Abel Doualy démonte les propos d’Alassone Ouattara portés par Sidi Touré contre Bédié: «Le gouvernement se comporte en juge et partie avec des chiffres qui ne sont nullement référencés»
Mal gouvernance en Côte d’Ivoire. En réponse aux critiques pertinentes du président du PDCI-RDA, Henri Konan Bédié, lors du Bureau politique du 14 novembre, le gouvernement, par la voix de son porte-parole, Sidi Touré, a cru bon de publier une réplique chiffres à l’appui. Mais des chiffres qui ne sont nullement référencés et qui, dès lors, n’ont aucun crédit aux yeux de l’opinion publique.
Car c’est souventes fois que le gouvernement se comporte en juge et partie, c’est-à-dire celui qui agit et se juge ou se note lui-même. Or dans les pays développés, qui ont du respect pour l’opinion publique, il y a des structures compétentes indépendantes qui ont pour mission de juger l’action gouvernementale et dont les données ne souffrent d’aucune ambiguïté et sont au-dessus de tout soupçon. Mal gouvernance en Côte d’Ivoire.
C’est la raison pour laquelle nous ne nous attarderons pas, dans cette analyse, sur ces chiffres publiés par le gouvernement dans la presse d’hier. Et dont nul ne connaît ni l’origine ni les références. D’ailleurs lorsqu’on compare ces chiffres aux réalités du terrain, l’on ne peut que s’étonner du gap et se demander si ces fameuses statistiques concernent la Côte d’Ivoire. N’est-ce pas l’histoire de la croissance à deux chiffres qui, plus elle est brandie par le gouvernement, plus les populations en doutent tant ses impacts restent faibles pour ne pas dire nuls sur elles ?
Du goudron qui fond sous la pluie comme neige au soleil
Revenons sur les différents points soulevés par le porte-parole du gouvernement et ce, indépendamment des chiffres. En matière de scolarisation, en dépit des pourcentages publiés par le gouvernement, les populations ivoiriennes éprouvent mille et une difficultés à scolariser leurs enfants. Il suffit de faire un tour dans les villages pour découvrir des scènes piteuses d’écoles construites en terre battue et couvertes de pailles ou de palmes. Sous ces installations de fortune, sont entassés des enfants dont le seul mal, c’est d’être issus de familles pauvres.
Pour ce qui est de la mortalité maternelle, elle reste toujours une réelle préoccupation à en croire les conditions d’accouchement dans certains centres de santé surtout ruraux. Outre les plateaux techniques qui n’existent que de nom, les femmes enceintes parcourent des kilomètres à pied pour se rendre dans une maternité. Les plus chanceuses sont transportées dans des brouettes ou à motos ou bicyclettes, faute de routes praticables pour les quatre roues.
Et que dire des routes qui semblent tant faire la fierté des gouvernants actuels à cause de quelques axes principaux réhabilités ou construits ? Pour le régime Ouattara, c’est le meilleur record en matière de routes en Côte d’Ivoire. Or de nombreux Ivoiriens n’hésitent pas à dire que la qualité des routes, par le passé, est nettement meilleure à celle d’aujourd’hui avec du goudron « yomo » qui fond sous la pluie comme neige au soleil. Quant aux pistes villageoises, elles ne se sont jamais aussi mal portées qu’aujourd’hui où il arrive à des véhicules de type 4X4 double cabine de parcourir 10 à 20 km en 2 voire 3heures tant l’état est mauvais.
La propagande gouvernementale semble courir plus vite que les réalités du terrain
Bref ! Qu’il s’agisse de lycées et collèges, d’eau potable, de réconciliation ou que sais-je encore, la propagande gouvernementale semble courir plus vite que les réalités du terrain. C’est certainement de bonne guerre. Mais au moment où il est question d’amorcer la dernière ligne droite pour la présidentielle d’octobre 2020, c’est-à-dire à moins d’un an de cette échéance tant attendue, il ne devrait plus y avoir de place aux contrevérités. Il faut dire aux populations ce qui est conforme à leur vécu quotidien et qui leur permet de choisir leurs futurs dirigeants en toute connaissance de cause.
C’est pourquoi on ne dira jamais assez que la réconciliation nationale, qui était pourtant une priorité au sortir de la crise postélectorale de 2010-2011, a été un échec pur et simple du gouvernement. Comment pouvait-il en être autrement lorsque dès sa prise de pouvoir en 2011, la première action principale du président Ouattara a été de déporter l’ancien président Laurent Gbagbo à la Cour pénale internationale ?
Et comme si cela n’était pas suffisant pour lui, il a passé ses deux quinquennats à traquer ses adversaires politiques. Son régime s’est même permis l’exploit d’imposer aux Ivoiriens d’adhérer au RHDP unifié sous peine de perdre leurs emplois. Des exemples en la matière foisonnent avec en tête de chapitre le cas Guillaume Soro poussé à démissionner de la présidence du Parlement pour avoir refusé de militer au RHDP.
L’amnistie fut une symphonie inachevée ( Mal gouvernance en Côte d’Ivoire )
Même l’amnistie accordée aux prisonniers de la crise postélectorale fut une symphonie inachevée avec le refus de libérer les militaires. L’on s’étonne donc de la récente réaction du gouvernement qui, plutôt que d’engager de vaines polémiques là où la vérité crève l’œil, gagnerait à rectifier les tirs chaque fois que les leaders d’opinions et principalement les opposants se font le devoir citoyen d’attirer l’attention des dirigeants sur les failles de leur système.
Le président Félix Houphouët-Boigny ne cessait de dire que la politique, c’est la saine appréciation des réalités, bonnes ou mauvaises. Cela, de toute évidence, requiert un minimum de discernement et de bonne foi. Dont devraient s’inspirer ceux qui veulent passer pour les champions de l’houphouétisme.
Au lieu de cela, en voulant vaille que vaille imposer aux populations leurs seuls points de vue, les tenants du pouvoir actuel sillonneront le pays à haranguer les foules, vilipender leurs adversaires, passer leur temps à se défendre contre toute critique. Mais sans jamais convaincre. Véritablement. Hélas !
ABEL DOUALY