SODEFOR-Le DG Mamadou Sangaré, sur la sellette…Une langue déliée au ministère s’est confiée à «L’Eléphant»
Les dieux de la forêt ivoirienne sont-ils en train de lâcher Mamadou Sangaré, le dégé de la Société de développement des forêts (Sodefor), récemment promu au grade de colonel-major des Eaux et Forêts ? Nul ne le sait pour l’instant. Mais ses agissements aux antipodes de la bonne gouvernance ont poussé le ministre Alain-Richard Donwahi à lui retirer certaines de ses prérogatives.
Mamadou Sangaré rattrapé par sa gestion ?
« Les produits d’exploitation de 6,4 Mds FCFA en 2014 (y compris les subventions d’exploitation) ne permettent pas à la SODEFOR de couvrir les charges de 8,6 Mds FCFA. Il en ressort un excédent brut d’exploitation négatif de 2,2 Mds FCFA. A cette situation déficitaire, s’ajoute une dette sociale et fiscale importante et des créances clients représentant plus de 2 fois le chiffre d’affaires de l’entreprise. La très forte volatilité des ressources forestières et foncières ces 3 dernières années, rend difficile l’établissement d’un budget pluriannuel fiable. En outre, un écart de près de 7.5% du CA est à noter entre les données transmises par les différents services. Un business plan conforme aux modalités de gestion actuelles et qui propose de reconduire les conventions échues et de diminuer les charges de personnel avec un plan de départs pour 10% des effectifs totaux, ne permet pas d’atteindre l’équilibre financier d’ici 2020. La contribution de l’Etat serait de 3 Mds FCFA par an pour assurer une continuité de service », c’est le constat alarmant qui ressort du rapport final intitulé «Audit stratégique de la SODEFOR » réalisé par un cabinet d’audit de la place en 2015. En clair, la société d’Etat, en charge de la protection du patrimoine forestier, est financièrement mal en point. En dépit de la situation financière critique de l’entreprise publique dépeinte par le cabinet, Mamadou Sangaré est resté toujours égal à lui-même dans la gestion de ladite société. Sa gestion, selon les informations parvenues aux grandes oreilles de « L’Eléphant », est caractérisée par une opacité totale. Pire, selon les mêmes informations, le directeur général de la société d’Etat s’est toujours montré réfractaire au contrôle de sa gestion par les membres du conseil d’administration de la Sodefor. « Quand on lui demande des documents justificatifs, il refuse chaque fois de les fournir. Et jusqu’à présent, il ne communique aucun document de sa gestion au conseil d’administration. Tout est caché. Quelque chose que tu es censé contrôler, tu ne peux pas le faire. Le conseil d’administration est dans son rôle. La Sodefor est financièrement mal en point », confie un agent de l’entreprise publique, sous le sceau d’un prudent anonymat. Avant d’ajouter : « Les administrateurs sont frustrés. Cette situation a conduit à un blocage pendant des mois et ce blocage perdure. Il y a une crise de confiance entre le conseil d’administration et la direction générale. Le conseil d’administration ayant découvert des choses très graves a joué son rôle en refusant de signer les arrêtés des comptes. » Voilà donc le climat qui prévaut actuellement au sein de la Sodefor dont la santé financière laisse à désirer.
Le dégé désormais interdit de signer les contrats de coupe
Les nombreux exploits accomplis impunément depuis des années par Mamadou Sangaré à la tête de la société d’Etat sont bel et bien parvenus au président de la République. Et, selon une source du pachyderme bien introduite au palais présidentiel, Alassane Ouattara, informé des hauts faits du dégé de la Sodefor, a instruit le ministre des Eaux et Forêts, Alain-Richard Donwahi afin de le débarquer de la tête de cette société étatique. « Mais le ministre Alain-Richard Donwahi (serait) bloqué par le Premier ministre Gon qui (aurait) le pied sur ce dossier. Donc, le dossier est bloqué entre ses mains. Et pourtant le président de la République a bien demandé à Alain-Richard Donwahi de le dégager. Chaque fois qu’il va voir le Premier ministre pour parler du débarquement de Mamadou Sangaré, il lui demande d’attendre à telle date. Quand la date indiquée arrive, il lui indique une autre date. Et comme le ministre ne peut pas exécuter la décision sans l’avis de son Premier ministre, la situation traîne et c’est dans ça que nous sommes », révèle-t-elle. En attendant le feu vert de son patron, le ministre des Eaux et Forêts a opté pour l’allègement des pouvoirs du dégé de la Sodefor. Ainsi, depuis le mois de décembre, Alain-Richard Donwahi a-t-il retiré à ce dernier le pouvoir de signature de tous les contrats de coupe de bois. « Ce qui est en cours actuellement, c’est que le ministre des Eaux et Forêts a retiré au directeur général de la Sodefor la signature de tous les contrats de coupe de bois. Je ne sais pas si c’est une mesure conservatoire ou si c’est une mesure définitive. Il a été ramolli », indique ironiquement la source de l’infernal quadrupède. Mais Mamadou Sangaré, selon certaines indiscrétions, fait en ce moment du lobbying auprès des administrateurs de la Sodefor afin que le conseil d’administration « utilise la force de droit qui lui est dévolu pour réclamer sa signature ». En attendant que ce lobbying aboutisse, les forêts classées et protégées peuvent espérer à un répit momentané.
