André Silver Konan au régime Ouattara-Rhdp: «Quand on prétend être majoritaire, on rend le jeu électoral crédible et transparent… des actes qui préparent sa propre sortie du pouvoir comme Compaoré»
L’analyste politique, lanceur d’alertes et éveilleur de consciences, André Silver Konan a commenté la dernière sortie du Président Alassane Ouattara. L’écrivain qui ne cesse d’appeler au renforcement des acquis démocratiques met en garde le RHDP, contre la tentation de la conservation du pouvoir, par tous les moyens.
Le Président Alassane Ouattara, en annonçant qu’il va modifier la constitution et en évoquant l’âge de ses principaux rivaux, va faire exactement ce qu’il dénonçait en politique : introduire des articles dans la constitution pour viser un ou des individus. C’est exactement ce que le RDR reprochait alors au PDCI. C’est exactement ce que le RDR a reproché au Général Robert Guéi. Rappelons-nous, la bataille du “Et/ou”. La suite est connue…
Au passage et à titre personnel, ce n’est un secret pour personne, puisque je l’assume sans faiblesse, je milite pour la mise à l’écart des 3 Grands (Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo). Non qu’ils seraient vieux, postulat douteux défendu par le chef de l’Etat mais parce qu’ils ont échoué. Collectivement et individuellement.
Collectivement, depuis la mort de Félix Houphouët-Boigny (qui est loin d’être exempt de reproches, lui qui a malicieusement inoculé dans la conscience de ses compatriotes, le venin nocif de la tolérance à la corruption, avec sa théorie mal inspirée du “grilleur d’arachides”), ils se sont chaque fois, mis à deux, pour “renverser” le troisième. Ouattara-Gbagbo contre Bédié. Ouattara-Bédié contre Gbagbo. Et maintenant Bédié-Gbagbo contre Ouattara. Cela suffit !
Échec des 3 Grands
Individuellement, ce sont eux qui dirigent le pays depuis plus d’un quart de siècle. Et alors que le niveau de pauvreté était à 10% dans les années 70-80, il est aujourd’hui à 46%. Un échec personnel de ces collaborateurs et opposant historiques à Houphouët, qui ont échoué à rendre l’indépendance économique aux Ivoiriens, après l’indépendance politique acquise par les pères fondateurs, il y a 59 ans.
Revenons à notre commentaire. Ce possible tripatouillage (il faut appeler un chat, un chat) de la constitution sera triste d’autant que la loi ne devient plus ni impersonnelle ni générale. Mais je vais vous surprendre. En effet, je regarde tout ça et ça me fait rire, justement. Le RHDP de Ouattara se comporte exactement comme le CDP de Compaoré avant 2014. Oui, comme sous Compaoré, les thuriféraires vous jettent à la figure que le Grand Chef sait ce qu’il fait, que l’armée est avec lui, l’administration est avec lui, les élus sont majoritairement avec lui, qu’un pouvoir sortant ne saurait perdre des élections qu’il organise (les supporteurs d’Abdoulaye Wade, le Président africain qui a réussi plus que personne avant lui dans son pays et même en Afrique de l’Ouest, des travaux colossaux ; en disaient de même). Comme au Burkina Faso hier, les dirigeants ivoiriens aujourd’hui, foncent têtes baissées, méprisent les alertes, remettent en cause les acquis démocratiques et brandissent les grands travaux pour justifier leurs actes visant la conservation du pouvoir par tous les moyens. Une méprisante erreur !
Plutôt que de travailler à la conservation du pouvoir, par tous les moyens (quand on prétend être majoritaire, on rend le jeu électoral crédible et transparent, on ne cherche pas à avoir une mainmise sur la Commission électorale, qui proclame les résultats), le RHDP gagnerait à revenir à l’orthodoxie de la gouvernance qui a justement permis à tout pouvoir adulé par son peuple, de rester au pouvoir : lutte contre la corruption, égalité de tous devant la justice, accès équitable à l’administration, liberté d’expression, libération des médias publics, transparence dans la gestion des deniers publics et par-dessus tout, le maintien des grands travaux avec un suivi constant pour éviter les malversations décriées par la Banque mondiale.
Entêtement de Pharaon
Le RHDP a un atout. À la différence du Faso, je ne crois pas qu’il y aura un soulèvement populaire en Côte d’Ivoire (aucun indicateur à l’heure actuelle). Mais il ne doit pas s’y méprendre. Eh oui, je crains la sentence irrévocable qui a constamment laissé des traces dans l’histoire politique : qui règne par l’épée… Espoir 2000 aurait dit : “de la manière tu viens au pouvoir, c’est comme ça tu t’en vas”. Tout cela ressemble à un puzzle spirituel. C’est biblique, peut-être coranique. On parle d’entêtement de Pharaon.
Bref. Le RHDP est en train, sans s’en douter, poser des actes autocratiques qui préparent insidieusement sa propre sortie du pouvoir. Et le pire, c’est que ses responsables et ses supporteurs ne voient rien, n’entendent rien, ne veulent rien savoir. Dieu nous aide ! Bonne fête de l’indépendance.
André Silver Konan