rhdp.
Où en êtes-vous avec l’alliance avec le Front populaire ivoirien ?
Alliance, c’est trop dire. En revanche, il y a un rapprochement entre le Pdci et le Front populaire ivoirien, c’est à dire avec Laurent Gbagbo. Et aussi nous travaillons avec Affi N’Guessan. Parce que nous sommes pour l’unité du parti et nous sommes convaincus que cette unité va se faire.
À quoi répondaient exactement les rencontres de Bruxelles et de Daoukro ?
D’abord, si vous suivez très bien le déroulement des événements, avant même le jugement du Président Gbagbo, le Président Bédié a fait une interview. Dans un média étranger où il a dit que sept (7) ans de détention pour le Président Laurent Gbagbo, c’était trop. Et que pour lui, il fallait que le Président Laurent Gbagbo recouvre la liberté, pour venir vivre en Côte d’Ivoire. Ensuite, il y a le jugement du 15 janvier 2019 qui a acquitté le Président Gbagbo et le Président Bédié a réitéré sa déclaration sur la cette libération. D’abord avant ce jugement, après la déclaration du Président Bédié, il m’avait demandé de rencontrer le Président Laurent Gbagbo, pour lui faire part des sentiments qu’il avait. J’avais commencé à faire les démarches. Mais elles ont coïncidé avec la période du jugement et il était difficile de le rencontrer. Mais dès qu’il y a eu l’acquittement, nous avons réitéré la demande et cette fois-ci, le Président Laurent Gbagbo nous a reçus. Nous sommes partis le voir pour trois points. Premièrement, présenter nos compassions pour tout ce qu’il a subi. Deuxièmement, nous réjouir de son acquittement et troisièmement, pour lui dire que nous prions pour qu’il revienne en Côte d’Ivoire vivre parmi les Ivoiriens. Mais en tant que responsables politiques, nous avons fait un large tour d’horizon. Le Président Gbagbo a pris la parole pour nous féliciter dans notre démarche. Il nous a dit qu’il approuvait l’idée du président Bédié de regrouper les Ivoiriens autour de la réconciliation, pour la paix pour le futur de la Côte d’Ivoire. Quand nous sommes donc revenus de Bruxelles, le Président Gbagbo nous avait assurés d’envoyer une délégation du Fpi à Daoukro. C’est dans cette dynamique que le Secrétaire général du Front populaire ivoirien Assoa Adou s’est rendu à Daoukro pour saluer le Président Bédié et lui traduire les remerciements du Président Gbagbo. Et ensuite, lui dire que nous allions travailler ensemble et que nous avions une convergence de vue relativement à la réconciliation nationale. D’ailleurs, dans les prochains jours, nous allons entamer les séances de travail.
Le Président Bédié est à Paris. Il se murmure qu’il pourrait rencontrer le Président Laurent Gbabo. Qu’en est-il exactement ?
Tout est possible. Si le Président Bédié m’a envoyé voir le Président Gbagbo, cela veut dire que lui-même, il peut aller le voir en personne. Il n’y a aucun problème.
Est-ce qu’après les rencontres de Bruxelles et Daoukro, les Présidents Bédié et Gbagbo se parlent ?
Je ne suis pas avec le Président Bédié tous les jours. Mais cela est possible.
Au Rhdp, on soutient que le rapprochement Fpi-Pdci est un rapprochement contre nature. Votre réaction ?
En Côte d’Ivoire, pour diriger un parti politique, il faut être ivoirien. Donc je présume que nous, qui dirigeons le Pdci, sommes des Ivoiriens. Ceux qui sont dirigeants du Fpi sont aussi des Ivoiriens. Le rapprochement que nous faisons est lié au fait qu’il n’y ait pas réconciliation en Côte d’Ivoire. Nous vivons en chien de faïence. Je donne l’exemple d’un fait de société, qui pourrait être banal, mais qui reflète la situation réelle depuis la fin de la crise postélectorale. À la finale de la coupe d’Afrique au Gabon en 2012, la Côte d’Ivoire a perdu le match. Au moment où la Côte d’Ivoire vivait la douleur, il s’est trouvé des quartiers qui ont fait la fête. Les gens étaient contents à Yopougon, à Blokauss que la Côte d’Ivoire ait été battue en finale. Ils ont sorti la fanfare pour fêter la défaite de la Côte d’Ivoire. Quand dans un pays on arrive à ce stade là, cela veut dire que le tissu social est très fracturé. Donc il y a une fracture profonde. La plate-forme d’appel que le Président Bédié a lancée est une plate-forme non idéologique. Un appel à toutes les forces vives et toutes es bonnes volontés qui veulent la réconciliation des Ivoiriens pour créer la paix. Donc, un tel rapprochement ne peut pas être contre nature. D’autant plus que, je vous ai dit que le Pdci a pour idéal, la tolérance, la paix. Donc, tous les partis qui veulent la réconciliation, le Pdci-Rda est avec eux. Donc, il n’y a pas d’alliance contre nature. D’ailleurs quand les partis politiques font des alliances, il y a un objectif précis. Pour vous dire qu’un objectif ne peut jamais être contre nature. En plus, ce ne sera pas là première alliance. On en a vue déjà.
Le Président Henri Konan Bédié a fait une sortie récente qui fait débat. Au sujet de l’orpaillage clandestin et la fraude sur la carte d’identité nationale. Quelle est votre lecture ?
