Bien que Laurent Gbagbo, fondateur du Front populaire ivoirien (FPI) soit entré en grandes pompes en Côte d’Ivoire, après un procès de huit ans à la CPI, et que ses partisans le voient prendre les rênes de l’historique parti d’opposition, Pascal Affi Nguessan continue de tenir à son statut de président du FPI officiel. Et il compte le défendre, même si l’adversaire s’appelle Laurent Gbagbo.
Désormais, le « Lion du Moronou », même s’il n’entend pas attaquer en premier les Gbagbo ou rien (GOR) qui lui contestent la présidence du parti à la rose, compte apporter une réponse à chaque attaque en provenance de ceux qui sont désormais ses ex-camarades. C’est bien ce qu’il a été donné de voir lorsqu’Assoa Adou, secrétaire général du FPI pro-Gbagbo, à l’occasion de la visite que l’ex-pensionnaire de la prison de la CPI rendait à Konan Bédié, le weekend dernier à Daoukro, a parlé de « président » Gbagbo.
Comme le fauve auquel on l’assimile métaphoriquement sur l’échiquier politique ivoirien, Affi, via un communiqué signé de son secrétaire général et porte-parole du FPI Issiaka Sangaré, s’est farouchement opposé au fait qu’on ait désigné Laurent Gbagbo par l’appellation « président du FPI ».
« Cependant, dans ce même communiqué, Monsieur Assoa Adou juge utile de présenter le Président Laurent Gbagbo comme étant le Président du Front Populaire Ivoirien, alors qu’il est de notoriété et consacré par la loi, que le Président du FPI n’est nul autre que le Président Pascal Affi N’Guessan », dénonce le communiqué.
Un crime de lèse-majesté qu’Affi que l’administration ivoirienne considère comme le président du FPI ne pouvait laisser passer. Mais en réalité, un si minime incident ne pouvait pas mettre le président du conseil général du Moronou dans cet état. Il y a des raisons profondes à cette posture d’Affi.
Gros risques
Plusieurs observateurs avertis de la scène politique ivoirienne estiment que la position de l’ex-chef du gouvernement prend sa source dans le peu d’égard accordé à sa personne par Laurent Gbagbo qui est en Côte d’Ivoire depuis le 17 juin dernier. En effet, Affi Nguessan a toujours fait savoir qu’il laisserait le siège naturellement à son « patron », en contrepartie d’un poste de haute responsabilité dans le parti. Or visiblement, depuis son retour, rien dans le comportement de Laurent Gbagbo ne va dans le sens que souhaite Affi.
Du coup, le président du FPI officiel a décidé qu’il ne laisserait personne y compris son mentor Laurent Gbagbo, marcher sur ses plaques bandes. Mieux, le député réélu aux dernières législatives veut s’imposer comme un acteur majeur de la scène politique ivoirienne qui a aussi son mot à dire dans le processus de réconciliation nationale en Côte d’Ivoire.
Mais Affi a conscience que se braquer contre Laurent Gbagbo comporte de gros risques politiques. « S’il veut vraiment aller au combat, qu’il ménage sa monture car les GOR, revigorés par le retour de leur idole, ne manqueront pas de lui mener la vie dure », relève un membre du mouvement EDS, proche de l’ex-chef d’Etat.
De plus, il n’est pas évident que le parti au pouvoir veuille le soutenir, même en sous mains, contre un Laurent Gbagbo qui a le vent en poupe depuis son retour de Bruxelles. « Ce n’est pas la même configuration que lorsque Laurent Gbagbo était encore hors du pays. Si Affi compte sur le soutien du régime pour entrer en guerre contre Gbagbo, ce n’est si sûr », prévient un cadre du RHDP qui a requis l’anonymat.
Serge YAVO