Côte d’Ivoire-Presse en danger sous Alassane Ouattara: Un journaliste enchainé sur son lit d’hôpital pour avoir dénoncé l’orpaillage dans son village
Hubert Yao Konan, journaliste à Iafriquemonde.net et étudiant en Master 1 de journalisme à l’Institut des sciences et techniques de la communication (ISTC) Polytechnique a été incarcéré à Bouaké le 4 août 2019 pour avoir dénoncé la pratique de l’orpaillage à N’Da Kouassikro (département de Djékanou) par la Société Mondial-Mines d’Henriette Lagou.
C’est ce qu’a affirmé les cadres de son village, N’Da Kouassikro au cours d’une conférence de presse organisée le dimanche 27 octobre 2019 à Cocody. Le Secrétaire général du Syndicat national des professionnels de la presse de Côte d’Ivoire (SYNAPPCI), Guillaume Gbato dénonce un cas d’injustice et exige sa libération. A en croire, Yvonne Toba, membre de NO-VOX Côte d’Ivoire.
«Nous avons été contacté par l’un des fils du village, Ignace N’Guessan Yao du litige entre la structure Mondial-Mine et les populations de N’Da Kouassikro. Nous avons été informés dans le mois d’août 2019 et nous avons formé une délégation pour aller rencontrer la communauté villageoise. Elle a relevé que l’un de leurs fils, Hubert Yao Konan a été arrêté le 4 août 2019 à la suite d’une manifestation. Et depuis lors, ils n’ont plus ses nouvelles. Une fois à Abidjan, nous avons contacté Amnesty international ».
« Ensemble nous avons prévu sortir un rapport sur la situation où la lumière sera faite sur le problème de Djékanou. Contre toute attente, nous avons appris le vendredi 25 octobre 2019 que son procès est prévu le mercredi 30 octobre. Vu l’urgence, nous avons associé d’autres mouvements. A savoir la société civile et le SYNAPPCI, vu qu’il est journaliste professionnel. La conférence de presse sera sanctionnée d’un comité de soutien pour la libération du frère Yao et un soutien pour la population de Djékanou. Les jours à venir les autres actions suivrons s’il n’est pas libéré. Nous dénonçons avec la dernière énergie la situation dans laquelle se trouve notre frère. Il a été injustement emprisonné pour avoir dit non à la pratique de l’orpaillage clandestin dans son village. Il est en prison pour la défense de la cause de sa communauté », a affirmé Toba.
Selon Ignace N’Guessan Yao, fils du village, « le village de N’Da Kouassikro fait l’objet de beaucoup d’abus. Nous avons reçu la visite de la directrice de Mondial-Mine, une société d’exploitation d’or. Elle nous a dit que la société devrait commencer l’exploitation et nous nous sommes opposés en lui disant que le village n’avait pas été associé aux négociations. Elle nous a tout de même présenté un arrêté ministériel que nous avons rejeté.
En effet, aucune procédure légale n’a été respectée. Madame le préfet de Djékanou ne nous a jamais soutenus dans la mesure où chaque fois que nous posons les problèmes du village elle a été du côté de la société d’exploitation. Apres plusieurs réunions nous avons compris que les autorités locales optaient pour la poursuite de l’exploitation. Ce que les villageois ont refusé ».
« Depuis 2018, le premier président des jeunes du village a passé quatre jours devant les barreaux de la brigade de Djékanou parce que sa population a refusé d’accepter la proposition de Mondial-Mine. En 2019 la même société revient à la charge pour commencer les travaux. La population a demandé l’organisation d’une marche de protestation qui a été refusée. C’est ainsi qu’elle est allée fermer les trous que l’entreprise avait déjà creusé. Certains jeunes ont été menacés. Votre confrère était au village pour une réunion convoquée par les parents où il a demandé aux jeunes de se calmer car la force ne pouvait rien apporter. Pour lui, il fallait privilégier les voies légales », a expliqué N’Guessan Yao.
La mine d’Henriette Lagou
« Le lendemain, trois gendarmes se sont rendus au village pour l’interpeller et la population s’est soulevée pour empêcher cette interpellation qu’elle trouvait injuste et abusive. Le dimanche qui a suivi le frère était en partance pour Abidjan lorsque la gendarmerie a envoyé quatre de ses éléments pour aller l’arrêter à la gare. Lorsqu’il a exigé un mandat d’arrêt ils ont dit qu’ils n’avaient pas besoin de mandat. C’est ainsi que la situation a dégénéré le 4 août 2019 et on l’a bastonné en lui mettant du gaz lacrymogène dans les yeux jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Et la réaction des villageois ne s’est pas fait attendre. Ils sont allés saccagés la brigade de Djékanou. Notre frère a été transféré à Toumodi et présentement il se trouve à Bouaké. Il était menotté même sur son lit d’hôpital. Pour ne pas être éclaboussé dans l’affaire la gendarmerie a inventé des charges abusives contre lui », a-t-il dénoncé.
Répondant à la question s’il a eu a discuté avec madame Henriette Lagou qui serait la détentrice de la mine d’or, il précise, « nous ne sommes pas contents d’elle parce qu’elle nous a humilié. Elle ne nous a pas considérés. Nous avons utilisé toutes les voix à l’amiable pour trouver une solution mais elle s’est montrée toujours plus forte que la communauté ».
Guillaume Gbato, secrétaire général du SYNAPPCI, « exige la libération immédiate et sans condition du confrère. Nous allons prendre nos responsabilités pour informer les autorités gouvernementales ivoiriennes et tous nos partenaires à l’international. J’interpelle le ministre Sidi Touré pour que notre confrère retrouve la liberté. Il était allé soutenir la population de N’Da Kouassikro à laquelle il appartient et faire son travail de journaliste afin d’informer l’opinion nationale et internationale sur la situation que vit sa communauté ».
« Je dénonce avec fermeté l’action néfaste de la gendarmerie. Il faut que les auteurs soient identifié et sanctionné. Ce n’est pas normal d’imposer ce que la communauté ne veut pas accepter. La terre de N’Da Kouassikro n’appartient pas à Mondial-Mine. Qu’on lui trouve un site ailleurs ou engager des négociations avec la population. On ne peut pas régler les problèmes des populations par des bastonnades et des emprisonnements. La loi en Côte d’Ivoire interdit l’emprisonnement des journalistes. Notre confrère a été arrêté dans l’exercice de ses fonctions », a-t-il insisté.
Depuis un an, des habitants s’opposent à l‘extraction minière dont l’agrément a été donné à la Société Mondiale Mines d’Henriette Lagou. Un proche de cette dernière contacté, a déclaré que Lagou est astreinte à la réserve, depuis qu’elle a été nommée à la Commission électorale indépendante (CEI). Il a toutefois fait remarquer que bien que la mine lui appartient et que celle-ci bénéficie de tous les documents administratifs, elle n’est pas responsable de l’arrestation de Hubert Yao Konan.
Karina Fofana (afriksoir.net)