Aimée Zébéyoux (S.E aux Droits de l’Homme) dévoile à la Banque mondiale le rapport «Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2020»
DISCOURS DE MADAME LA SECRETAIRE D’ETAT CHARGEE DES DROITS DE L’HOMME A LA CEREMONIE D’OUVERTURE DE L’ATELIER DE FORMATION SUR LE RAPPORT « LES FEMMES, L’ENTREPRISE ET LE DROIT 2020 », ORGANISE CONJOINTEMENT PAR LE BUREAU DU GROUPE DE LA BANQUE MONDIALE ET L’ASSOCIATION DES FEMMES JURISTES DE COTE D’IVOIRE LE 7 FEVRIER 2020 A ABIDJAN
-Monsieur le représentant senior du Bureau du Groupe de la Banque Mondiale à Abidjan,
-Madame Julia BRAUNMILLER Spécialiste Développement du Secteur Privé à la Banque Mondiale,
-Madame Gloria KUOH, Consultante Juridique à la Banque Mondiale,
-Excellences, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
-Mesdames et Messieurs les Représentants des Partenaires Techniques au Développement,
-Mesdames et Messieurs les Responsables et Représentants des Organisations de la Société Civile;
-Chers Amis des Médias ;
Mesdames et Messieurs, tous en vos rangs, grades et qualités ;
Mesdames et Messieurs,
C’est un réel plaisir pour moi de prendre part, ce jour, en ma qualité de Secrétaire d’Etat auprès du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, chargée des Droits de l’Homme, à l’atelier de formation sur le rapport « Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2020 », organisé conjointement par le bureau du Groupe de la Banque Mondiale et l’Association des Femmes Juristes de Côte d’Ivoire (AFJCI).
C’est le lieu de féliciter la Banque Mondiale et de lui exprimer toute la gratitude de mon pays pour la tenue du présent atelier et pour toutes les facilités qu’elle ne cesse de consentir à la Côte d’Ivoire dans le cadre de la Promotion de l’Etat de Droit et des Droits de l’Homme, toute chose qui concourt à la consolidation de la paix sur son territoire.
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais vous souhaiter à toutes et tous la bienvenue et vous remercier pour votre présence massive et qualitative à cette cérémonie.
Il me plaît à cet instant de vous porter tout l’intérêt qu’accordent Monsieur le Président de la République, Son Excellence Alassane Ouattara et Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, Son Excellence Amadou Gon Coulibaly aux questions des Droits des Femmes en général et de l’autonomisation de la femme en particulier (C’est un processus, par lequel, une personne ou une collectivité se libère d’Etat de sujétions et acquiert la capacité d’user de la plénitude de ses droits, s’affranchit d’une dépendance d’ordre social, moral ou intellectuel).
(la politique de l’autonomisation de la femme est le processus majeur par lequel une femme acquiert par elle-même suffisamment de capacités pour prendre des décisions importantes aux niveaux politique, économique, social, familial).
(Dans cette optique, l’investissement dans l’autonomisation économique des femmes est la voie la plus sûre vers l’égalité des sexes, l’éradication de la pauvreté et la croissance économique inclusive. Les femmes apportent une contribution énorme à l’économie, que ce soit au sein des entreprises, dans les exploitations agricoles, comme entrepreneuses ou employées, ou par leur travail non rémunéré à la maison, où elles s’occupent de leurs familles).
L’autonomisation économique de la Femme, étant une question primordiale dans le développement humain à l’échelle mondial, l’Etat de Côte d’Ivoire a ratifié en 1995, la Convention sur l’Elimination de toutes les formes de Discrimination à l’égard des Femmes.
Ainsi, il a consacré cette vision dans la constitution du 08 novembre 2016, en son article 4, qui dispose :
« Tous les ivoiriens naissent et demeurent libres et égaux en droit.
Nul ne peut être privilégié ou discriminé en raison de sa race, de son ethnie, de son clan, de sa tribu, de sa couleur de peau, de son sexe, de sa région, de son origine sociale, de sa religion ou croyance, de son opinion, de sa fortune, de sa différence de culture ou de la langue, de sa situation sociale ou de son état physique ou mental».
Distingués participants, Mesdames et Messieurs,
De par La Loi Fondamentale, sous l’impulsion de Son Excellence Monsieur Alassane OUATTARA, Président de la République, la Côte d’Ivoire s’est inscrite résolument dans la logique de la recherche du bien-être des populations en vue de combler l’écart existant entre les sexes.
