LETTRE OUVERTE AU PRESIDENT BEDIE: «N’hésitez plus, soyez l’homme de la situation en 2020…»
Monsieur le Président,
Je me permets de vous adresser publiquement ce message que vous aurait, tout aussi, écrit, avec la même teneur, n’importe lequel de vos concitoyens appréciant, aujourd’hui, écailles tombées des yeux, la réalité politique du pays, ainsi que l’a enseigné le Président Félix Houphouët-Boigny dans sa définition connue de la politique, qui est, selon lui, la « saine appréciation de la réalité du moment ».
Je vous écris, donc, pour parler, à haute et intelligible voix, de la vie et de l’avenir de notre pays, la Côte d’Ivoire.
Ce n’est plus un secret pour personne, la vie du pays est dure, celle des Ivoiriens, aussi. La réalité est celle-là, que vit chacun dans son cœur et chez lui, qu’on ait été « grand type » ou qu’on soit citoyen lambda. Il n’y a pas, aujourd’hui, une conversation de salon qui se fait ou une discussion que l’on écoute dehors et partout ailleurs, dans les maquis, les bars et bistrots, dans les cafés et autres espaces récréatifs ouverts dans tous les quartiers, qui ne reconnaisse pas cette réalité existentielle.
Les gens parlent, en parlent et se parlent, tous désenchantés, les uns que les autres, issus de tous les bords politiques, parce que le coût de la vie, qui n’a pas de couleurs politiques, devient insupportable face aux charges sociales fixes, aux factures de consommation galopantes (salaires insuffisants pour les salariés, revenus financiers saisonniers pour le gros du lot des citoyens lancés dans la débrouillardise des activités libérales et informelles, déshumanisation pure et simple pour le reste des Ivoiriens vivant au seuil de la pauvreté, surfactures de consommation d’eau et d’électricité, frais scolaires à double-vitesse car l’école ivoirienne est devenue un vivier de business, panier de la ménagère troué ou remplacé par un sachet, popotes amaigries, prix montant des denrées alimentaires sur les marchés, etc.)
En reprenant les paroles d’une chanson-phare de l’artiste-chanteur Tiken Jah de Fakoly, que vous avez certainement entendues, Monsieur le Président, il nous est donné d’affirmer, en accord avec bon nombre de nos compatriotes désillusionnés, que « le pays va mal » et va même « de mal en mal ».
Oui, les Ivoiriens dépités par un contexte national fait de craintes, de peurs et, surtout, de l’écrasement croissant du coût de la vie, alors même que les revenus financiers tarissent et se raréfient, ces Ivoiriens-là, ne cachent plus leur dépression morale, car ils ont beaucoup plus mal à la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui.
Monsieur le Président,
On nous maquille, pourtant, les choses et tant d’autres encore, par un certain talent de prestidigitation politique dont les effets les plus mis en évidence donnent le tournis, à force d’être répétitifs : chiffres et courbes de croissance en hausse spectrale, taux et indicateurs de progrès mirobolants, etc.
Pendant que tout se rouille dans l’appareil de production et que la vermoulure fragilise tout le système de vie du pays, on s’évertue à n’appliquer que du vernis et du laque à la surface des choses pour ne présenter aux yeux du monde qu’un pays cosmétique, qui pourri cependant inexorablement de l’intérieur.
Mais il faut se réveiller des promesses incantatoires qui ont endormi, plus qu’elles n’ont résolu, les souffrances sociales dont les plaies sont réapparues, plus vives que jamais, pour saigner aux yeux de tous. C’est la vie quotidienne de ces millions Ivoiriens prostrés dans un exil intérieur et livrés à eux-mêmes, comme à l’abandon, qu’il s’agit vraiment de soulager, le moment venu.
Or ce moment-là arrive à grands pas, Monsieur le Président, et il a besoin d’un homme d’Etat capable de l’empoigner pour le transformer en une ère de soulagement moral des existences en souffrance sociale.
Quel est cet homme d’Etat providentiel que ce temps de libération envoie aux Ivoiriens ?
