Côte d’Ivoire : Optimisme de rigueur, le camp Soro s’inquiète… Alassane Ouattara veut encore faire un deal avec Guillaume Soro
Interdit de retour à Abidjan, l’ancien président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro fait feu de tout bois pour poursuivre sa campagne tandis que le pouvoir ivoirien tente de discrètes ouvertures dans sa direction.
« 100 000 ! » C’est officiellement le nombre d’adhérents du mouvement Générations et peuples solidaires (GPS) de l’opposant Guillaume Soro depuis le 13 février, un chiffre bruyamment relayé et affiché par ses partisans. Mais derrière cet optimisme de rigueur, le camp Soro s’inquiète.
Dépourvue de ses principaux appuis et relais politiques en Côte d’ivoire, la campagne de l’ancien président de l’Assemblée nationale reste largement virtuelle dans le pays.
Conscient de la fragilité actuelle du leader de GPS, le pouvoir d’Abidjan tente de saisir l’occasion pour ouvrir un discret canal de discussion avec plusieurs membres du premier cercle de Guillaume Soro.
L’influent frère d’Alassane Ouattara et ministre des affaires présidentielles, Birahima Téné Ouattara, a ainsi profité de son séjour parisien mi-février pour tenter de prendre attache avec plusieurs conseillers de l’opposant, à l’instar de Méité Sindou. Spin doctor et président du comité d’organisation du retour de Guillaume Soro, Sindou avait échappé à une arrestation le 23 décembre. Par son intermédiaire, Abidjan veut proposer à l’ancien leader étudiant de libérer la vingtaine de ses proches actuellement détenus en échange d’un retrait de sa candidature. Une offre à ce jour accueillie par une fin de non-recevoir.
Dans l’intervalle, aucun des cinq députés pro-Soro actuellement détenus à Abidjan, parmi lesquels Alain Lobognon, Kanigui Soro ou encore Loukimane Coulibaly, n’a à ce jour été présenté au doyen des juges d’instruction, Victor Coulibaly, en charge du dossier au tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau. Ils ne devraient pas l’être avant plusieurs semaines.
L’enquête qui vise Guillaume Soro lui-même, accusé de « déstabilisation et détournements de deniers publics », patine. Les perquisitions menées dans ses résidences abidjanaises se sont révélées infructueuses. Les enquêteurs recherchaient notamment plusieurs documents relatifs à l’acte de vente de son domicile officiel dans le quartier de Marcory Résidentiel.
Avant de quitter Abidjan en avril dernier, l’ancien chef rebelle avait pris soin de mettre à l’abri tous les actes concernant l’achat en 2008 de cette ancienne résidence de l’homme politique béninois Adrien Houngbédji.
Entre la France et l’Espagne, Guillaume Soro tente néanmoins d’organiser la riposte judiciaire.
Outre une plainte à Abidjan déposée par ses avocats ivoiriens, il entend plaider son cas auprès de plusieurs juridictions internationales. Arrivé à la toute fin janvier sur le dossier, l’avocat William Bourdon était ainsi à Abidjan le 7 février, où il a vivement dénoncé une procédure « politique » contre l’ancien président de l’Assemblée nationale.
Ce dernier tente aussi de soigner son image, notamment grâce aux conseils de la communicante Patricia Balme, qui fut pendant près de dix ans la conseillère d’Alassane Ouattara lorsque ce dernier était dans l’opposition. Conseillère historique de Paul Biya, celle-ci est proche de Nicolas Sarkozy, que Soro souhaite rencontrer ( LC n°817). Sur sa com’, Guillaume Soro est par ailleurs épaulé depuis peu par l’agence de conseil en relations publiques Epoka, dirigée par Mathieu Gabai. Il bénéficie également du réseau de la femme d’affaires Pascale Jeannin Perez, qui s’active depuis plusieurs semaines auprès d’acteurs du secteur privé pour soutenir la campagne de Soro. Si Alassane Ouattara fait actuellement montre d’une relative indifférence publique quant à l’activisme de son ancien allié, un plan de contre-attaque médiatique est actuellement à l’étude.
LLC N°818 du mercredi 19 février 2020