Désordre dans la réception des dossiers à la CEI : Les 4 manquements de Youssouf Bakayoko, les solutions d’André Silver Konan
Résumons. Le 28 août 2018, des centaines de candidats se sont retrouvés à la CEI, pour déposer leurs dossiers. Qu’avons-nous vu ? Des selfies dans un décor de cour du roi Pétau.
La CEI, sans faire référence à aucun texte a décidé de prolonger la date limite de dépôt des dossiers. Je répète : sur la base d’aucun texte. Voici ma réflexion. Chaque cinq ans, c’est le même spectacle avec des évolutions à chaque mandat. Cette année, c’étaient les images, y compris des dossiers de candidature. L’on a même vu des gens se faire filmer dans les box de la CEI, dévoilant des dossiers appartenant à d’autres candidats et trahissant donc des secrets administratifs.
Ce que je reproche à nos dirigeants, c’est leur manque de volonté de réforme. Une situation se pose, on en tire les leçons, on propose des solutions et ça renforce notre démocratie. Mais ce genre de réflexions, il ne faut surtout pas compter sur Youssouf Bakayoko, 75 ans, à la tête de la CEI depuis 8 ans, dont 2 en toute illégalité, pour le faire. L’on l’a bien compris.
Faire appel à du personnel occasionnel, aménager des box de façon ponctuelle, etc. nécessite un budget spécial et je vous l’ai déjà dit, chaque fois que vous verrez un dirigeant privilégier un budget conjoncturel, alors qu’il avait la possibilité de définir une stratégie structurelle, c’est qu’il y trouve son intérêt personnel.
Que devrait proposer Bakayoko depuis toutes ces années, pour éviter ce genre de spectacle ? Un : rendre public le programme des élections sur chaque mandat. C’est un peu comme pour l’année scolaire. A la rentrée, on a la date des congés scolaires et différentes dates des examens. C’est une exigence démocratique. Attendre chaque fois et publier le programme d’un scrutin, à une semaine (c’est ce qui a été fait pour le sénat) ou à un mois, n’est ni responsable, ni démocratique. A l’issue de la présidentielle de 2015, la CEI, si elle était dirigée par des gens qui ont une vision démocratique, nous aurait proposé le programme de toutes les élections du quinquennat. De sorte que ceux qui le veulent s’y préparent en conséquence.
Deux : la CEI a des antennes régionales, départementales et communales. Il faut donner la possibilité aux CEI locales de recevoir les dossiers des candidats aux élections locales. Quelle idée franchement inconséquente, de demander aux candidats de Sandégué, de se déplacer jusqu’à Abidjan, pour déposer des dossiers ? Cela n’a aucun sens, c’est comme si on demandait à tous les électeurs de se rendre à Abidjan, pour voter.
Je répète : cela n’a aucun sens et je m’étonne que personne à la CEI n’ait encore pensé à l’allègement de cette procédure. A moins que les commissaires nommés aussi bien au sein des partis politiques que de la société civile, y compris au sein de l’Eglise et des imams, ne soient préoccupés par leurs émoluments mensuels, plutôt que par des réformes.
En effet, la responsabilisation des CEI locales cela aurait permis de faire fonctionner les services déconcentrés locaux des impôts, du trésor, etc. On me dira qu’il n’y en a pas, je répondrais que c’est faux. Il existe des directions régionales et départementales des impôts et du trésor partout en Côte d’Ivoire.
Trois : interdire tout téléphone dans les bureaux de dépôt de candidature, à défaut interdire toute prise de vue dans les locaux de la CEI. L’on me dira que c’est de la transparence. Je répondrais soit. Mais alors, respectons le parallélisme des formes, pour le renforcement de notre démocratie. Autant, la CEI autorise les images et les vidéos, lors de la réception et de la compilation des dossiers de candidature, autant elle doit autoriser les images et les vidéos, lors de la compilation et de la proclamation des résultats.
Si la CEI n’a rien à cacher lors de cette étape qui est plus cruciale que celle du dépôt des candidatures, elle doit permettre que ses bureaux soient largement ouverts aux flash et caméras lors du traitement des résultats. Permettez qu’on filme vos délibérations, qu’on publie les résultats qui sont compilés dans les locaux de la CEI, ne cachez rien, pour à la fin, venir nous sortir des chiffres qui seront contestés par des candidats.
Quatre : nous sommes au 21è siècle. Il faut adapter nos méthodes de collecte des dossiers. Je ne comprends pas qu’on fasse les inscriptions en ligne, pour des élèves qui n’ont même pas accès à Internet à l’intérieur du pays, et qu’on refuse d’enregistrer certaines candidatures en ligne (bien sûr, tout ne doit pas se faire en ligne) ? Cela veut dire qu’on mangerait dans les inscriptions en ligne des élèves et que personne n’a encore trouvé un moyen de manger dans les inscriptions en ligne des candidats ?
Bref. La CEI a une grande responsabilité. Elle doit veiller à dépassionner le débat politique. Cela passe par une politique maîtrisée de la communication. Les commissaires de la CEI ont une tendance à se mettre en scène, inutilement. Pourquoi continuer d’aller à la RTI, juste pour annoncer que la date de publication des listes de candidats sera connue le 7 septembre ? Il suffit d’un communiqué envoyé aux rédactions.
En 2010, nous n’aurions pas eu cette tension inutile liée à cette phrase stupide « Il n’est pas encore minuit », si des gens ne s’étaient pas mis dans la tête qu’il faut nécessairement aller se « produire » à la RTI. Notre code électoral indique qu’il faut publier les résultats, il n’a jamais enjoint la CEI de le faire en direct, sur les plateaux de la CEI.
Nous devons commencer à réfléchir à des réformes, chaque fois qu’un problème se pose. Au lieu de ne rien proposer, continuer à faire la même chose, en espérant naïvement que les choses changeront.
André Silver Konan