Yopougon (Abidjan)-Assainissement, déguerpissement et destruction des petits commerces-De Anne Ouloto à Kafana Koné: Voici pourquoi le ‘’mythe de Sisyphe’’ persiste inutilement
Il ne fait pas bon d’être commerçant aux abords des voies de Yopougon en ce moment. La mairie sous l’égide du maire Kafana a entrepris de détruire toutes les installations à usage de commerce bordant les grandes voies de la commune. Ainsi sous les vrombissements des bulldozers loués à cet effet, une éponge a été passée le long du boulevard principal 2, allant du premier pont (première entrée dans la commune en provenance d’Adjamé) au carrefour sapeurs-pompiers dans le quartier Toit-Rouge. Ici rien n’a été épargné, tout a été écrasé un matin comme si les promoteurs avaient été pris de cours. Nous apprendrons d’un commerçant que des mises en demeure furent distribuées quelques jours auparavant. Ce lundi-là, la désolation se lisait sur les visages de ceux qui voulaient sans doute voir avant de croire. Ils en auront eu pour leur compte au milieu des détritus. Le célèbre restaurant OBV en face du complexe sportif Jesse Jackson est tombé, à l’exception des stations de carburant. Une fausse propagande faisait valoir que le nettoyage sur cette artère était la première phase d’un projet d’agrandissement du boulevard. Thèse vite balayée par une communication de la ‘’Mairie de Yopougon’’ sur sa page Facebook.
« Après la longue sensibilisation sur ce fléau longtemps installé autour de nos établissements scolaires, les machines de la mairie ont débuté la destruction des magasins et commerces installés autour des écoles. Ces installations bien souvent anarchiques faisaient des écoles des ghettos, des lieux d’insécurité, des commerces douteux où sont menées toutes sortes d’activités, parfois jusqu’à l’installation de fumoirs et autres commerces répréhensibles. Au-delà des écoles, les déguerpissements sur les espaces publics et les abords de grandes artères de la commune ont également été engagés par le conseil municipal », indique le texte publié.
Il s’agissait donc au départ, d’assainir l’environnement immédiat des établissements scolaires. Ce qui n’était pas une mauvaise chose en soi même si on peut relever la complicité de tout le monde y compris de la mairie dans la colonisation des espaces autour des écoles.
De l’assainissement des alentours des écoles, l’opération s’avère aujourd’hui cauchemardesque pour de nombreux commerçants qui perdent au jour le jour leur investissement sans contrepartie, sans compassion d’un état qui a pourtant décrété 2019, année du social. Comment y croire dans cet océan de misère qui s’installe chaque jour chez les économiquement faibles et autres vulnérables ?
A Niangon, au quartier Ananeraie, au Maroc, les casses se multiplient, les usagers et propriétaires impuissants. A quoi obéissent ces destructions de masse ? Un simple besoin d’assainissement, dit-on. On pourrait à la lumière des déguerpissements commencés en 2011, dès la prise du pouvoir par Ouattara et poursuivis en 2015 dresser un petit bilan de la guerre contre les petits commerçants. On a cassé, on a laissé les décombres à la charge des déguerpis. Aucune compensation faite, Aucun espace aménagé, aucune fleur, ni arbre plantés. Au plan économique, le chômage est monté en puissance, la petite monnaie se fait davantage rare car elle circulait dans le secteur informel qu’on a ainsi mis à mort. Au plan environnemental, le paysage offert est plutôt celui d’une hécatombe, l’image d’une ville qui a subi une guerre ravageuse avec des toits en lambeaux, des murs dégarnis, des rues encombrées d’ordures de toute sorte. A Yopougon le seul investissement visible en matière d’aménagement de rue, se trouve au niveau de la rue des princes, à la Selmer. Après une opération de démolition des maquis qui bordaient cette voie en 2016, la mairie a jugé bon d’y aménager un couloir en pavés. Un travail mal fait et inachevé qui rend compte de la légèreté avec laquelle on traite les affaires d’aménagement des espaces dans la plus grande commune de Côte d’Ivoire où le maire Kafana plastronne sur un budget de 7 milliards de nos francs.
Est-ce cela l’assainissement programmé ? Si oui, alors bienvenu dans le mythe de Sisyphe, avec le perpétuel recommencement.
Avec SD, à Abidjan, connectionivoirienne.net