Dans cette optique, conscient de ce que depuis l’indépendance de la Côte d’Ivoire en 1960, les femmes ne jouissaient pas de la totalité des droits reconnus aux hommes, des réformes entreprises dès 1989, se sont accélérées depuis l’accession au pouvoir du Président Alassane OUATTARA.
Ainsi :
-la Constitution du 08 novembre 2016, en ses articles 35, 36 et 37, pose le principe de la promotion de la femme et de la parité Homme-Femme dans tous les domaines économique, social et politique.
Il ne pouvait en être autrement dans la mesure où la Côte d’Ivoire s’est dotée dès 2012 d’un document de stratégie intitulé Programme National de Développement (PND) orienté vers la bonne gouvernance et le développement humain.
-la loi n°98-750 du 23 Décembre 1998 relative au domaine foncier rural telle que modifiée par les lois n° 2004-412 du 14 Août 2004 et n° 2013-655 du 13 Septembre 2013 permet aux femmes d’être propriétaires terriens au même titre que les hommes.
-la législation sur le mariage a été réformée à travers la loi n° 2013-33 du 25 janvier 2013 qui fait la promotion des droits de la Femme en instaurant la cogestion dans le foyer.
-la législation du travail a été réformée à travers la loi n° 2015-532 du 20 juillet 2015 qui accorde une protection renforcée à la femme dans le domaine de la rupture du contrat de travail et des congés de maternité.
-le Code pénal a fait l’objet de réformes à travers la loi n° 2019-574 du 18 juin 2019 qui institue de nouvelles incriminations, telles que le viol conjugal et les violences domestiques.
-la loi n° 2019-870 du 14 octobre 2019 favorisant la représentation de la femme dans les assemblées nationales institue des mesures, notamment un quota de 30% en faveur d’une meilleure représentation de la femme à l’Assemblée Nationale, au Sénat ainsi que dans les Conseils Régionaux, Municipaux et de Districts (la nouvelle loi institue des mesures (quotas) en faveur d’une meilleure représentation de la femme à l’Assemblée nationale et au Sénat ainsi que dans les Conseils régionaux, Conseils de districts et Conseils municipaux.
Cette loi fait obligation à toute liste de respecter l’alternance des sexes de telle sorte que si deux candidatures du même sexe sont inscrites, la 3ème soit d’un autre sexe en vue de permettre à un plus un grand nombre de femmes de participer à la vie politique de la Nation.
Ainsi, ce texte impose pour les scrutins uninominaux ou de listes, « un quota minimum de 30 % de femmes sur le nombre total de candidats présentés pour les scrutins relatifs à l’élection des députés, des sénateurs, des conseillers régionaux, de districts et municipaux »).
Par ailleurs, ledit texte accorde « un financement public supplémentaire à tout parti ou groupement politique dont la liste atteint au moins 50% de femmes candidates lors de ces scrutins ».
Dans ces conditions, Mesdames et Messieurs, Honorables participants, le présent rapport intitulé « Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2020 » du Groupe de la Banque Mondiale, créé en 2009, est un instrument de mesure des lois et des règlements qui entravent la capacité des femmes à travailler, à créer ou à diriger des entreprises et à prendre leur retraite.
L’objectif de ce pertinent rapport est d’éclairer les pouvoirs publics sur les moyens de supprimer les restrictions légales faites aux femmes et de promouvoir la recherche sur la manière d’améliorer l’inclusion sociale et économique des femmes.
Ce rapport du Groupe de la Banque Mondiale sur la femme constitue dès lors un moyen de pression visant à faciliter l’intégration économique et une meilleure autonomisation des femmes dans la plupart des pays.
Aussi, ledit rapport encourage-t-il les pouvoirs publics à reformer leurs lois qui empêchent les femmes de travailler et de faire des affaires.
En effet, le rapport « Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2020 » montre qu’une amélioration du cadre réglementaire augmente les chances des femmes par une forte participation à la vie active et à l’obtention de meilleurs résultats en matière de développement.
Par ailleurs, le rapport en question montre que l’égalité entre les femmes et les hommes permet aux femmes de faire les meilleurs choix pour elles-mêmes, leurs familles et leurs communautés.