A la vérité, on ne peut plus, de la main, cacher le soleil obscurci par les nuages du mauvais temps des crises politiques du pays, et qui se lève pour briller, imparable, et sécher les larmes des Ivoiriens. Ils ont besoin, eux, d’être enfin éclairés dans l’obscurité où ils marchent sans savoir où ils vont ; oui, ils ont besoin d’un guide éclairé et expérimenté pour les conduire hors des sentiers battus qui ne les a pas menés au bonheur auquel ils aspiraient.
Monsieur le Président,
C’est l’historien Burkinabè, Joseph Ki-Zerbo, qui a dit que « le tigre ne proclame pas sa tigritude », mais les Ivoiriens attendent que l’homme d’Etat providentiel dont ils espèrent l’avènement à la tête du pays, ne soit pas un tigre en papier, mais l’homme de la situation, c’est-à-dire un véritable homme d’alternance, battant le record des ralliements tout azimuts.
Qui d’autre, que vous, Monsieur le Président, pourrait se reconnaître, en Côte d’Ivoire, dans ce portrait d’homme de la situation ? Qui d’autre, que vous, homme de grande stature de leader politique national, pourrait, aujourd’hui, se voir dans cette posture idéale d’être le tout prochain Président de la République ivoirienne ?
Le temps de tourner la page des incertitudes est enfin arrivé, monsieur le Président. N’hésitez pas, n’hésites plus, soyez l’homme de la situation en 2020. Annoncez, avec l’audace qu’on vous connaît, votre candidature pour la prochaine présidentielle, car vous serez massivement soutenu par les fiers Ivoiriens chantez dans les paroles de l’Abidjanaise, l’Hymne national de notre pays, non seulement pour réparer une injustice politique pendante, celle de 1999, mais aussi pour réhabiliter l’Histoire houphouétiste du pays.
Sachez, Monsieur le Président, que vous représentez, aujourd’hui, la figure politique que les Ivoiriens préfèrent revoir à la place où vous étiez avant l’interruption brusque et anti-démocratique, en décembre 1999, de votre mandat présidentiel dont le projet-phare était pourtant les « 12 Travaux de l’Eléphant d’Afrique », un Projet de société de renaissance.
Sachez aussi que la recomposition politique qui s’opère, en ce moment même, en Côte d’Ivoire, rappelle celle qui s’était aussi opérée, à partir de 1989-1990, en Occident, avec l’écroulement du Mur de Berlin, l’effritement du bloc soviétique et la montée, surtout, des aspirations démocratiques en Afrique, montée qui traduisait la soif des libertés et le refus de l’autocratie. Nul ni rien ne pourraient maintenant arrêter ou inverser cette recomposition politique qui s’impose, de façon naturelle, à notre pays.
Ainsi, soyez-en rassuré, Monsieur le Président, que vous naviguez à la tête du meilleur courant politique ivoirien qui traduit par sa montée, à la fois l’émanation, l’expression des Ivoiriens d’en bas, qui aspirent aux libertés réelles, et qui se relèvent des temps de terreur pour se mettre debout et vaincre courageusement les angoisses qui furent les leur.
Ce que l’on espère de vous, espérance surgissant du fin fond du peuple de Côte d’Ivoire, est de vous voir boucler la boucle, avec le quinquennat présidentiel qu’il vous restait à faire, et que vous devez maintenant exercer en 2020, sans écouter les vains chants de cygnes qui se font à ce sujet, en attendant que la génération studieuse de la renaissance politique du pays, qui s’apprête depuis dans le starting-block où elle fait ses classes, prenne le relais, pour demain, pour l’après-Bédié.
Monsieur le Président,
Vous représentez politiquement, désormais, au regard de la situation intérieure du pays, la « dernière chance » qu’un peuple, qui en a marre, se fixe pour se donner, au fond de lui-même, le sentiment de reprendre en mains le pouvoir de la démocratie telle que définie à l’universel, en tant que « gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple ».