L’indifférence de Mamadou Sangaré
«L’Eléphant » a voulu avoir la réaction de Mamadou Sangaré, fraichement promu colonel-major des Eaux et Forêts. Contacté le 8 janvier par le pachyderme, le directeur général de la Sodefor est resté indifférent à son appel téléphonique amical. Le message du quadrupède envoyé par la suite à celui-ci a également subi le même sort. « Bonjour Monsieur le Directeur Général, prière me rappeler dès que vous êtes disponible. Besoin de votre réaction au sujet du retrait de votre pouvoir de signature sur les contrats de coupe de bois par Monsieur le ministre », a écrit le pachyderme. Mamadou Sangaré est resté muet comme une carpe.
Une langue déliée au ministère s’est confiée à «L’Eléphant»
La sanction prise par le ministre Alain-Ricahrd Donwahi est-elle est train de changer la donne ? Possible. A preuve, un agent dudit ministère, bien au parfum des petits arrangements du dégé de la Sodefor, a apporté des éclairages au pachyderme. Ecoutons-le. « Il était beaucoup impliqué dans les histoires d’orpaillage dans les forêts classées. Nous-mêmes, on est allé en mission avec ses agents dans la forêt classée de sud Koro. Il y a des machines utilisées par les orpailleurs clandestins que nous avons saisies. C’est son homme de main qui est venu prendre les machines. Si le responsable de la Sodefor est intervenu dans cette histoire, c’est qu’il est en corrélation avec ces orpailleurs. Parce qu’il dispose d’agents pour mettre fin à cette pratique illégale mais les orpailleurs clandestins étaient présents dans les forêts classées. La preuve, depuis que le ministre Donwahi est arrivé, l’orpaillage clandestin dans les forêts classées a diminué. En son temps, on a failli arriver aux armes avec ses agents qui s’opposaient à notre intervention. La deuxième chose, dans le conseil d’administration de la Sodefor, la Primature était représentée via un certain Me Camara sur qui Mamadou Sangaré s’appuyait pour tout faire. Un des administrateurs qui a des entrées au palais présidentiel a pesé de tout son poids pour que Me Kamara Adama soit éjecté du conseil d’administration de la Sodefor. Me Kamara et Mamadou Sangaré sont actionnaires dans l’exploitation du bois dans une société appelée KAMAAD industrie. En son temps, quand nous sommes allés effectuer des contrôles de la société, KAMAAD n’avait même pas l’agrément. Si vous vérifiez son agrément, vous constaterez qu’il date de 2016 et il a été signé par le ministre Dacoury Tabley. Alors que c’est une grande boite qui dispose même d’une menuiserie industrielle. Elle exporte tous les produits finis et semi finis du bois en Italie. C’est géré par un Italien. Avant 2016, elles ont travaillé dans l’illégalité. Alors que le gestionnaire de la société, le directeur général est au conseil d’administration de la Sodefor et le co-gérant se trouve être le directeur général de la Sodefor. Je vous confirme que c’est à cause de KAMAAD, le ministre Dacoury Tabley n’a pas été reconduit au gouvernement, ce n’est pas à cause de l’affaire Thanry. En son temps, c’est l’actuel Premier ministre qui était venu intervenir. Le ministre Dacoury-Tabley lui a répondu que tout ce qu’il peut faire pour la société KAMAAD industrie, c’est de leur donner l’agrément ; sans cela la société ne pourra plus fonctionner. Quand Amadou Gon est devenu premier ministre, Dacoury-Tabley a été remplacé. Toutes les saisies opérées par la Sodefor à raison ou à tort auprès des autres opérateurs sont reversées d’office à KAMAAD. Tellement que ça marchait, ils ont créé une autre scierie en face d’une forêt classée à Tiassalé. Le directeur général a fait des partenariats avec des entreprises telles que ITS d’une durée de cinq ans. Et tout cela a été remis en cause. Normalement dans la procédure, c’est une mesure conservatoire. Le directeur général a réussi à asseoir une communication où l’information de la mesure conservatoire qui lui interdit le droit de signature ne passe pas. Les gens ne sont pas informés. Mais à la Sodefor, quand on te retire le droit de signature, c’est que ton éjection n’est plus loin », raconte-t-il.
A.G, in L’Eléphant déchainé N°665