Vérités crues/Jean-Louis Billon, au Rdr-Rhdp et à Alassane Ouattara: «Ce n’est pas parce que vous tenez l’Etat que les Institutions se plient à vos désidérata…»
Se prononçant sur l’établissement de la Carte nationale d’identité (CNI) en Côte d’Ivoire, le secrétaire exécutif du PDCI, chargé de la Communication et de la propagande, Jean-Louis Billon, a jugé inacceptable que la délivrance d’un tel document administratif aussi simple soit rendue complexe par le gouvernement. Voici de larges propos de son intervention.
«Il faut dissocier la Carte nationale d’identité du processus électoral. La CNI, c’est ce document administratif que l’on demande à chaque individu de porter sur lui dès qu’il est majeur. En Côte d’Ivoire, nous sommes restés et nous demeurons dans l’irrégularité à partir du moment où nous n’établissons pas de Carte d’identité de façon régulière. La Côte d’Ivoire est un pays qui a reculé sur de nombreux plans (…) La Carte d’identité était facile à faire.
Avec l’arrivée de l’informatique, les choses devraient être encore plus simples. Les nouvelles Cartes d’identité étaient vertes avec un opérateur venu de l’étranger. C’était un document que les Préfectures et les Commissariats faisaient dans tout le pays normalement à tout moment. Ça relevait du ministère de l’Intérieur et on avait sa Carte d’identité simplement.
On a rendu complexe quelque chose qui était moins complexe. Avec la crise, il y avait un problème d’identification, des questions de qui est Ivoirien, qui ne l’est pas. On a rendu plus compliqué l’établissement de la carte d’identité. Il y a des enfants qui sont nés, qui ont grandi mais qui, malheureusement, n’ont jamais connu de Carte d’identité en Côte d’Ivoire. Nous avons fait les cartes d’identité en 2009.
Donc aujourd’hui, nos Cartes d’identité arrivent à expiration. Et jusqu’à maintenant, nous n’avons plus fait de carte d’identité. C’est irrégulier. Ce qui veut dire que si je perds ma Carte d’identité, je ne peux aller quelque part pour faire un duplicata ou une autre. Ce qui se fait partout dans le monde de façon très simple. Il y a plein d’individus en Côte d’Ivoire qui n’ont pas de pièces d’identité.
Ils ont atteint la majorité et on leur demande un document que l’Administration ne fournit pas. Et pourtant, l’Administration elle-même vous demande des pièces d’identité. Et vous vous retrouvez dans des situations complètement atypiques. Alors que vous avez l’Office national d’identification qui vous délivre une attestation d’identité. Je me demande ce que c’est qu’une attestation d’identité. Ça ne veut rien dire. Mais on produit l’attestation en Côte d’Ivoire et on vous la vend. Et elle est valable au plus un an. En plus, elle coûte excessivement cher.
Quand vous naissez, vous pouvez établir une attestation d’acte de naissance. Il y’a depuis des prélèvements de fonds avec les attestations d’identités et on ne sait pas ce que c’est devenu. Ça aurait dû servir à financer les pièces d’identité, les nouvelles que l’on demande à compter de maintenant. Nous allons avoir 10 millions de personnes en âge de voter. Il va falloir établir plus de 10 millions de Cartes d’identité. Parce que il y’a non seulement ceux qui ont plus de 18 ans mais il y a aussi ceux qui sont plus jeunes et qui ont besoin de Carte d’identité.
Il faudra donc autant de Cartes d’identité en un temps record là où on aurait pu le faire de façon continue. Ce que la Côte d’Ivoire a vécu, ce sont des choses qui ne doivent plus arriver. Ce sont les déboires d’un Etat. Parce que les citoyens que nous sommes, avons des droits mais aussi des devoirs. Et l’Etat qui est là pour des services publics a également des obligations. Et ça, c’est une grosse anomalie. Après la crise que la Côte d’Ivoire a connue, la crise postélectorale et toutes les questions identitaires qu’on a connues, la question de la CNI aurait dû être réglée dans les 6 mois qui suivaient l’accession au pouvoir du nouveau régime.
