Sit in ce lundi 15 juillet devant la CEI/Pulchérie Gbalet (ACI): «Nous ne pouvons pas et nous ne devons pas continuer à dormir. Fiers ivoiriens, le pays nous appelle!»
La Présidente de Alternative citoyenne ivoirienne (ACI) a organisé une conférence de presse ce samedi 13 juillet 2019. Pulchérie Gbalet s’est exprimé sur le sit in que son mouvement compte faire ce lundi 15 juillet 2019. Ci-dessous l’intégralité de ses propos liminaires.
Nous nous réjouissons de votre présence à cette conférence de presse. Cela témoigne de l’intérêt que vous portez à notre combat.
Cette conférence de presse s’articulera autour de trois points majeurs, à savoir :
Le déficit de démocratie en Côte d’Ivoire
La réforme de la CEI
La réconciliation nationale
I Du déficit démocratique
Nous constatons avec amertume, un net recul démocratique dans notre pays. La liberté d’association, de réunion et d’expression qui fait partie des droits fondamentaux et inaliénables est fortement menacée. Pas plus tard qu’il y a deux semaines, le 29 juin dernier, nous devions présenter les résultats partiels de la pétition pour un dialogue inclusif en vue d’élections apaisées. Contre toute attente, la librairie qui devrait abriter la cérémonie nous a été interdite d’accès pour motif de trouble à l’ordre public !
Si, se réunir peut être synonyme de trouble à l’ordre public, qu’en sera-t-il d’une manifestation pacifique ? A ce sujet, un nouveau code pénal restreignant la liberté de manifester est déjà en vigueur. Cette loi N°2019-574 du 26 juin 2019 portant code pénal est entièrement anticonstitutionnelle. Ses articles 196 à 200 portent une atteinte grave à la liberté d’expression et d’opinion, et se dresse contre les articles 19 et 20 de notre constitution, la loi fondamentale.
Ces articles liberticides sont libellés comme suit :
« Article 196 : Sont punis d’emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 100.000 à 1.000.000 de francs, ceux qui, projetant une manifestation sur la voie publique, font une déclaration incomplète ou inexacte, de nature à tromper sur les conditions de cette manifestation ou qui, soit avant le dépôt de la déclaration, soit après l’interdiction, adressent par un moyen quelconque, une convocation à prendre part à ladite manifestation.
Article 197 : Sont punis de l’emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 100.000 à 1.000.000 de francs ceux qui participent à une manifestation interdite.
Article 198 : Sont punis de l’emprisonnement d’un à trois ans et d’une amende de 500.000 à 5.000.000 de francs, ceux qui ont organisé une manifestation non déclarée ou interdite.
Article 199 : Sont punis de l’emprisonnement d’un à trois ans et d’une amende de 500.000 à 5.000.000 de francs, ceux qui ont participé à l’organisation d’une manifestation non déclarée ou interdite.
Article 200 : Dans les cas prévus aux articles 197 et 198, l’interdiction de paraître en certains lieux pendant cinq ans peut être prononcée. »
Nous nous acheminons à n’en point douter vers un état policier qui ne dit pas son nom. Nous sommes dans un régime d’exception.
En ce qui concerne le Sit-in que nous avons projeté le 15 juillet prochain, nous n’avons reçu aucune réponse des autorités à notre demande d’encadrement. Voilà l’Etat dans lequel nous sommes. Jugez-en vous-même !
La Communauté internationale qui est très exigeante en matière de droits de l’homme semble devenue muette face au musèlement de l’opposition et de certains acteurs de la société civile ivoirienne.
Comme suite au mythique meeting du 06 juillet 2019 qui a sonné la naissance d’une nouvelle conscience citoyenne et qui a créé une réelle solidarité entre les ivoiriens, nous avons décidé de mutualiser nos capacités et d’harmoniser notre programme. Ainsi, ACI reporte son sit-in au 23 juillet pour s’associer à la Coalition des Indignés de Côte-d’Ivoire, pour une société civile unie et forte. Ce sit-in sera donc pour demander :
– la CNI gratuite car en même temps carte d’électeur. Les pauvres ont droit au vote ;
– La réforme de la CEI pour des élections transparentes ;
– Mais surtout un cadre d’échange inclusif qui permettra de résoudre tous les problèmes qui menacent les élections de 2020.
II De la réforme de la CEI
Saisie par l’APDH, une association de la société civile ivoirienne, la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADH) a jugé le 18 novembre 2016 que la CEI était déséquilibrée et a ordonné à la Côte d’Ivoire de la réformer. À l’occasion de sa traditionnelle adresse à la nation, à la veille des festivités commémoratives de la fête de l’indépendance, le lundi 06 août 2018, le Chef de l’État, SEM Alassane Ouattara, a annoncé une réforme de la Commission Électorale Indépendante (CEI), en vue de la préparation les prochaines élections, conformément à l’arrêt de cette cour. Ceci dans le but que « les prochaines élections soient inclusives et sans violence ».
Cette annonce a été unanimement saluée par toute la classe politique et la société civile qui, dans cette atmosphère de décrispation, avaient souhaité un report sine die des élections régionales et des municipales, afin d’obtenir une CEI véritablement consensuelle et inclusive.
Malheureusement, rien n’y fit et nous avons vu les conditions dans lesquelles les élections locales se sont passées avec des violations procédurales et des violences électorales. Le Gouvernement est allé jusqu’à nommer des Maires.
