10 juin 1981 – 10 juin 2025
Il y a 44 ans, les Guyanais instauraient la commémoration de la proclamation de l’abolition de l’esclavage

Chaque année, le 10 juin, la Guyane se recueille pour commémorer l’abolition de l’esclavage. Mais au-delà de cette date, c’est toute la pluralité des mémoires locales que l’historien Jean Moomou invite à considérer, notamment celles des peuples marrons : les Bushinengués, porteurs d’une histoire singulière et encore trop peu reconnue dans l’espace public.

« Comme toute histoire, il y a besoin de se rappeler du passé, de se souvenir de cette expérience historique douloureuse », rappelle Jean Moomou.

Il observe que, depuis quelques années, la célébration du 10 juin connaît un regain populaire, en particulier chez les Afro-descendants créoles. Cette commémoration s’est démocratisée : elle est désormais portée par les populations elles-mêmes et met en lumière les acteurs internes de la résistance à l’esclavage, plutôt que de s’inscrire dans une vision imposée ou extérieure.

Une célébration mémorielle différente pour les peuples marrons qui se sont auto libérés

Mais la mémoire ne se vit pas de la même manière partout. Les Bushinengués, descendants des esclaves ayant fui les plantations pour fonder des sociétés autonomes dans la forêt, se sont autolibérés, bien avant l’abolition officielle. Une différence fondamentale dans leur rapport à cette date.

« Leur histoire est autre », insiste Jean Moomou. « Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne se sentent pas concernés. Mais ils veulent célébrer leur propre libération, avec leurs propres repères historiques. »

Dans les sociétés marronnes, cette autolibération est traditionnellement honorée dans les cercles communautaires, à travers les rites, la mémoire des anciens et les invocations aux ancêtres. Aujourd’hui, avec leur présence croissante dans les villes, ces communautés expriment de plus en plus la volonté de voir leur histoire reconnue publiquement, au même titre que les autres groupes socioculturels de Guyane.