Yamoussoukro et la Présidentielle 2020/Le ‘’V Baoulé’’ se souvient des promesses de 2010 et parle à Alassane Ouattara: «Les populations observent et sauront réagir… sans tambour ni trompette»
«Il n’est jamais trop tard pour bien faire», dit l’adage. De sorte que l’on ne peut que se réjouir de la décision du gouvernement de réhabiliter, dans les jours à venir, les rues de la capitale politique et administrative, Yamoussoukro. Une bonne nouvelle que ne manque pas de saluer le maire de Yamoussoukro, Gnrangbé Kouacou Jean, qui l’a fait savoir, vendredi dernier, face à ses populations.
« Pour ceux qui ne le sauraient pas, je vous annonce que le mercredi prochain (hier, ndlr), il y aura un conseil des ministres ici à Yamoussoukro. A cette occasion, à la suite du conseil des ministres, le président de la République procédera au lancement des travaux de réhabilitation des voies de Yamoussoukro annoncés depuis quelques mois. Ce sera à la place Jean Paul II. Je vous invite tous à y être (…) pour traduire notre gratitude au président de la République. Il n’est jamais trop tard… Si on vient faire maintenant les travaux de réhabilitation de la voirie, c’est bien. On nous avait promis ces travaux il y a longtemps (…) », a dit Gnrangbé Kouacou Jean.
Et le maire ne croit pas si bien dire lorsqu’il fait remarquer que ces travaux ont été promis « il y a longtemps ». En effet, c’est lors de la campagne présidentielle d’octobre 2010 que le candidat Alassane Ouattara avait annoncé qu’il consacrerait les premières années de son premier quinquennat aux travaux devant aboutir au transfert effectif de la capitale à Yamoussoukro. Le « il y a longtemps » dont parle le maire de Yamoussoukro ne remonte donc pas à quelques mois seulement comme il le dit. Mais au mois d’octobre 2010 dans l’euphorie de la campagne présidentielle.
Le Zoom du Nouveau Réveil
Près de dix ans après (2010-2019), tout le monde aura compris qu’il ne s’agissait que de promesses électoralistes. Et les populations de Yamoussoukro ne pouvaient que prendre leur mal en patience. C’est dans cette situation de quasi désespoir que l’on était lorsque, dans son rôle de veille et d’éveilleur de conscience, le quotidien « Le Nouveau Réveil » fait un Zoom sur la capitale politique. Dont il met en exergue les nids de poule qui jonchent les belles rues d’alors. Et les grands chantiers du transfert de la capitale restés dans les broussailles. « Aujourd’hui, Yamoussoukro est quasiment l’ombre d’elle-même. Les belles rues tracées par le père-fondateur ne sont désormais que de profonds nids de poule étalés le long des tronçons et rendant laborieuse toute aventure sur ces voies», faisait remarquer « Le Nouveau Réveil » dans un article intitulé « Actions de développement de la Côte d’Ivoire : Yamoussoukro, la grande oubliée » et paru dans son édition du lundi 5 août en page 7.
Voici que le chef de l’Etat, qui a toujours été réfractaire aux critiques et propositions, même les plus constructives, décide enfin de se pencher sur la situation de Yamoussoukro. Pourtant les nombreuses interpellations sur la mal gouvernance, le refus de mettre en place une Cei consensuelle, les atteintes aux libertés et aux principes démocratiques, etc, sont restées lettres mortes. Parce qu’au bout du compte, il n’y a pas de militants à courtiser, à appâter, à séduire. Il n’y a donc aucun intérêt particulier à répondre à ces critiques ou interpellations.
On connaît les enjeux que représente le « V » Baoulé
Du coup, ils sont certainement nombreux ceux qui voient derrière cette volonté de réhabilitation des rues de la capitale, maintenant, une opération de charme à relent électoraliste ; 2020 approchant à grands pas avec ses pêches aux voix. Et l’on connaît les enjeux que représente le « V » Baoulé dont de nombreux cadres, débauchés par le RHDP unifié, se débattent comme de beaux diables. Afin de ravir la vedette au président du PDCI-RDA, Henri Konan Bédié. Qui, quoi qu’on dise et qu’on fasse, demeure la figure emblématique de cette contrée de la Côte d’Ivoire où le respect du chef est un véritable culte. D’ailleurs chaque leader politique n’a-t-il pas son fief, voire sa chasse gardée ? Pourquoi s’acharner contre le bastion d’un leader croyant pouvoir affaiblir ce dernier sur son propre terrain ? Les populations, qui voient le dos du nageur comme dirait Laurent Gbagbo, observent et sauront réagir en temps opportun. Sans tambour ni trompette.
