André Silver Konan et Assalé Tiémoko Antoine à propos des vidéos de 2002: «Ouattara et le RHDP ont échoué à construire une Nation… Arrêtons de jouer avec la vie des gens…»
Des vidéos circulent sur les réseaux sociaux avec des témoignages douloureux de personnes affectées par la rébellion de 2002. Ces vidéos n’ont pas laissé indifférents les journalistes-critiques ivoiriens dont André Silver Konan (Jeune Afrique) et Assalé Tiémoko Antoine (L’Eléphant déchainé), tous deux des activistes des réseaux sociaux en Côte d’Ivoire. Ils se sont exprimés sur leurs différentes pages facebook.
André Silver Konan : «Résumons. Quand chacun de son côté va participer à un film pour raconter son 19 septembre, des proches de Boga Doudou à ceux de Guéi, en passant par Marcellin Yacé, Dagrou Loula, Bédié, Gbagbo, Soro ; ça va donner quoi ? La réponse est simple : le renforcement de la haine entre Ivoiriens. Qu’un président de la République participe à un tel projet relatant une histoire personnelle, alors que son job devrait d’être d’écrire une histoire collective ; est tout simplement inquiétant dans un pays. Je répète : Ouattara et le RHDP ont échoué à construire une Nation !»
Assalé Tiémoko Antoine : « »La folie, c’est de répéter toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent », a dit Albert Einstein.
Je viens de voir, à mon corps défendant, en raison de ma profession, un documentaire dont beaucoup parlaient hier nuit. Je pensais qu’il avait été diffusé sur les antennes de la RTI, mais il semble que, pour le moment, il ne soit disponible que sur les réseaux sociaux.
Que les dirigeants du Rdr aient jugé nécessaire de se remémorer, en témoignant devant une caméra, des moments pénibles qu’ils ont vécus en une période de feu (tentative de renversement des institutions de la république le 19 septembre 2002), cela peut s’entendre. Chaque camp de la belligérance en Côte d’Ivoire est libre de donner sa version des faits d’une période précise, dans un film réalisé pour donner écho à sa version.
Ce qui est inapproprié et qui n’est pas acceptable, c’est de trouver le moyen de diffuser ce film sur les réseaux sociaux, une crise post électorale et plusieurs milliers de morts plus tard et à une période où, chacun chante la réconciliation. Qu’est ce qu’on veut au juste, qu’est on a fait aux gens ? On ne nous permettra donc point, dans ce pays, de nous projeter dans l’avenir sans angoisse ?
Le timing de cette diffusion, à l’approche d’une élection présidentielle de tous les dangers, dans un contexte de haine et de manipulations de tous genres, est la preuve, de la volonté, des auteurs de cette diffusion, de raviver des haines encore chaudes. Cette vidéo a été diffusée en réponse à quoi? Cette vidéo sur des faits vieux de 18 ans, s’inscrit dans quelle dynamique républicaine ?
Après la diffusion du faux communiqué attribué à un dignitaire religieux dans un but précis (provoquer une crise religieuse), après l’annulation d’une marche de prière qui a fait couler tant de boue et de violences verbales, nous voilà engagés, dans un deuxième niveau de la bêtise humaine.
Le drame est que tout ça n’est pas étonnant. Parce que ça ne fait que commencer. Car, cette vidéo ne restera pas sans réponse. D’autres vont sortir, des images qu’on croyait enterrées pour toujours vont refaire surface. Et ça sera à qui diffusera le maximum de haine pour conditionner ses suiveurs à être prêts pour le « grand match retour ». Et cette fois-ci, le danger est que tous les camps ont un même niveau d’accès à des médias non étatiques, les réseaux sociaux. Transformés en canaux de diffusion de la haine, de la manipulation, de la propagande politicienne mensongère, dans un pays qui est une marmite qui boue.
J’invite les auteurs de la diffusion de cette vidéo à la retirer s’ils aiment vraiment ce pays.
On ne pourra pas répéter toujours les mêmes bêtises et nous attendre à des résultats différents.
Faisons attention, cultivons la paix. Il n’y a pas que la politique dans la vie et tout le monde ne fait pas de la politique dans ce pays.
Arrêtons de jouer avec la vie des gens…»
Gilles R.O.