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C.I. / DIALOGUE AVEC L’OPPOSITION: Le RHDP met Ouattara en grande difficulté

Le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) est à fond dans le combat politique. Le 22 novembre dernier, à travers une déclaration musclée, le parti présidentiel a mis en garde l’opposition menée par Henri Konan Bédié sur ses « préalables non négociables » avant l’ouverture du dialogue politique. Une sortie qui, en réalité, met Alassane Ouattara en grande difficulté, lui qui semble être parvenu à se faire féliciter au prix de promesses faites à ses soutiens dans le sens de la réconciliation en Côte d’Ivoire.

Le fait que les félicitations aient tardé avant d’atterrir sur le bureau d’Alassane Ouattara, à l’issue de sa réélection polémique pour un 3e mandat d’affilée, a quelque peu attristé ses partisans tout comme les cadres de son parti. Naturellement, ces derniers ont vite fait de brandir ces compliments comme des trophées de guerre et de les présenter comme des blâmes infligés à l’opposition qui conteste toujours la légitimité et la légalité de l’élection du président sortant.

Partant de là, ils ont perdu de vue les contextes qui ont présidé à la production de ces déclarations de félicitations. Du moins, en ce qui concerne les plus attendues qui semblaient être celles du président français Emmanuel Macron et du Secrétaire général de l’Organisation des nations unies (ONU), Antonio Guterres. Alors que ces déclarations sont assorties de la part à accomplir par Alassane Ouattara dans le sens de la pacification de la Côte d’Ivoire. Lui dont la gouvernance de 10 ans est taxée d’avoir fait de la réconciliation nationale un dossier de seconde zone.

«Monsieur le Président, je tiens à vous féliciter pour votre réélection en tant que Président de la république de Côte d’Ivoire, et vous souhaite plein succès dans l’exercice de votre nouveau mandat », écrit le patron de l’instance onusienne, avant de poursuivre : « Je suis encouragé par vos efforts visant à engager un dialogue franc, inclusif et propice à l’apaisement et à la réconciliation nationale, avec les acteurs politiques du pays, y compris SEM Henri Konan Bédié, ancien président de la république de Côte d’Ivoire. Votre récente rencontre qui, je l’espère, sera étendue aux autres acteurs politiques, est une initiative importante et un pas nécessaire pour la consolidation de la paix, la réconciliation nationale et la poursuite du développement économique de la Côte d’Ivoire ».

A lire l’interview d’Emmanuel Macron accordée à JA, on se rend compte qu’il a obtenu de son homologue ivoirien, des garanties en faveur de la paix et la réconciliation en Côte d’Ivoire avant de le féliciter pour sa réélection à la tête de la Côte d’Ivoire. « Il est maintenant de sa responsabilité d’œuvrer pour la réconciliation, de faire les gestes, d’ici aux élections législatives, pour pacifier son pays. Il est parfaitement conscient des tensions actuelles qui ont causé la mort de plus de 80 personnes. Il lui faut également réussir à se réconcilier avec les grandes figures de la politique ivoirienne. Les initiatives prises à l’égard d’Henri Konan Bédié sont, à cet égard, importantes, de même que les gestes à l’intention de Laurent Gbagbo. Mais il faudra quoiqu’il arrive à favoriser un renouvellement générationnel », souligne M. Macron qui ajoute : « (…) Il appartient ensuite au président Ouattara de définir les termes d’une vie politique pacifiée. Il devra sans doute faire des gestes d’ouverture dans la composition du prochain gouvernement ainsi qu’en faveur des jeunes générations des partis ».

Enjeux

A la vérité, les préalables « non négociables » édictés par Henri Konan Bédié avant l’abordage des négociations politiques ne sont pas radicalement différents des attentes de Macron et de Guterres. Bien au contraire, ces personnalités, y compris le président du PDCI, parlent toutes de dialogue inclusif, franc. Ce qui suppose que le régime n’a pas à choisir les opposants avec lesquels il entend discuter, pendant que d’autres, comme le président Affi N’guessan, sont maintenus dans les geôles. Alassane Ouattara qui est parvenu à se faire élire pour un 3e mandat d’affilée, après des débats juridico-politiques, ne peut ignorer la grande responsabilité qui est la sienne dans la construction d’un climat apaisé, estiment de nombreux observateurs.

Pour assumer cette responsabilité, conçoivent plusieurs scrutateurs de la scène politique ivoirien, Alassane Ouattara devrait compter sur le soutien du RHDP qui ne l’aide pas vraiment avec sa récente déclaration qui vise à noircir Henri Konan Bédié, personnalité dont le nom apparait nettement dans les déclarations de Macron et de Guterres. « Les responsables du parti doivent aller en douceur avec le président Bédié, perçu comme une personnalité de premier plan dans le dialogue politique ivoirien sur le plan international », relate un militant RHDP.

En fait, les cadres du parti présidentiel, en tirant à boulets rouges sur le président du PDCI, mettent Alassane Ouattara dans une mauvaise posture. Ils le placent entre le marteau de leurs desseins inavoués et l’enclume des personnalités qui, en réalité, ont tenu à le féliciter en contrepartie de la tenue de ses promesses en faveur du dialogue politique et de la réconciliation nationale. Dans de nombreuses chancelleries, le président ivoirien joue sa crédibilité.

Les barons de la coalition au pouvoir, on l’aura compris, sont dans la hantise de l’incertitude du lendemain avec les négociations qui pourront sonner le glas de plusieurs d’entre eux, sommés de céder leurs juteux postes à des personnalités issues de l’opposition, dans le cadre d’un gouvernement de large ouverture qui n’est pas à exclure. « Il appartient ensuite au président Ouattara de définir les termes d’une vie politique pacifiée. Il devra sans doute faire des gestes d’ouverture dans la composition du prochain gouvernement ainsi qu’en faveur des jeunes générations des partis », prévient Emmanuel Macron dans son interview à J.A.

Plus que celle des autres acteurs politiques, la responsabilité d’Alassane Ouattara est engagée dans le retour définitif de la paix. Entre la préservation des intérêts des caciques de son bord et la reconquête de la confiance des Ivoiriens et de la communauté internationale, ici se situe le véritable enjeu des décisions qu’il prendra dans le cadre du dialogue politique en Côte d’Ivoire.

Par Serge YAVO

 

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