Toute modestie mise à part, vous êtes actuellement, Monsieur le Président, la meilleure carte du jeu de la présidentielle de 2020 qui se joue en ce moment, la seule carte qui vaille et qui est déjà portée par la masse populaire silencieuse du pays, formée par tous ces millions d’Ivoiriens d’en bas, d’en haut, de droite, de gauche, du centre, de toutes les couches sociales, de toutes les régions, de toutes les tendances et sensibilités, qui voudraient enfin hurler, en 2020, l’hosanna, de vous avoir élu nouveau Président de la République et d’en avoir ainsi fini avec une époque souffre-douleur.
Ce sont ces Ivoiriens-là, qui veulent revenir, comme on le dit trivialement, à « la Côte d’Ivoire d’avant-avant », à cette Côte d’Ivoire d’Houphouët-Boigny, du vrai Houphouët-Boigny, l’homme de paix, à cette Côte d’Ivoire non spectrale, où il y avait le « miracle ivoirien » qui a fait la fierté du pays, où il faisant bon vivre, où on ne faisait pas palabre jusqu’à prendre les armes contre ses frères, où on ne se regardait pas en chiens de faïence, où on ne se méfiait pas du voisin comme de la moindre ombre d’ennemi, où le délit de faciès n’était pas de mise, où la politique, saine compétition ou émulation des idées, des projets et des stratégies intelligentes, se faisait sans qu’un seul fusil ne crépite d’aucun camp pour terroriser et martyriser les adversaires, à l’exception de quelques erreurs naturelles qui sont, d’ailleurs, le lot de toute lutte politique, car vouloir le pouvoir d’Etat déjà détenu implique des épreuves de parcours, telles que l’intimidation, la répression, l’emprisonnement, l’exil.
Légions sont les Ivoiriens, Monsieur le Président, qui se reconnaissent maintenant en vous pour votre courageux « Non » à l’endoctrinement et à l’uniformisation de la pensée politique qui semblerait faire son retour au galop, refus exprimé comme celui de Sékou Touré pour sa Guinée Conakry en 1958, puisque le vôtre, rencontrant le sentiment profond de ces Ivoiriens silencieux et stupéfaits dans leur écrasante majorité, vous vaudra de gagner, sans rétention ni restriction, leurs suffrages en 2020, si vous êtes candidat, si vous êtes ce candidat-là de l’alternance attendue.
Oui, Monsieur le Président, vous avez eu le courage de reprendre en main un destin politique national qui avait comme glissé entre les doigts, qui n’est pas seulement celui du PDCI-RDA et de ses partisans, mais plus largement encore, celui d’un peuple qui n’attend que vous lui disiez un seul mot, concernant votre positionnement présidentiel en 2020, pour qu’il vous réponde, tout de suite, sans ambages : Rassemblons-nous vite, fiers Ivoiriens, et travaillons-y ensemble !
C’est pourquoi, votre appel à la formation d’une plate-forme nationale de sursaut démocratique est le bienvenu, puisqu’il tardait aux Ivoiriens de l’entendre, cet appel-ci, plus qu’un autre, ne venant pas seulement de vous en personne, mais surgissant comme des tréfonds d’un peuple demandant que sa volonté souveraine soit réhabilitée. C’est un appel pressant, le vrai, adressé à ceux qui ont des oreilles pour entendre et des yeux pour voir.
Monsieur le Président, si donc vous avez eu ce courage de dire qu’il est temps de faire barrage à l’excès et aux dérives autoritaires en Côte d’Ivoire, ce n’est pas pour rester en si bon chemin et noyer complètement les espoirs que votre prise de position politique a maintenant soulevés dans les cœurs qui veulent être soulagés des angoisses qu’ils vivent, depuis.
Non, c’est pour aller, comme l’a dit l’autre, jusqu’au bout, oui, jusqu’au bout de cette conviction nationale dont le prix à payer sera de vous déclarer officiellement candidat au poste de Président de la République et vous y faire porter, dans les urnes, par les vagues déferlantes de tous les Ivoiriens qui sont d’accord avec cet avènement légitime.
Entendez-le comme un écho du peuple : n’hésitez pas, Monsieur le Président, soyez l’homme de la situation en 2020. Comme vous le dites, vous-même, à bon entendeur, salut !
Sylvain TAKOUE,
Président du Rassemblement des Fiers Ivoiriens (R.F.I.)