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Grève à l’Université FHB-Cocody: Ce qui se cachait derrière les tableaux (les révélations de L’éléphant déchainé)

Grève à l’Université FHB-Cocody: Ce qui se cachait derrière les tableaux (les révélations de L’éléphant déchainé)

La libération du professeur Johson Kouassi Zamina et de Dr Joel Dadé de la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca) dans la nuit du vendredi 1er mars 2019 et la levée du mot d’ordre de grève de la Coordination nationale des enseignants et chercheurs (CNEC) sonnent comme une décrispation de la crise à l’université Félix Houphouet Boigny d’Abidjan Cocody entre le président de ladite université, le professeur Abou Karamoko et ce syndicat. Il s’est cependant passé des choses, avant cette étape…

Brûler la barque après avoir traversé le fleuve ?
C’est le sentiment de plusieurs enseignants à l’endroit du professeur Abou Karamoko, président de l’université FHB d’Abidjan-Cocody. Il lui est reproché d’enlever le pain de la bouche de ses collègues enseignants après avoir longtemps joui lui-même de ce système. Par-dessus les revendications académiques relatives aux effectifs pléthoriques et au manque de matériel didactique, le point d’orgue de ce bras de fer reste l’épineuse question des heures complémentaires.
Les heures complémentaires étant la différence entre les heures effectivement assurées en présentiel outre les heures dues en obligation de service (les heures que chaque enseignant doit à l’Etat selon son grade).
Le point d’achoppement, c’est que le président de l’université trouve impossible qu’un enseignant comptabilise 1000 heures complémentaires. Ce qui équivaut à cinq (5) millions Frs Cfa pour des enseignants de rang B et à environ sept (7) millions Frs Cfa pour ceux du rang A. Il accuse ouvertement ses collègues de fraude sur leurs heures complémentaires, arguant que les enseignants ont détruit l’ancien système de contrôle qui nécéssitait les signatures du délégué, de l’appariteur y compris la sienne pour remplir les documents de vérification des heures effectuées. « Les heures complémentaires augmentaient d’1 milliard à 1 milliard 500 millions Frs Cfa chaque année. Des enseignants se donnent des maquettes, des heures de cours qui n’existent nulle part dans aucune université dans le monde», revèle le président Abou Karamoko au cours d’un entretien avec le Pachyderme jeudi 28 février 2019.
Preuve à l’appui, les enseignants démontrent que le président a lui-même obtenu 1154 heures complémentaires au titre de l’année académique 2017-2018, soit 8 millions 900 mille Frs Cfa. « Faux », retorque le président brandissant ses heures complémentaires au titre de l’année 2016-2017 qui s’élèvent, selon lui, à 654 heures. Les heures complémentaires 2017-2018 n’étant pas encore payées.
De même, les enseignants dénoncent un changement du mode de calcul des heures complementaires de façon unilatérale, basé sur une équation entre les maquettes pédagogiques d’enseignement et la disponibilité des équipements et des infrastructures en lieu et place du respect des normes de formation universitaire fondées sur des curricula définis par les conseils pédagogiques et scientifiques des différentes filières. Cette frange de la CNEC accuse la direction de l’université de reformer les maquettes pédagogiques en ramenant au tiers (1/3) tous les enseignements des parcours au niveau des unités de formation et de recherche (UFR) et des départements. Elle dénonce aussi la suppression des cours d’anglais, d’informatique et des sorties pédagogiques en première et deuxième année d’université.
Autre raison essentielle, l’augmentation des charges horaires des enseignements passant de 200 heures à 240 heures (rang B et de 125 heures à 150 heures pour les rangs A). Pis, les enseignants refusent le retour d’un décret de 1976 qui ramène le taux horaire dans l’enseignement supérieur de Côte d’Ivoire à 2 766 FCFA pour les enseignants de Rang B (Assistant et Maître-Assistant), 3 147 FCFA (Maîtres de Conférences) et 3 886 FCFA (Professeurs Titulaires).
Pour rappel, les taux horaires étaient de 5 532 F (Rang B), 6 294 F (Maître de Conférences) et de 7 772 F (Professeurs Titulaires). A cela s’ajoute ce qu’ils qualifient de transformation de l’université, Établissement Public National (EPN) en Établissement Public à caractère Industriel et Commercial (EPIC) avec pour objectif de faire des bénéfices chaque année au profit de l’État. Ce qui explique certainement, selon eux, l’économie de 4 milliards Frs Cfa que le Président Abou Karamoko se vante d’avoir réalisé au cours de l’année académique 2015-2016. Les heures complémentaires s’élevaient à sept (7) milliards Frs Cfa avant son accession à la tête de cette université.

