Côte d’Ivoire: D’un coût global de 35 milliards de FCFA, 11 mois après, le nouveau CHU d’Angré n’est toujours pas en activité

Côte d’Ivoire: D’un coût global de 35 milliards de FCFA, 11 mois après, le nouveau CHU d’Angré n’est toujours pas en activité

Inauguré en grande pompe le 15 Décembre 2017, le nouveau CHU d’Angré n’est toujours pas en activité en cette fin d’année 2018.

D’un coût global de 35 milliards de FCFA, dont 24 pour la finition des bâtiments et 11 pour son équipement, le CHU d’Angré est une structure pavillonnaire de 19 bâtiments (R+1), de 250 lits, bâti sur une superficie de 4,5 hectares. Ce nouveau CHU est une construction de belle facture.

La direction a été nommée suite à des appels à candidature, et confirmée en Conseil des Ministres. Le personnel (426 agents) a signé des contrats de performance. Des partenariats avec des entreprises privées permettent au CHU de faire face à certains aspects de son exploitation. Dans son allocution lors de la cérémonie d’inauguration, la Ministre de la santé avait annoncé que le CHU est prêt à accueillir ses premiers malades. Ainsi a-t-on vu le Chef de l’Etat se faire expliquer le fonctionnement du matériel de certains services, et saluer au passage le personnel. Tout paraissait bel et bien en place. Alors pourquoi n’est-il pas ouvert onze mois après ?
Situé aux confins du quartier d’Angré, dans une zone excentrée, reculée, et peu habitée, le nouveau CHU n’est pas véritablement connu de la population. Beaucoup ignorent qu’il n’est pas encore ouvert aux malades. C’est ce qui explique l’absence de polémique à ce jour. Car le débat aurait déjà enflé si l’hôpital se situait un peu plus en ville, et la pression de l’opinion aurait contraint les autorités à sortir de leur silence pour s’expliquer. Le nouveau ministre de la santé a fait le tour des CHU d’Abidjan, y compris celui d’Angré, et s’est déclaré « satisfait ».

Le nouveau CHU d’Angré n’a pas encore d’équipements !

Selon les explications avancées de façon officieuse , il semblerait que les équipements acquis ne soient pas « adaptés » aux besoins de cet hôpital. Mais en fait, quand on recoupe les informations, une seule explication s’impose : le CHU n’a jamais reçu le moindre équipement. Certes on a vu des équipements dans les services visités par le Chef de l’État lors de l’inauguration. Il s’agissait très probablement d’équipements qui avaient été mis là pour les besoins de la cérémonie.
Ce stratagème était très utilisé des fondateurs des grandes écoles d’informatique dans les années 90 et 2000. Lorsque la visite du Ministre de tutelle ou d’un officiel était programmée, des ordinateurs étaient trouvés d’urgence pour équiper les salles de classe. Au lendemain de la visite, celles-ci redevenaient vides. On peut comprendre ces chefs d’établissements, les ordinateurs étant hors de prix à cette époque. Pour le nouveau CHU c’est totalement différent. 11 milliards Fcfa ont été décaissés pour son équipement.
L’hôpital va certainement ouvrir ses portes de façon progressive. Il ne va pas indéfiniment rester fermé. Ce qui signifie que de nouveaux moyens devront être décaissés pour l’équiper. Ce surcoût ne sera pas officiellement publié, car cela reviendrait à reconnaître que les 11 milliards Fcfa préalablement décaissés n’ont pas été employés à équiper cet hôpital. C’est tout simplement effrayant !

Une affaire de paternité au contour flou

Le Président Houphouët disait « la victoire a plusieurs pères, tandis que la défaite est toujours orpheline ».

Une vive polémique reste associée au CHU d’Angré. Des voix soutiennent que l’infrastructure est bel et bien une réalisation de l’ancien régime, les autorités actuelles n’ayant assuré que sa « finition ». Totalement inexact ! Répondent ces dernières, qui assurent que le chantier était abandonné depuis 2010, et qu’il a fallu « tout reprendre à zéro ».

Lancé le 01 Août 2009, la construction de l’hôpital d’Angré devait coûter environ 15 milliards de Fcfa. Le financement provenait des 100 milliards reçus par l’Etat ivoirien, dans le cadre du règlement à l’amiable, conclu avec l’entreprise qui avait déversé les déchets toxiques à Abidjan en 2006. Alors que les bâtiments étaient sortis de terre, le chantier est arrêté en 2010 (affaire Probo koala, NDLR). Après la crise, les nouvelles autorités reconfigurent le projet et décident d’en faire un CHU. Coût des travaux : 35 milliards injectés entre 2012 et 2017.
On peut remarquer que les 35 milliards injectés, résultent d’un effort consenti par les autorités actuelles sur le budget de l’Etat. En effet il a fallu inscrire les coûts du CHU dans le budget, et procéder aux arbitrages nécessaires dans le décaissement des ressources. C’est important de le noter.

Les autorités en place à l’époque par contre ont bénéficié d’une « manne inespérée » on peut le dire. Ce n’était pas de l’argent prévu. Les 100 milliards perçus n’avaient pas été mobilisés dans le cadre du financement du Budget de l’Etat. C’étaient des ressources «spontanées, hors budget, imprévues » sur lesquelles une somme a été prélevée pour la construction d’un hôpital. Peut-on parler à ce moment d’un effort consenti ?
Ainsi sur le plan purement comptable, et à bien des égards, le gros de l’effort financier a été porté par l’actuelle administration. Celle-ci a véritablement porté la construction de ce CHU à bout de bras. Le Chu d’Angré aurait pu connaître le sort de l’hôpital du plateau, mais nos autorités ont décidé de le finir et de le livrer.
Pour terminer sur le débat, posons-nous cette dernière question : si ce chantier n’avait pas débuté, aurait-on eu un CHU aujourd’hui à cet emplacement ? Ainsi donc en dernière analyse, nous devons ce bel édifice à tous ceux qui se sont succédés, depuis la pose de la première pierre, jusqu’ à la « dernière couche de peinture ». Ce CHU est l’œuvre de tous. Vivement donc la « deuxième et dernière » inauguration.

Douglas Mountain, afrikipresse.fr

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