Pour montrer comment les lois et réglementations facilitent ou entravent la participation économique des femmes au sein des Etats, le Groupe de la Banque Mondiale a eu recours à huit (8) indicateurs que sont :
- La Mobilité (liberté de circulation et le libre arbitre des femmes),
- La Rémunération (différences salariales pour un homme et une femme occupant les mêmes fonctions),
- La Parentalité (l’homme bénéficie-t-il d’un congé de paternité au même titre que la femme),
- Les Actifs (droit de propriété égal des conjoints),
- Travail (égalité de chance au travail),
- Mariage (égalité des droits entre les conjoints)
- Entrepreneuriat (chef d’entreprise, ouvrir un compte bancaire, signer un contrat, accès libre au crédit pour la femme)
- La Retraite (âge de départ, égalité des prestations)
A chacun de ces huit (8) indicateurs, le Groupe de travail de la Banque Mondiale y a associé 4 ou 5 questions.
Au total le présent rapport porte sur trente-cinq (35) questions résultant des huit (8) indicateurs et concerne 190 économies (pays) dont la Côte d’Ivoire.
Relativement à ces indicateurs et questions, la Côte d’Ivoire a obtenu les scores suivants :
- Mobilité (100% obtenu sur 4 questions)
- Travail (100% obtenu sur 4 questions)
- Rémunération (50% obtenu sur 4 questions),
- Mariage (60% obtenu sur 5 questions),
- Parentalité (80% obtenu sur 5 questions)
- Entrepreneuriat (75% obtenu sur 4 questions)
- Actifs (100% obtenu sur 5 questions)
- Retraite (100% obtenu sur 4 questions)
Distingués participants, Mesdames et Messieurs,
A la suite de cette notation, il me plait de relever des observations sur certains des indicateurs sus-évoqués :
S’agissant de l’indicateur « Rémunération », le score affecté à la Côte d’Ivoire est de 50% obtenu sur 4 questions.
En réalité, ce score doit être porté à 100%.
En effet, ni le statut général de la fonction publique ni le code du travail n’admettent de discrimination au niveau de la rémunération entre la femme et l’homme.
Aucune disposition dans la législation ivoirienne en matière de travail n’interdit ni le travail de nuit ni les emplois dangereux aux femmes. Il en est de même pour le travail des femmes dans les industries.
Quant à l’indicateur « Mariage », le score affecté à la Côte d’Ivoire est de 60% sur 5 questions.
En réalité, ce score doit être porté à 100%.
En effet, à ce jour aucune disposition de la loi sur le mariage en Côte d’Ivoire n’impose à la femme un devoir d’obéissance à l’égard de son mari. Bien au contraire, la loi sur le mariage qui instaure une cogestion du foyer entre la femme et l’homme, met les deux conjoints sur le même pied d’égalité. S’agissant de la violence domestique, le Code pénal du 18 juin 2019 réprime les violences conjugales. Quant au divorce, aucune disposition légale n’interdit à la femme d’obtenir un jugement de la même manière qu’un homme. De même, aucune disposition légale ne fait interdiction à la femme d’avoir droit au remariage au même titre que l’homme.
Parlant de l’indicateur « Entrepreneuriat », le score affecté à la Côte d’Ivoire est de 75% sur 4 questions.
En réalité, ce score doit être porté à 100%.
En outre, aucune disposition légale en vigueur en Côte d’Ivoire n’interdit aux femmes d’avoir accès au crédit. Par ailleurs, aucune disposition légale n’interdit à la femme de contracter au même titre que l’homme. Il en va pareillement pour l’immatriculation d’une entreprise et l’ouverture d’un compte bancaire.
Au total, le score global de la Côte d’Ivoire de 83,1% mentionné dans le rapport devra être revu à la hausse.
Mesdames et Messieurs,
Ces observations faites, il convient de souligner que nous sommes réunis ce jour dans le cadre d’un atelier de formation.
Outre l’objectif de débattre de l’importance et de l’impact des lois discriminatoires envers les femmes, le présent atelier se veut aussi un lieu de partage d’expériences en matière de réformes et de sensibilisation des pouvoirs publics dans leurs missions.
C’est pourquoi, au sortir du présent atelier, il importe plus que jamais de nous approprier les conclusions du rapport annuel du Groupe de la Banque Mondiale sur «les Femmes, l’Entreprise et le Droit ».
Je vous exhorte donc à tirer le meilleur parti des travaux de l’atelier au cours de cette journée.
Pour ma part, je puis vous assurer que le Gouvernement dont l’engagement en faveur des femmes est connu de tous, ne ménagera aucun effort pour poursuivre ses actions au quotidien.
Aussi, tout en réitérant mes remerciements au Groupe de la Banque Mondiale, je déclare ouvert l’atelier de formation sur le rapport « les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2020 » du Groupe de la Banque Mondiale, en coopération avec l’Association des Femmes Juristes de Côte d’Ivoire.
Je vous remercie