Nul ne sait quand les combats prendront fin en Irak. Personne, au sein de la coalition, ne sait où se trouve Saddam Hussein, ni même s’il est encore en vie. Mais la prise de contrôle de Bagdad par les troupes américaines, sans grande résistance, semblait bel et bien sonner, hier, le glas du régime irakien.
A peine vingt-et-un jours après le début de la guerre, des chars américains ont pris position au cœur de la capitale, où un petit groupe d’Irakiens s’est appliqué à abattre, avec l’aide d’un blindé américain, une gigantesque statue de Saddam Hussein. L’armée, qui a pénétré dans les quartiers nord-ouest et a ceinturé Saddam City, l’immense faubourg populaire chiite du nord-est de Bagdad, a affirmé avoir pris le contrôle de la plus grande partie de la ville.
« Le régime est en perdition », a souligné le général Vincent Brooks, porte-parole du Centcom, le Commandement central américain au Qatar, assurant que les efforts des autorités irakiennes pour maintenir leur contrôle sur Bagdad « ont cessé ». Seules des forces irrégulières continueraient à résister. Notamment les fedayins dirigé par Oudaï, le fils aîné du président irakien, et les miliciens du parti Baas.
Dans certains quartiers de la capitale, les GI ont été accueillis par des foules en liesse, qui ont par ailleurs pillé les bâtiments symboles du pouvoir, signe qu’ils ne craignent plus celui qui a dominé l’Irak pendant un quart de siècle et qu’ils avaient officiellement plébiscité, en octobre dernier, par 100 % des suffrages. « Ils savent que le régime est fini et ne reviendra plus sous la même forme », s’est félicité le général Vincent Brooks. « Il s’agit d’un moment très important », a-t-il insisté, tandis que le porte-parole de la Maison-Blanche, Ari Fleischer, faisait état de la satisfaction de George W. Bush. Quant au Premier ministre britannique, Tony Blair, il s’est dit « enchanté ». « Les structures de commandement et de contrôle du régime semblent s’être effondrées », s’est réjoui un porte-parole de Downing Street.
La situation reste chaotique et dangereuse
Londres et Washington ont toutefois pris garde de ne pas céder à l’euphorie. Leurs forces semblent certes avoir échappé à la guérilla urbaine qu’elles redoutaient dans Bagdad. Au point que le plan défensif de Saddam apparaît aujourd’hui, selon la formule de l’historien britannique John Keegan, « comme l’un des plus ineptes jamais conçu ». Mais la situation n’en reste pas moins chaotique et dangereuse. « Nous sommes toujours engagés dans une intervention militaire et, par conséquent, des vies sont toujours menacées », a rappelé un haut responsable de la Maison-Blanche. Le président américain a également fait savoir que la guerre n’était « pas terminée » et que « la plus grande prudence » devait être observée. « Il y a encore du travail à faire », a résumé le commandement central américain, indiquant que des « poches de résistance » subsistaient, notamment dans le nord du pays. Bassora, en outre, n’est pas encore sous contrôle. La résistance irakienne y était hier, selon les Britanniques, « acharnée et féroce».
« Il y aura une frange de combattants incontrôlables. Ils continueront à combattre. Ce ne sera pas cohérent, mais ce seront des attaques d’opportunité », a prévenu le porte-parole britannique au Centcom, le capitaine Al Lockwood. Les soldats de la coalition craignent des embuscades et des attentats suicide. Si l’on en croit des officiers américains cités par le « Washington Post », des milliers de combattants arabes seraient embusqués dans Bagdad, prêts à frapper. Un haut responsable des marines les estimerait à 3.000 personnes. « Les Etats-Unis occupent illégalement un territoire musulman. Ils sont une cible légitime que les moudjahidin attaqueront bientôt », a lancé, à Londres, le chef du mouvement islamiste Al-Mouhadjiroun. Reste à savoir si ces hommes et ces femmes accepteront de sacrifier leur vie pour une cause perdue et un dictateur honni. Les kamikazes, brandis à l’envi par le régime de Saddam, n’ont guère fait parler d’eux, ces derniers jours, pour enrayer la progression des troupes américaines.
Saddam Hussein introuvable
Surtout, la victoire des Américains et de leurs alliés Britanniques ne sera pas totale tant qu’ils n’auront pas mis la main sur Saddam Hussein et ses sbires. « Il se peut qu’ils soient encore en train de planifier une attaque surprise, avec des armes chimiques ou d’autres types d’armes », s’est inquiété un porte-parole de l’opposition irakienne. Pour l’heure, le gouvernement irakien s’est littéralement volatilisé. Même le virulent ministre de l’information, Mohamed Saïd al-Sahhaf, voix du régime depuis le début de la guerre, n’est pas apparu depuis mardi. Saddam, lui, est introuvable. Est-il terré dans un bunker à Bagdad ? S’est-il réfugié dans la région de Tikrit, sa ville natale ? Est-il toujours vivant, comme l’a assuré Ahmed Chalabi, président du Congrès national irakien, le principal mouvement d’opposition ?
Un responsable américain a indiqué que le Pentagone et la CIA ignoraient si Saddam avait survécu au bombardement, lundi, d’un quartier résidentiel où ils pensaient l’avoir localisé. Si l’on en croit le « Times », qui cite les services secrets britanniques, Saddam aurait quitté l’immeuble juste avant les frappes…
Source : Les Echos