Et pourtant nous nous trouvons quasiment 10 ans après avec la même problématique. Nous allons avoir de nouvelles Cartes d’identité, établies à 5 000Fcfa. Ce n’est pas tant le prix qui pose problème. Mais c’est le fait d’avoir été absent tout ce temps et exiger, 10 ans après, de quelqu’un qu’il paie pour la défaillance de l’Etat. Nous allons avoir des élections et pour voter, on nous demandera la Carte d’identité et la Carte d’électeur. Mais les anomalies ne s’arrêtent pas là.
On établit un Permis de conduire, un Passeport et on n’établit pas la Carte nationale d’identité. Voyez-vous comment un gouvernement qui dit que tout est bien dans le meilleur des mondes n’arrive même pas à établir un simple document à savoir une Carte nationale d’identité. Nous sommes dans un pays qui a reculé. Et pourtant, nous devons réussir le processus électoral qui s’annonce devant nous. Chers militants, dites à vos enfants, à vos parents d’aller faire leurs pièces d’identité et s’inscrire sur la liste électorale.
Ça ne sert à rien de faire les grands discours et de ne pas pouvoir voter demain. Le changement que vous souhaitez et que vous voulez, vous ne l’obtiendrez que par le vote. Ils sont nombreux, ceux qui veulent le changement et qui ne vont pas s’inscrire sur la liste électorale et qui ne vont pas être en règle. Oubliez l’injustice dans le processus électoral. Si on veut le changement, il faut s’inscrire et faire en sorte que la victoire soit la nôtre en 2020. Mes prédécesseurs ont parlé du processus électoral, de la Commission électorale indépendante (CEI) et tout l’ordre du sujet aujourd’hui participe à la réalisation d’élections crédibles, transparentes et calmes.
C’est ce que le président Henri Konan Bédié appelle une démocratie apaisée. Malheureusement, en Côte d’Ivoire, nous sommes le seul pays de la sous-région qui n’a pas connu de transition démocratique, calme (…) Si vous regardez le Ghana, le Mali, le Bénin, le Libéria, le Niger, le Sénégal, le Nigéria, ce sont des pays qui ont connu des transitions démocratiques où l’ancien président salue le président entrant et tout se fait dans la ferveur nationale. Nous en Côte d’Ivoire, on se targue d’être le premier pays sur le plan économique mais on n’a jamais connu ce processus-là.
Il est temps pour nous de le connaître. Et pour le connaître, ça passe par ce découpage électoral qui est crédible. Le secrétaire exécutif vous a démontré le déséquilibre qui existe dans le découpage électoral. Quand vous avez 400 mille électeurs pour 69 communes et 2 millions d’électeurs vous avez une vingtaine de communes. Tout ça, pour dire que nous avons plus de maires donc nous avons gagnez les élections. C’est faux. Après, vous avez le nombre de députés par rapport à la population et la taille, vous vous retrouvez dans un jeu démocratique où l’on fausse.
Et on s’étonne de ne pas avoir un pays beaucoup plus calme, où il n’y a pas ces frustrations. Bien sûr qu’il y aura frustration quand il y a injustice. Le député KKP a rappelé l’importance d’une Commission électorale indépendante. Mais l’indépendance sans l’autonomie d’abord, c’est un rêve. Ce n’est pas parce que vous tenez l’Etat que les Institutions se plient à vos désidérata. En Côte d’Ivoire, nous avons voulu une Commission électorale indépendante (…) Nous allons entrer en 2020 dans un climat hautement politique.
Gardez votre sang froid, établissez vos Cartes d’identité, inscrivez-vous sur la liste électorale massivement pour que la majorité que nous savons dans les intentions se traduise véritablement dans les urnes. Moi, j’ai cette confiance mais comme la confiance n’exclut pas le contrôle, contrôlez tout autour de vous pour que chacun puisse établir les papiers et être en règle. C’est après que nous pourrons régler tous les maux de ce pays et arriver à avoir la nation apaisée, juste et l’Etat de droit avec l’exercice dont nous rêvons tous ».
Propos recueillis par François Bécanthy (Le Nouveau Réveil)