I. INTRODUCTION
1. Le 20 mars 2020, la Chambre d’appel a fixé une audience du 11 au 13 mai 2020 pour l’appel du Procureur2 contre l’acquittement de M. Gbagbo par la Chambre de première instance I et M. Blé Goudé.
2. Le 17 avril 2020, le ministère public a présenté sa « demande de report ou d’annulation de l’audience d’appel prévue du 11 au 13 mai 2020 et d’examen de l’alternative des propositions visant à accélérer l’appel » (« demande de l’accusation »).4
3. Le 20 avril 2020, le Représentant légal commun des victimes a soumis sa réponse à la requête de l’Accusation, approuvant les suggestions faites par l’accusation concernant le déroulement proposé de la procédure.
4. La Défense de M. Blé Goudé (« la Défense ») soumet par la présente sa réponse à la requête de l’Accusation. La Défense souhaite informer la Chambre d’appel qu’elle accepte en partie de fournir des observations écrites aux questions de la Chambre d’appel selon les modalités détaillées par l’Accusation. Cependant, la Défense soumet respectueusement que les circonstances de cette affaire militent en faveur de la tenue d’une audience sur les questions en appel en raison de l’importance des questions en plus de leur nouveauté et de leur complexité. Par conséquent, le recours à une audience par téléconférence ou tout autre substitut ne devrait pas être envisagé
II. SOUMISSIONS
a. La Défense ne s’oppose pas à la proposition de l’Accusation de déposer des observations écrites à les questions de la Chambre d’appel
5. Dans sa requête, le ministère public propose que :
« La Chambre d’appel pourrait ordonner aux parties et aux participants de répondre par écrit à toutes les questions qu’elle pourrait avoir. Lors de récentes audiences d’appel, la Chambre d’appel a émis une série de questions préalables à l’audience d’appel auxquelles les parties et les participants ont répondu lors de l’audience. La différence dans l’approche proposée est que plutôt que de présenter des réponses aux questions de la Chambre d’appel oralement, les parties et les participants fourniraient leurs réponses par écrit ».
6. La Défense de M. Blé Goudé est en partie d’accord avec la proposition de l’Accusation de répondre par écrit à certaines questions de la Chambre d’appel relatives à l’appel, à la lumière de la pandémie COVID-19. Dans l’affaire Le Procureur c. Bemba, la Chambre d’appel a à la fois ordonné la présentation de conclusions écrites sur un ensemble de certaines questions soulevées par l’appel de M. Bemba, et prévu une audience pour que les parties puissent présenter des observations orales sur un ensemble plus large de questions. La Défense demande respectueusement que la même procédure soit adoptée dans le cas présent.
7. En ce qui concerne le délai proposé pour les observations écrites, c’est-à-dire que la Chambre d’appel poserait ses questions au moins 21 jours ouvrables avant le jour de leur présentation, la Défense ne s’oppose pas à cette proposition, étant donné qu’elle donnera aux parties le temps nécessaire pour préparer leurs réponses écrites.
b. La Défense s’oppose à l’annulation de l’audience d’appel
8. En ce qui concerne le reste de la procédure d’appel, et plus particulièrement l’audience du 11 au 13 mai 2020, le Procureur demande à la Chambre d’appel de reporter ou d’annuler l’audience prévue. Selon l’Accusation, bien qu’il soit généralement admis que des audiences se tiennent au stade de l’appel, il n’y a pas de
l’obligation légale de le faire.
9. Pour étayer cet argument, le ministère public cite trois affaires qui sont pertinentes en la matière. Dans l’affaire Le Procureur c. Ngudjolo, la Chambre d’appel a estimé que la décision de tenir une audience orale dans le cadre d’une procédure d’appel contre un jugement définitif est discrétionnaire et est prise au cas par cas, une opinion reprise plus loin dans l’affaire Le Procureur c. Bemba et. al. Dans l’affaire Le Procureur c. Ruto et Sang, la Chambre d’appel a décidé qu’une audience orale n’était pas la seule option procédurale susceptible de faciliter la procédure en termes de clarification et de réception de réponses aux questions et préoccupations potentielles concernant l’appel. Il convient toutefois de noter que cette décision ne portait pas sur les procédures d’appel après une décision finale, mais sur une demande de audition orale conformément à l’article 156, paragraphe 3, du règlement.