Ce sont des faits vérifiés. L’orpaillage clandestin est réalité en Côte d’Ivoire. La preuve est que le gouvernement a déposé un projet de loi sur la table des députés. Cela veut dire que l’orpaillage demeure un problème. Donc, il ne faut pas faire la politique de l’autruche pour une réalité. Ensuite, la fraudé sur la nationalité, M. Adjoumani, qui est le porte-parole du Rhdp, à confirmé cette fraude sur la nationalité ivoirienne. Donc, nous n’avons plus à chercher ailleurs les coupables et complices de cette fraude. Il a dit je cite : Au Rhdp, nous n’avons pas peur d’enrôler des étrangers pour en faire notre électorat. Ce sont donc des faits avérés, le Président Bédié n’a fait que les dénoncer.
Avec cette sortie, le Rhdp traite Bédié de xénophobe et d’ivoiritaire….
D’abord, ce sont des discours surannés. Le Président Bédié n’est ni xénophobe, ni ivoiritaire comme ils le prétendent. D’autant plus que le même porte-parole du Rhdp a reconnu que le Président Bédié est celui, depuis les indépendances, qui a naturalisé le plus d’étrangers en Côte d’Ivoire. Donc, ce sont plutôt des réactions des gens qui n’ont rien à apporter. Mais ce genre de sorties ne pourront plus prendre les ivoiriens.
Certains soutiennent que ce débat doit être mené et approfondit, sans complexe. Est-ce votre avis ?
Mais oui, ce débat doit être approfondi. Pour ne pas que les Ivoiriens aient peur de dire qu’ils sont Ivoiriens. Quand on fait la politique, c’est pour le bien-être de ceux pour qui on la fait. Les nationaux et les non nationaux qui sont en Côte d’Ivoire. Nous n’avons donc pas à été complexé de dire qu’on est Ivoirien. Nous ne devons pas non plus être xénophobe. À ce sujet, le Pdci-Rda est à l’aise parce que c’est ce parti qui a fait de l’intégration et de l’ouverture de ce pays aux étrangers. Je rappelle même qu’en 1990, quand le multipartisme a été instauré, le Front populaire ivoirien, c’est de bonne guère, nous accusait d’avoir donné la Côte d’Ivoire aux étrangers. Ce sont des rengaines qui ont été sorties contre le Pdci. Donc le Pdci est très à l’aise sur la question. Si les étrangers ont dû être intégrés massivement en Côte d’Ivoire, c’est grâce au Pdci. Puisque le Président Bédié avait créé quand il était au pouvoir, un ministère d’État chargé de l’Intégration qui était dirigé par le Secrétaire général Laurent Dona Fologo. Pour vous dire que le Président Bédié avait un noble projet d’intégrer les étrangers. Comment cela s’est passé. Les 8133 personnes que le Président a naturalisées. Ce sont des villages qui se trouvent dans la zone de Bouaflé et Zuénoula. Peuplés essentiellement de Burkinabé qui sont en Côte d’Ivoire depuis de très longues dates. Et le Président Bédié a trouvé que vu le temps passé ici de générations en générations, ces personnes là pouvait bénéficier de la nationalité ivoirienne. Et il a pris un décret qui a naturalisé 8133 personnes le même jour. Une personnalité de cette trempe ne peut pas être xénophobe. En plus, ce n’est pas le Président Bédié qui a institué la carte de séjour en Côte d’Ivoire. Ça aussi c’est un rappel.
Les Ivoiriens ont assisté à une scène incroyable. Des jeunes du Rhdp qui sont allés verser du sang devant la résidence du Président Bédié. Vos sentiments sur cet acte ?
Cela fait pitié. Cela veut dire que si on arrive à ce stade en politique, on a qu’à désespérer. C’est un acte inqualifiable, impensable, inimaginable. Nous ne savons même plus où nous allons.
Le Pdci a-t-il porté plainte ?
Oui, nous avons dûment porté plainte. Et nous attendons. Il y a beaucoup de dossiers sur la table du Procureur. Nous attendons que le Procureur nous donne la suite de nos plaintes.
Sur la question de la carte d’identité, les députés Rhdp viennent de voter la loi et la confection de la carte revient à 5000 F. Que dit le Pdci ?
Ils ont tort d’avoir voté une telle loi, puisque la situation est la même quand Gbagbo était là. Il fallait que le maximum ivoiriens établissent leur carte pour être sûr la liste électorale. C’était dans le cadre de la sortie de crise. C’est exactement la même chose. Dix millions de carte d’identité arrivent à expiration en même temps. On demande aux Ivoiriens de les refaire, mais ils vont le faire en tempérament selon leurs moyens. Cela veut dire que d’ici un an, il y en a qui n’auront paz encore établi leur pièce. Comme nous sommes toujours dans un processus de sortie de crise, on peut encore rendre les cartes d’identité gratuites et en temps normal, discuter de ce qu’on va faire. Pour vous dire que les députés ont eu tort, car nous avons les mêmes parents et nous avons les mêmes difficultés. Le cacao, le café, le coton, l’anacarde ne sont pas bien payés. Il y a la paupérisation du monde rural. Donc nous demandons que cette carte gratuitement soit faite.
Interview réalisée par :
Yacouba Gbané
Collaboration : Marcel Dezogno
In LE TEMPS du jeudi 4 juillet