Côte d’Ivoire-Cacao : Des fonds de stabilisation et des questions… où sont passés les prélèvements?
Abidjan est appelé à plus de clarté dans l’utilisation de ces « réserves » devant pallier les fluctuations des cours mondiaux de cacao.
Les fonds de stabilisation des filières café-cacao domiciliés dans les banques commerciales de la place abidjanaise sont à l’étiage.
Et les autorités ivoiriennes ont décidé de communiquer a minima sur ces questions sensibles malgré les demandes d’éclaircissement répétées de la Banque mondiale.
Prélèvements. Ces fonds, utilisés pour soutenir les exportateurs lors de fluctuations trop marquées des cours mondiaux du cacao, sont constitués à partir d’un prélèvement sur le prix du kilogramme de fèves payé aux deux millions de cacaoculteurs ivoiriens. Trois personnalités sont habilitées à gérer ces comptes : les ministres Adama Koné (économie et finances) et Mamadou Sangafowa Coulibaly (agriculture) ainsi que Lambert Kouassi Konan, le président du Conseil café-cacao (CCC), la structure publique chargée de gérer ces deux filières, par ailleurs proche d’Alassane Ouattara.
Depuis l’instauration d’une nouvelle réforme du secteur en 2012, les prélèvements ont atteint 326 milliards F CFA (496 millions €). Durant les campagnes 2014-2015 et 2015-2016, plus de 306 milliards F CFA (466 millions €) ont été « prélevés » par l’Etat, comme le note un récent audit de la filière par le cabinet KPMG, sans que l’on sache réellement à quoi cette opération a servi. Comme souligné par La Lettre du Continent, le passage concernant ce prélèvement a été expurgé de la version finale de l’audit mise en ligne sur le site du CCC ( LC n°785).
Endettement. Au titre de la campagne 2016-2017, le CCC a décaissé 197 milliards F CFA (300 millions €). 61 milliards F CFA ont servi à soutenir le prix au producteur. En revanche, l’utilisation du reliquat de 136 milliards F CFA reste inexpliquée. Alors qu’ils ont régulièrement demandé une remontée d’informations sur la gestion des fonds de stabilisation, les administrateurs du CCC représentant le secteur privé ont été éjectés de leur fauteuil, le 26 septembre, dans le cadre d’une réforme. Ont notamment été visés Mariame Françoise Bédié, la directrice du Groupement professionnel des exportateurs de café et de cacao de Côte d’Ivoire (Gepex) et épouse de Jean-Luc Bédié, l’un des fils d’Henri Konan Bédié (« HKB »). Guy Koizan, qui préside l’Association professionnelle des banques et établissements financiers de Côte d’Ivoire (APBEF-CI) et frère cadet d’Henriette Koizan Bédié, la femme de l’ex-président ivoirien actuellement en pleine crise avec le régime d’Alassane Ouattara, a également été remercié.
La Lettre du Continent 786 du mercredi 17 octobre 2018