Affaire « Le grand retour des fossoyeurs de l’école ivoirienne »: «Ouattara était-il venu du FMI pour prendre le fauteuil du Président Houphouët-Boigny en 1990?» (Sylvain Takoué)
En page 3 de sa livraison N°2545 du vendredi 22 février 2019, le Journal Le Quotidien d’Abidjan avait, sous la plume de Gobson Zago, évoqué la probable « menace d’une année blanche » qui planerait sur l’école ivoirienne actuellement bloquée par des grèves tant récurrentes que légitimes. L’article signé, qui parlait du « grand retour des fossoyeurs de l’école ivoirienne », allusion faite au régime impopulaire en place, faisait bien de rappeler, à la mémoire des Ivoiriens, les circonstances de l’entrée, sur la scène politique de la Côte d’Ivoire, du grand commis du FMI, qu’était monsieur Alassane Ouattara, au soir de la vie du Président Félix Houphouët-Boigny.
En effet, c’était lui, ce « haut » technocrate des institutions financières de Breton Wood, qui avait été porté, en 1990, à la rescousse de la Côte d’Ivoire dont l’économie nationale s’enlisait littéralement dans une mauvaise conjoncture, passées la décennie florissante (des années 1980) du « miracle ivoirien ». Parachuté de l’international, de façon lapidaire, à cette tâche du sursaut économique, ô combien impressionnante aux yeux du premier dirigeant vieillissant du pays, voilà donc le technocrate compétent qui atterrit en Côte d’Ivoire. Le voilà aussitôt fait super Premier ministre du pays et porté aussi à la tête d’un comité interministériel.
Mais alors que son Plan d’ajustement structurel (PAS) était clair, et qu’il n’avait que 100 jours pour démontrer ses compétences de super économiste, monsieur Alassane Ouattara n’avait pas trouvé mieux à faire que de créer les meilleures conditions de mettre plutôt le pays en ébullition socio-économique et politique, en s’attaquant, comme l’a rappelé Le Quotidien d’Abidjan, à l’école ivoirienne et aux fonctionnaires du système éducatif du pays : suppression des bourses scolaires (de 12 000F CFA) et des internats dans les lycées et collèges publics ; suppression aussi des bourses estudiantines (le « Kouadjo ») ; suppression des cars de transport des étudiants et de leurs autres avantages sociaux à l’université ; répressions policières et militaires sauvages des étudiants contestataires, arrestation en cascade des opposants syndicaux et politiques menant des manifestations soulevées par ces mesures impopulaires ; dures récessions salariales contre les enseignants fonctionnaires par l’instauration des fameux salaires à double-vitesse, etc. On se souvient même, dans ces années de braises, de l’évènement répressif du jeudi 18 février 1992, appelé à l’époque, le « Jeudi noir », et de la fameuse loi anti-casse, appelée la « loi Ouattara », qui était une étrange loi rétroactive (sacrilège contre le droit, car aucune loi prise n’est pas applicable pour des faits passés, mais présents et à venir, alors que cette loi anti-casse était prise après les incidents pour lesquels elle était instaurée, pour leur être appliquée dare-dare). Cette loi infondée était donc expressément prise contre l’opposition alors accusée d’incivisme et de vandalisme, à l’occasion de sa marche populaire de contestations de ce jeudi 18 février 1992.
Mais quand on regarde aujourd’hui, et de très près, tout ces chamboulements des ces années 1990, où il y a eu la première année scolaire et universitaire blanche, années de troubles qui n’étaient surement pas faits pour arranger le régime du Président Félix Houphouët-Boigny (qui fatigué et épuisé, ne semblait vraiment plus rien contrôler), l’on se demande bien pour qui, au juste, roulait le Premier ministre d’alors, si ce n’était pour lui-même ou pour l’extérieur (Laurent Gbagbo a pu dire de lui, longtemps après, qu’il était le pion de l’étranger), pour avoir sans doute « intentionnellement » mal « géré » la situation intérieure du moment pour mettre ainsi le « Vieux » en difficulté et le voir mieux sonné et discrédité. Ce qui pourrait accélérer son éviction. Et si, voyant ce Houphouët-Boigny des années 90, décliner en âge et en santé, ces mesures impopulaires du gouvernement Ouattara étaient sciemment prises, savamment préparées pour jeter de l’huile sur le feu et provoquer plus surement des remous sociopolitiques spectaculaires à même de le faire éjecter, avant l’heure, du fauteuil présidentiel ? A qui aurait profité, à ce moment-là, dans le brouhaha émotionnel et l’imbroglio politique créé par les évènements, l’intérim présidentiel post-mortem ?
Mais c’est l’évènement du décès, en 1993, du Président Félix Houphouët-Boigny, qui apportera une certaine réponse à cette interrogation : alors même qu’un dauphin constitutionnel (selon la Constitution du 3 novembre 1960) existait bel et bien déjà, en la personne d’Henri Konan Bédié, à ce moment-là président de l’Assemblée nationale et N°2 du régime PDCI-RDA, ce bouillonnant Premier ministre missionnaire de l’extérieur, n’avait-il pas tenté de faire entorse à la procédure constitutionnelle pour vouloir aller directement assurer l’intérim présidentiel ?
Par ailleurs, avait-il pu même, de 1990 à 1993 (alors qu’il n’avait que 100 jours pour le réussir) vraiment réajuster structurellement l’économie nationale de la Côte d’Ivoire de ces déliquescentes années 1990 ? S’il y avait échoué, comme finalement constaté, pourquoi n’était-il pas retourné carrément d’où il était venu, et qu’avait-il, surtout, plutôt à lorgner avec une fixité déconcertante, le fauteuil présidentiel laissé temporairement vacant à cause du décès de son illustre occupant, pendant qu’un intérimaire institutionnel était déjà tout désigné par la Constitution de l’époque ?
En regardant aujourd’hui, et de plus près encore, cette forte propension qu’il a eue à vouloir être chef d’Etat à tout prix, et à le devenir vraiment plutôt que de retourner à sa technocratie des institutions de Breton Wood, il se revêt de l’houphouétisme et veut aujourd’hui occuper ad vitam le fauteuil présidentiel. Ne peut-on pas en conclure que la soif était si grande, en ce Premier ministre des années 1990, de remplacer, coûte que coûte, et après son décès, le grand Houphouët-Boigny dans son fauteuil rouge, parce que cette ambition personnelle avait échoué de son vivant ?
Mais maintenant qu’il y a passé près de 10 ans, dans ce fauteuil présidentiel vermeil, et qu’il semblerait vouloir s’y éterniser à la Houphouët-Boigny en se revêtant de l’illustre nom de celui-ci pour croire mieux faire passer ce subterfuge politique, le voilà qui fait face, aujourd’hui, au soir de ses mandats quinquennaux, aux mêmes conditions de remous socio-économiques et politiques, qu’il avait créées lui-même contre l’école ivoirienne et contre les enseignants fonctionnaires du pays d’alors, et qui lui remontent au nez comme un retour de bâton. Qu’il sache, donc, que ce sont ces mêmes ébullitions du front social, syndical et politique, surgissant du mépris fait à l’école ivoirienne, qui font chuter les régimes politiques rendus impopulaires par soi-même. Comme quoi, qui sème le vent…, et qui crache en l’air …,
Sylvain Takoué,
Président du
Rassemblement des Fiers Ivoiriens (R.F.I.)