Tribune libre (par Francis Taky): Médias ivoiriens, suspicions légitimes… Là où le bât blesse!

Tribune libre (par Francis Taky): Médias ivoiriens, suspicions légitimes… Là où le bât blesse!

Raphael Lakpé remettant un rapport du CNP au chef de l’Etat

Le Conseil national de la presse (CNP), en avril 2018, a changé de dénomination et  est devenu « Autorité nationale de la presse (ANP), conformément à la nouvelle loi du 27 décembre 2017 portant régime juridique de la presse. Cette nouvelle dénomination n’entraîne pas de changement substantiel dans ses missions et attributions consistant à assurer en principal, la régulation du secteur de la presse. L’ANP n’a donc pas ou du moins ne devrait donc perdre de vue sa mission. Mais qu’avons-nous constaté ?  Les lecteurs sont restés estomaqués face à  certains écrits et le mutisme de Raphael Oré Lapké… Il n’a  semblé se limiter pour l’essentiel qu’à la régulation traditionnelle, mais surtout au secteur du numérique qui échappait jusque-là aux autorités, et que ladite loi prenait désormais en compte. Bref tout est derrière nous!

 

Désormais  nous avons à la tête de l’ANP, un professionnel riche d’une expérience dans le secteur des médias. Point besoin d’étaler son curriculum vitae.  L’ex-président de l’Observatoire de la liberté de la presse, de l’éthique et de la déontologie (Olped) et du Réseau des instance africaines d’autorégulation des médias (RIAAM) et ex-directeur général de l’Agence ivoirienne de presse (Aip), Samba Koné, a été nommé en qualité de président de l’Autorité nationale de la presse (Anp). L’information a été donnée, le mercredi 29 janvier 2020, par Sidi Tiémoko Touré, ministre de la Communication et des Médias, porte-parole du gouvernement. Samba Koné succède ainsi à Raphaël Lakpé qui, lui-même, a été nommé président du conseil d’administration du Conseil de l’Agence pour le développement de la filière riz (Aderiz). Curieuse transition que celle de la presse au riz. Non, pourvu qu’on y régule quelque chose!

 

Là où le bât blesse !

 

Il est de notoriété publique que les journaux ivoiriens ne jouissent pas d’une bonne audience. C’est un secret de polichinelle. Malgré les efforts des différents gouvernements et des organismes du domaine à travers des subventions et des stages de formations des journalistes, les médias ivoiriens et dans le cas particulier de la presse écrite que nous abordons spécifiquement aujourd’hui, reste à la traine tant au niveau éditorial qu’au niveau de leur modèle économique. La gestion des entreprises de presse laisse à désirer au point où les journalistes sont sous-payés… Souvent sans salaire.  Comment comprendre qu’un  journal comme « Notre voix » (journal de l’opposition) qui passe le clair de son temps à critiquer la mauvaise gestion du régime Ouattara tandis que les journalistes de cet organe trainent des arrière de salaire d’années…alors que ironie du sort, le parti dont « Notre voix » est le porte-voix reçoit une subvention de l’Etat de Côte d’Ivoire pour ses activités ? Les exemples sont légions. « Dans leur grande majorité, les journaux ivoiriens soi-disant d’information générale sont le terrain d’invectives entre les différentes tendances politiques. L’usage du sensationnalisme, de la rumeur, de la diffamation et du chantage est monnaie courante. Si bien qu’à mesure que les tensions politiques s’accentuent, les règles de bienséance sont violemment bafouées et les appels à la haine sont nombreux et entretenus dans le temps. En avril 2011, un observateur ivoirien rapporte : En Côte d’Ivoire, on dit souvent que le dimanche, il n’y a pas de crise, simplement parce qu’il n’y a pas de journaux ce jour-là. »  Voilà le commentaire que Wikipédia laisse sur les journaux ivoiriens. Hélas !

 

Samba chassera-t-il Lakpé? 

 

A côté de ce tableau sombre, une autorité de régulation ayant autorité  pouvait permettre aux acteurs de la presse de se conformer aux règles du métier. Mais le constat est tout le contraire. Raphael Lapké est parti,  laissons-le tranquille et intéressons-nous à Samba Koné. Homme pétri d’expérience mais grand homme d’affaire dans le domaine de l’Édition. Donc partenaire plus que privilégié de la presse écrite papier. Il est le patron de Sud-Action Media,[même si son fils a la gestion quotidienne de la boîte, il en demeure le boss], société qui imprime la majorité des  tabloïds sur le  marché.

‘’Le mandat, Le temps, Lg, L’expression, Patriote, Arc en ciel, Rassemblement, Le jour plus, Éléphant déchainé…’’ pour ne citer que ceux-là.  Quand on sait que les journaux ne vendent pas et qu’ils ont du mal à couvrir même les frais d’impression, il faudrait s’inquiéter de la nomination de Monsieur Samba Koné. D’ailleurs la grande partie des fonds du Fonds de soutien et de développement à la presse (FSDP) à travers l’aide à l’impression se retrouve à effacer le lourd passif des entreprises de presse chez Sud Action media de Samba Koné.

Avec cette nomination, Samba Koné devient giga puissant. Il faut rester inquiet. Il imprime déjà presque tous les journaux, il a désormais en main la régulation…Un tel homme devient doublement fort.  Si on  peut  être positif  en ce qui concerne ses futures actions, nous sommes en droit d’être aussi pessimistes.

Sa capacité d’intimidation et autres semblent dès lors, indéniables. Surtout pour les autres sons de cloche. Mais on attend ses premières mesures face à certains journaux « anarchistes » du Rhdp, parti au pouvoir  et de l’opposition «  Wouyawouya ».

Pour me faire mentir, Samba Koné devra avoir un « devoir d’ingratitude » envers celui qui l’a nommé.

Terminons par une certaine légende de la presse en Côte d’Ivoire selon laquelle lorsqu’Ibrahim Sy Savane avait été nommé ministre de la Communication, il avait proposé aux patrons de presse en lieu et place de la subvention à l’impression, de leur acheter une imprimerie toute neuve où ils imprimeraient quasi gratuitement. Que nenni répondirent-t-ils pour la majorité en chœur,  soutenus par certains businessmen du secteur… 

Voulez-vous des noms? C’est une légende et surtout, on ne cite pas ses contemporains!

Francis Taky

Journaliste 

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