Le Journaliste André Silver Konan très en colère contre le régime d’Alassane Ouattara : «Pourquoi faites-vous ça à votre peuple ? Pourquoi êtes-vous si méchants avec ces masses laborieuses?»
Pourquoi nos dirigeants sont si méchants ? Je commence ce texte par une boutade révoltée. Je vais maintenant expliquer pourquoi. L’opération d’enrôlement pour les CNI a été lancée hier. Une bonne chose, quoique pour un pouvoir qui prétend avoir mené la lutte pour que des Ivoiriens aient une carte d’identité, c’est un échec cuisant que d’avoir été incapable de produire des CNI pour ses concitoyens durant deux mandats. Bref. Mon intervention est axée sur l’échec prématuré de cette opération d’enrôlement. Un échec bien programmé. Par méchanceté et manque de respect pour les masses laborieuses. Méchanceté pourquoi ? Parce qu’aucun dirigeant ne se réveillera à 2h du matin, pour aller faire la queue dans un rang. Eux, se sont faits déjà enrôlés par de belles hôtesses ou iront se faire enrôler accompagnés de garde du corps méprisants.
Parlons maintenant du manque de respect. En Terminale (sous Henri Konan Bédié), c’est dans un commissariat que j’ai établi ma carte d’identité. Il n’y avait pas de rang. En 2009 (sous Laurent Gbagbo), c’est dans une école que j’ai établi ma carte d’identité. Il y avait déjà un peu de monde. Notons qu’en 2009, 11 000 centres d’enrôlement ont été ouverts et au bout de quelques semaines, 6 000 Ivoiriens environ, ont pu avoir leur sésame. Au passage, j’ai toujours dit qu’il fallait éviter de politiser l’obtention de la CNI. C’est un document administratif normal et c’est dommage qu’on ne songe à les produire en masse, seulement que quand il y a des élections importantes.
Revenons au sujet. Savez-vous combien de centres d’enrôlement il y a cette année, sous Alassane Ouattara ? 118. Vous avez bien lu. Seulement 118 pour 11 millions d’Ivoiriens à enrôler. En Côte d’Ivoire, on a 201 communes et 509 sous-préfectures. C’est dire que nos dirigeants se foutent royalement que les Ivoiriens habitants dans certaines communes et sous-préfectures disposent d’une carte d’identité ou non. Pourtant, les habitants de ces communes et sous-préfectures méprisées auront les milles problèmes, s’ils n’ont pas une CNI à jour, dans quelques mois.
Faisons un calcul simple. L’Ivoirien de la sous-préfecture de Bengassou devra donc payer son transport, celui de sa femme et de ses enfants, pour aller faire le rang à Bocanda, y passer des jours (vu qu’il trouvera déjà un long rang) avant de se faire enrôler. Pourquoi vous infligez ça à votre peuple ? Pourquoi vous êtes si méchants ?
Faisons un autre calcul simple. A Yopougon il y a un seul centre d’enrôlement. Le seul centre dispose de trois machines. Yopougon, c’est plus d’un million d’habitants. Et comme tout le monde peut être enrôlé, y compris les enfants de 5 ans, ce sont au moins 500 000 Ivoiriens qui doivent se faire enrôler. Si une seule personne enrôle un pétitionnaire en minutes, cela fait 6 personnes en une heure et 48 en une journée de travail de 8 heures, sans pause. Il faudrait alors 3472 jours à cet enrôleur, pour identifier le tiers des habitants de Yopougon, éligibles à la CNI. Soit près de dix ans, sans compter les jours de repos, de maladie et de congé. Je répète : pourquoi êtes-vous si méchants ? Auriez-vous accepté cela quand vous étiez à l’opposition ? Personne ne vous a imposés une rébellion, mais regardez ce que vous êtes en train d’imposer aux Ivoiriens, pour une simple carte d’identité. Il aurait donc fallu que même pour la production d’une CNI, il y ait encore recul ? Dirigeants du RHDP, pourquoi faites-vous ça à votre peuple ? Pourquoi êtes-vous si méchants avec ces masses laborieuses ? On vous a fait quoi ?
André Silver Konan
Journaliste, Ecrivain