10. Néanmoins, selon la Chambre d’appel, « ces décisions devraient être fondées principalement sur l’utilité potentielle d’une audience, à savoir si celle-ci peut aider la Chambre d’appel à clarifier et à résoudre les questions soulevées dans le cadre de l’appel ». En tant que tel, la complexité de l’affaire et les questions en jeu sont des facteurs importants lorsqu’il s’agit de décider de tenir une audience pour l’appel de la procédure.
11. En l’espèce, un certain nombre de questions complexes et nouvelles soulevées dans le recours concernant la nature de la procédure NCTA et son fonctionnement au sein du système de la CPI, à savoir la norme de preuve applicable, ainsi que l’application de l’article 74 du statut de la CPI, constituent une nécessité de programmer une audience. Toutes ces questions sont apparues pour la toute première fois dans l’histoire de la Cour au cours de la présente affaire et feront partie de la jurisprudence de la Cour. En conséquence, leur clarification au cours d’une audience est jugée nécessaire pour faciliter la décision – processus de fabrication.
12. En ce qui concerne la rapidité de la procédure, c’est en effet une considération cruciale. Cependant, M. Blé Goudé n’est pas en détention, n’a jamais demandé la levée de ses conditions, mais a plutôt demandé à la Chambre d’appel d’ordonner que certaines mesures soient modifiées pour assurer sa sécurité, en attendant l’issue finale de l’appel. Par conséquent, la Défense soutient que
Le report de l’audition n’entraînera pas de préjudice injustifié pour M. Blé Goudé.
13. En outre, la rapidité de la procédure ne peut pas être garantie en conduisant le reste de la procédure par écrit, car cela nécessitera également beaucoup de temps et de ressources. Dans ce scénario, les échanges et dépôts constants de documents, les délais et les prolongations éventuelles accordées en raison des ressources limitées qui sont actuellement disponibles du fait de la situation actuelle, créeraient des retards considérables et maximiseraient la charge de travail de tant la chambre que les parties concernées.
14. D’autre part, la rapidité de la procédure ne doit pas se faire au détriment de son équité. Le caractère public de la procédure judiciaire est une composante nécessaire du droit à un procès équitable, en particulier dans le cas présent où un acquittement fait l’objet d’un appel. En outre, une affaire très médiatisée comme celle qui nous occupe a un impact direct sur la société ivoirienne et les efforts de réconciliation déployés dans l’État partie. Exclure le public et la presse de la procédure, soit en conduisant la procédure par écrit, soit en tenant une audience par téléconférence, saperait ces efforts et pourrait affecter la légitimité de l le jugement, tel qu’il est perçu par le public.
15. Compte tenu de ce qui précède, la Défense s’oppose à une éventuelle annulation de l’audience orale, ainsi qu’à toute audience tenue par téléconférence. La Défense demande respectueusement à la Chambre d’appel de programmer une audience orale à une date ultérieure, lorsque le personnel de la CPI et les parties externes reprendront leur travail dans les locaux permanents.
III. PAR CES MOTIFS
16. La Défense demande donc respectueusement à la Chambre d’appel de :
a. REJETER la requête de l’Accusation pour que la Chambre d’appel ordonne des observations écrites en lieu et place d’une audition orale prévue
b. PRÉVOIR une audience orale à une date à laquelle le personnel de la CPI et les parties externes reprendre leur travail dans les locaux permanents.
Soumis respectueusement,
M. Knoops, avocat principal et M. N’Dry, co-conseil
Daté de ce 21 avril 2020
A La Haye, Pays-Bas »