Côte d’Ivoire-Etat de droit: Les 4 leçons d’Assalé Tiémoko (L’Eléphant déchainé) au procureur Adou Richard et à Alassane Ouattara… ses conseils au camp Guillaume Soro
Le devoir d’un chef d’État, les obligations d’un Etat de droit.
La justice ivoirienne, le lundi 23 décembre, a lancé un mandat d’arrêt international contre Guillaume Soro, ancien président de l’Assemblée nationale, pour des faits présumés de préparation d’actions subversives et de détournement de fonds publics et de blanchiment d’argent.
Le jeudi 26 décembre, le procureur de la république, au cours d’une conférence de presse, a diffusé un enregistrement audio dans lequel l’on entend une voie présentée comme celle de Guillaume Soro, expliquer de manière précise et sans équivoque, sa volonté de renverser le pouvoir en place dans un délai d’un an.
A la suite de cette diffusion, Me Affousy Bamba, réagissant pour le compte de Guillaume Soro, a reconnu l’authenticité de l’enregistrement audio mais elle s’est empressée de préciser qu’elle daterait de 2017 et qu’elle ne serait pas complète.
Que, « à doses homéopathiques », Guillaume Soro allait diffuser l’entièreté de l’audio en question et que par ailleurs, il s’agirait en réalité d’une opération d’espionnage contre Guillaume Soro, montée par le régime Ouattara.
Que, Guillaume Soro, ayant découvert ce complot, il aurait plutôt « espionné l’espion » en se rependant de façon plutôt etonnane, en révélations sur un coup d’État qu’il serait lui-même train de préparer, histoire de « tirer les vers du nez » du présumé espion qui aurait été envoyé par le président Ouattara.
Voilà pour l’accusation et piur la défense. Il faudra attendre la diffusion intégrale mais « à doses homéopathiques » promise par l’avocate, pour se faire une idée précise de la crédibilité des uns et des autres. Sur le cas du blanchiment d’argent, Me Affousy ne s’y est pas étendue et n’a pas promis de révélation.
En attendant les « doses », on peut se permettre de faire quelques observations sur cette affaire.
1/ Dans un Etat de droit, tant qu’un citoyen accusé d’une infraction pénale quelconque et poursuivi à cet effet, n’a pas été jugé par un tribunal légalement constitué au cours d’un procès équitable où tous ses droits ont été respectés, reconnu coupable et condamné, qu’il n’a pas, à la suite de cette condamnation, épuisé tous les recours à sa disposition, il ne peut-être traité comme un coupable.
Par conséquent, monsieur Guillaume Soro et toutes les personnes arrêtées dans le cadre de cette affaire sont présumées innocentes. Nul ne peut les traiter comme des coupables.
2/ Dans un Etat de droit, le parquet qui poursuit des individus mis en cause dans une affaire pénale, n’a pas le droit de se comporter comme l’homme de la rue. L’Etat de droit signifie a pour caractéristique essentielle, l’absence de l’arbitraire dans les procédures judiciaires et l’impossibilité de priver un citoyen de sa liberté, sur la base de simples soupçons.
Les perquisitions annoncées par le procureur et qui auraient permis de mettre la main sur des dizaines d’armes de guerre, jusqu’à inscription contraire, semblent avoir été faites, dans des domiciles de personnes arrêtées, en leur absence. Or, la perquisition du domicile d’un mis en cause est rigoureusement encadrée par la loi. Jamais elle ne peut se faire en l’absence du mis en cause ou, s’il est dans l’impossibilité de se présenter, qu’avec la présence d’une personne dûment désignée par lui. S’autoriser à faire des perquisitions en l’absence des mis en cause, c’est créer une insécurité juridique pour tous et créer des précédents dangereux. Dans un Etat de droit qui se donne le nom de république, cela est inacceptable. Rien, pas même la gravité d’une infraction, ne peut justifier le piétinement des règles de procédure pénale. La justice doit s’administrer dans la sérénité.
3/ le mandat d’arrêt lancé par la justice ivoirienne contre Soro Guillaume, pourrait être exécuté si le pays dans lequel il se trouve a un accord de coopération judiciaire avec la Côte d’Ivoire ou si les motifs qui justifient la délivrance du mandat d’arrêt sont probants et dénués de tous fondements politiciens. La Côte d’Ivoire elle-même a piétiné un mandat d’arrêt international lancé contre Guillaume Soro, par la justice burkinabè et continue de refuser d’exécuter un mandat d’arrêt contre Simone Gbagbo, délivré par la CPI. La CPI et le Burkina n’ont pu la contraindre par quelque moyen que ce soit, d’exécuter ces mandats d’arrêt. Les autres pays peuvent en faire autant et ignorer souverainement son mandat d’arrêt.
4/ En politique, il ne faut rien négliger, quand on est un chef de l’Etat, responsable de la sécurité et de la tranquillité d’un peuple. Car, comme l’a dit De Gaulle « c’est le petit grain de sable négligé qui finit par gripper toute la mécanique ». Par conséquent, que cette affaire soit un montage pour écarter un adversaire politique ou un véritable projet de déstabilisation démasqué, le premier devoir d’un chef de l’Etat étant la sécurité de son pays, le pouvoir Ouattara a le droit de mobiliser toute la force de l’État pour faire la lumière sur cette affaire et mettre hors d’état de nuire, toutes les personnes présumées impliquées. S’il fait le gros dos et prend des menaces à la légère et que le pire surivient, que le pays est déstabilisé, que la tranquillité des ivoiriens est troublée, quelles que seraient les justifications ultérieures, sa responsabilité et sa seule responsabilité sera retenue.
Cependant, aucun homme n’ayant suffisamment de memoire pour réussir dans le mensonge, comme le dirait Lincoln, il appartient à la justice républicaine de prouver la culpabilité de Soro Guillaume et non le contraire. On ne peut pas dire, qu’ « il vienne prouver son innocence ».
Il incombe également à Soro Guillaume, étant entendu que sa candidature pour la présidentielle de 2020 est compromise du fait que la durée minimum d’une instruction en matière criminelle est d’au moins 18 mois et qu’il y a un mandat d’arrêt contre lui, d’étudier sérieusement sa stratégie. Car, ce à quoi on assiste semble plutôt contraire à la sérénité, à la dignité, à la hauteur, au recul nécessaire et à la maturité qu’on est en droit d’attendre d’un homme qui a occupé, à l’exclusion du poste de président de la république, les plus hautes fonctions de l’État. S’il a les preuves de sa non culpabilité, tant pour la tentative d’actions subversives alléguées que pour le blanchiment d’argent, c’est bien devant un tribunal et nulle part ailleurs qu’elles devraient être présentées quand le parquet aura abattu toutes ses cartes. Balancer tout sur les réseaux sociaux aura le fort d’alimenter le buzz mais cela ne changera strictement rien à sa situation judiciaire à Abidjan.
Page facebook d’Assalé Tiémoko Antoine