La réhabilitation des rues de Yamoussoukro apparaît, de toute évidence, comme un pion à pousser dans le secret espoir de pouvoir contrarier le jeu de l’adversaire dans son propre bastion historique. Mais nul n’a besoin de bouder son plaisir au nom de la politique politicienne. Les populations de Yamoussoukro ont donc été invitées à sortir massivement avant hier. Pour dire un grand merci au président de la République dans son rôle régalien d’offrir aux Ivoiriens et à tous ceux vivant dans ce pays les commodités élémentaires d’une cité urbaine.
Ni un cadeau ni un acte de militantisme politique !
Ce n’est ni un cadeau ni un acte de militantisme politique qu’on pose envers les populations qui étaient donc à la rencontre chacune avec ses convictions et ses choix. Il ne s’agissait donc pas d’une manifestation du Rhdp ni de quelque autre formation politique que ce soit. Mais une cérémonie purement républicaine à laquelle tout le monde était invité peu importe le bord politique. Point de couverture à se tirer donc !
La mobilisation, les ovations, la libation, bref, tout ce qui s’y est déroulé, l’a été dans le strict cadre de cette cérémonie, et dans un esprit de pure gratitude et hospitalité des populations à l’égard de leur illustre hôte qu’est le président de la République. Et rien d’autre. N’empêche qu’en marge du lancement des travaux de réhabilitation des rues, il puisse y avoir des rencontres à caractère purement politique entre les militants de même obédience. Tout cela procède de la bonne gouvernance, de la transparence et de l’honnêteté du jeu démocratique.
Car il faut bien que cesse le jeu trouble des hommes politiques qui ont du mal à mobiliser en temps normal. Et qui sautent sur toutes les occasions de ce genre pour se rendre populaires aux yeux de l’opinion publique qui n’est d’ailleurs pas dupe. Elle sait généralement faire la part des choses et comprendre que ceux qui étaient sortis hier, pour être témoins de cet heureux événement à la place Jean Paul II, n’étaient pas que des militants d’un même parti. Mais des populations de tous bords soucieuses de leur bien-être social, économique, environnemental et politique.
Le président Ouattara gagnerait à mettre en pratique son propre appel à la paix
Et le président Ouattara ne croit pas si bien dire lorsqu’il invite les Ivoiriens, notamment ceux du centre, à « arrêter les querelles de chapelle et de personnes (parce que) la Côte d’Ivoire a besoin de paix ». Il dit espérer que cet appel sera « entendu par toutes les populations du centre et de la Côte d’Ivoire ».
Un appel qui gagnerait à être entendu par ses propres militants du RHDP unifié qui sillonnent le pays à dénigrer les militants des autres partis. Et à stratifier les Ivoiriens en oiseaux de mêmes plumages ou non, en fer ou en aluminium, etc. Ces attaques sont orientées singulièrement contre les militants du Pdci-Rda qui ont commis le crime de lutter contre la dissolution de leur parti. De refuser toute autre alliance de dupes avec le Rdr. Et de s’allier à d’autres formations politiques dont le FPI.
Enfin, le président Ouattara gagnerait lui-même à mettre en pratique son appel d’hier à travers une vraie politique de réconciliation nationale et de paix sincère. Toute chose que l’opposition l’accuse d’avoir échouée en déclarant systématiquement la guerre à tous ceux qui ne partagent pas sa vision.
En cela, on ne parlera jamais assez de la tristement célèbre politique du « tabouret » et du «rattrapage ethnique » qu’on n’a plus besoin d’expliquer. C’est la pire forme d’exclusion entre des citoyens d’un même pays. Elle est totalement contraire à la volonté de paix et de réconciliation nationale.
A.D (via afriksoir)