Contre mauvaise fortune, bon cœur
Selon le président de l’université, les enseignants se sont tiré une balle dans le pied. Il revèle que le taux horaire des heures complémentaires en cours magistral (CM), Travaux Dirigés (TD) et Travaux Pratiques (TP) selon le grade de l’enseignant relève des acquis issus des accords entre les partenaires sociaux, datant de 1999 sous le mandat de Ouhouot Assépo, mais non acté. Ce consensus interne sera revélé sur la place publique, poursuit le président Abou Karamoko, en raison de la grève d’un mois et demi observée par la CNEC en octobre 2018.
Cette information tombe dans les oreilles du gouvernement qui exige de voir l’acte sur lequel s’appuie le paiement des heures complémentaires. « C’est ainsi que le gouvernement nous a exigé de payer selon le décret existant notamment celui de 1976. », ajoute le professeur Atta Koffi, vice-président de l’université. Rappelons que ce décret fait passer le taux horaire de 5 532 Frs Cfa à 2 766 Frs Cfa pour les enseignants de Rang B (Assistant et Maître-Assistant), de 6 294 Frs Cfa 3 147 Frs Cfa (Maîtres de Conférences) et de de 7 772 Frs Cfa à 3 886 FCFA (Professeurs Titulaires).
Ensuite, la boîte de Pandore ouverte, le président Abou Karamoko révèle ce qu’il appelle l’ampleur du vol imputé aux enseignants. Il commence par le professeur Johnson Kouassi qui a perçu selon lui, un taux horaire de 1718 heures au titre de l’année académique 2016-2017, soit 11 millions 157 110 Frs Cfa. Impossible, dit-il, d’avoir de telles heures complémentaires dans une université au monde avec le système LMD.
Pis, selon un tableau recapitulatif des écarts entre les états initiaux et ceux validés après contrôles et corrections 2016-2017, il existe une différence de 655 milions 883 500 Frs Cfa pour toutes les facultés. En d’autres termes, la fraude attribuée aux enseignants sur les heures complémentaires s’élève à 655 millions Frs Cfa. Les Unités de Formation et de Recherche (UFR) incriminées sont, selon le tableau du président Abou Karamoko, l’UFR-SHS en première position avec 248 millions Frs Cfa, l’UFR-ICA en seconde position avec 164 millions Frs Cfa et l’UFR-LLC en troisième position avec 143 millions Frs Cfa. Les modèles, toujours selon ce tableau, sont les départements de Portuguais, le CUEF, Sciences Médicales (SM), Odonto-Stomatologie (OS), Sciences Pharmacie Biologie (SPB), Mathématiques et Informatiques (MI). Aucune différence entre les montants à payer avant contrôle et ceux payés après le contrôle.

Que fait le président avec l’économie de 4 milliards Frs Cfa ?
A cette question, le professeur Abou Karamoko qui émettait des reserves, finit par se livrer, dévoilant des investissements (un batiment au département d’Anglais, en Sciences de la Terre et des Ressources Minières (STRM), un autre qu’il soutient avoir terminé au décanat vers l’ENS. Outre ces bâtiments et amphithéâtres obtenus, le président de l’UFHB envisage organiser, cette année, des missions de recherches de deux à trois semaines pour les enseignants en vue de contribuer au bien-être de la société. Par ailleurs, cette gestion ‘‘copernucienne’’ au niveau académique et financière sera recompensée par la construction d’un grand bâtiment de deux étages offert par la Banque mondiale, bientôt inaugurée. Un autre est en construction au centre d’excellence derrière le restaurant. Autant d’actes qui parlent à sa place, selon le président de l’université.

Les faits qui accablent le professeur Johnson Kouassi
Le déchainement de violence émanant d’un enseignant, à qui l’on pourrait donner le bon Dieu sans confession, reste l’un des chapitres aussi écoeurant qu’inadmissible de cette crise. Les images des caméras de surveillance montrent en effet le Secrétaire général de la CNEC en furie. D’emblée, il a assumé une défiance de l’autorité exécutée par un groupe d’enseignants lundi 17 décembre 2018. Ces derniers, au nombre de huit, ont pris le soin d’obstruer la voie d’accès à la Présidence de l’université avec leurs véhicules. Au secrétariat du président, ils exigent une rencontre sur le champ, sans aucun rendez-vous préalable. Les tentatives d’apaisement du Secrétaire général de la Présidence, Diomandé Mamadou Hamed resteront vaines.
Les enseignants surexcités font irruption dans la salle de réunion, non sans interrompre la réunion en cours. Ils ne repondront jamais aux demandes d’explication. Convoqués mardi 15 janvier 2019 par un Conseil extraordinaire de l’université, érigé en Conseil de discipline, ils reçoivent le soutien du professeur Johnson Kouassi qui endosse la responsabilité de ces actes d’insubordination. Mais le Conseil n’ira pas à son terme car interrompu par Johnson Kouassi et les mis en cause. Dans une colère noire, Johnson Kouassi saccage les luminaires plafonniers avant d’aller séquestrer les membres du Conseil avec ses camarades. Pendant une vingtaine de minutes, ils sont enfermés dans la salle et contraints de s’asseoir et d’écouter le discours du secrétaire général de la CNEC.
La cérise sur le gâteau reste le ramassage suivi du saccage des copies des étudiants lors d’une seconde session dans quatre salles d’examen en vue de faire respecter le mot d’ordre de grève de sa structure.
Si le Maître a recouvré la liberté après une semaine de détention, sa sortie peu orthodoxe n’a pas manqué de jeter l’anathème sur la corporation.
En somme, les autorités ivoiriennes doivent s’investir pour un dénouement heureux de cette crise. De grands défis attendent nos universités notamment celui de la formation d’un capital humain de qualité en vue de mériter la confiance de la Nation et de figurer enfin dans le classement des meilleures universités au niveau africain, voire mondial.
CYRILLE NAHIN, in L’ELEPHANT DECHAINE 632

1 comment

Paul says:

Vous avez manqué de preciser aussi que les enseignants chercheurs voulaient une revalorisation de leur prime de logement qui est de 70 000f actuellement.

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