En début d’année 2019, le premier ministre a été instruit pas le Chef de l’Etat pour conduire des consultations sur la réforme de la CEI. Celui-ci avait assuré vouloir « travailler à un rapprochement des positions des uns et des autres, partis politiques et société civile ». Les différentes consultations n’étaient juste qu’un effet d’annonce. Aux dernières nouvelles, cette “réforme” a été faite d’une façon cavalière, excluant l’opposition significative, de même que les recommandations de l’opposition et de la société civile.
Abusant ainsi de nous tous en ne respectant pas le caractère inclusif des négociations et en allant contre l’arrêt, le Gouvernement a procédé à une recomposition plutôt qu’une réforme, et a imposé sa CEI qui n’est pas différente de l’actuelle si ce n’est par le nombre de membres qui est passé de 17 à 15. Même ceux qui ont participé aux négociations se plaignent. Quand le Chef de file de l’opposition désigné par le Chef de l’Etat taxe cette CEI de « parallèle et unilatérale », le GPATE affirme n’avoir validé aucun « format » de CEI.
Et pourtant le Gouvernement va soumettre sa proposition contestée par à l’Assemblée nationale le 16 juillet prochain.
Quand on connaît le rôle qu’a joué la CEI dans la douloureuse et grave crise que nous avons connue, il urge de la réformer en profondeur, car la paix et la stabilité en dépendent. Nous profitons de cette occasion pour un plaidoyer auprès des députés pour ne pas valider cette nouvelle loi sur la CEI. Nous demandons au Gouvernement d’avoir l’humilité de rouvrir les négociations et de les conduire de façon réellement inclusive au nom de la paix dans notre pays.
III De la réconciliation nationale
La Réconciliation est l’épine dorsale de la lutte que nous menons depuis 2017, quand plusieurs y étaient encore réfractaires. Ainsi, en vue d’aller à une décrispation totale du climat socio-politique, Alternative Citoyenne Ivoirienne fait depuis deux mois la promotion d’un cadre d’échange inclusif censé réunir toutes les composantes de la société ivoirienne, afin de proposer des solutions consensuelles pour des élections apaisées et une paix durable dans notre pays. Nous sommes à 14 mois et quelques jours d’octobre 2020 et les signaux n’augurent pas d’un lendemain meilleur.
Nous sommes à 14 mois et quelques jours d’octobre 2020 et nous avons encore des prisonniers politiques.
Nous sommes à 14 mois et quelques jours d’octobre 2020 et le Président Laurent Gbagbo, acteur indispensable pour la réconciliation est encore privé de liberté, bien qu’étant acquitté.
Nous sommes à 14 mois et quelques jours d’octobre 2020 et la CEI peine à être réformée. Nous sommes à 14 mois et quelques jours d’octobre 2020 et rien ne va dans tous les secteurs d’activité. Nous sommes à 14 mois et quelques jours d’octobre 2020 et les libertés continuent d’être violées de même que la constitution.
Citoyens, Citoyennes,
La Côte d’Ivoire sera demain ce que nous voudrons qu’elle soit. C’est ensemble que nous pouvons réussir ce pari. Car ce n’est pas seulement entre les leaders que les relations sont brouillées. Il y a aussi brouille entre les Ivoiriens et les valeurs qui leur ont été inculquées par la famille, l’école et la religion. Depuis 2011, en effet, chacun (e) de nous fait ce qu’il veut dans ce pays. Combien d’entre nous respectent-ils vraiment notre devise commune « union, discipline, travail » ? Voler, mentir, tuer, détourner les deniers publics, ne pas respecter la parole donnée, ne rendre service qu’aux gens de son ethnie, religion ou parti politique, exproprier, payer des salaires injustes à ses employés et servantes, etc., ne sont-ils pas dans nos habitudes ?
Dans cette optique, la réconciliation peut se concevoir aussi comme une transformation personnelle et collective. C’est toute la Côte d’Ivoire et pas uniquement les politiciens qui est appelée à se transformer, c’est-à-dire à devenir autre, à changer de mentalité et de conduite, à se convertir aux vraies valeurs. À ce sujet nous saluons les efforts des uns et des autres. Une note spéciale va à l’endroit de L’honorable Yasmina Ouégnin, Femme, belle, intelligente, humble et courageuse, pour avoir pris sur elle l’initiative de protester contre les décisions impopulaires et les dérives autocratiques du pouvoir, à l’occasion du meeting du 6 juillet, lequel meeting a réveillé la fibre patriotique de chaque ivoirien et ivoirienne, désireux d’un changement harmonieux.
Sois saluée chère sœur. Que le Seigneur te fortifie davantage et te donne le courage de Jeanne d’arc et la vision de Béatrice du Congo ! Notre travail de Réconciliation doit donc consister à détourner les personnes de leurs positions idéologiques tranchées et à attirer leur attention sur ce qui est de l’intérêt commun : la paix et un minimum de démocratie, préalables à tout développement. Ainsi, dans une solidarité agissante, ACI demande à tous ses membres et à la population ivoirienne de se joindre au sit-in organisé par la Coalition des Indignés de Côte d’Ivoire (CICI) dirigée par Samba David, ici présent, le samedi 23 juillet 2019 devant la CEI pour demander sa réforme.
Citoyens, citoyennes,
Nous ne pouvons pas et nous ne devons pas continuer à dormir. Fiers ivoiriens, le pays nous appelle ! Si tu as peur, alors tais-toi à jamais et subis la dictature grandissante. Si tu veux la paix et la démocratie, bats-toi pour elles et contribue à leur restauration. Fiers ivoiriens, le pays nous appelle !
Notre devoir sera d’être un modèle de l’espérance promise à l’humanité.
Que Dieu bénisse la Côte d’Ivoire et RDV le 23 juillet.
Je vous remercie.
Pour ACI,
La Présidente
Pulchérie Gbalet