Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan: L’affreux racket des gardes pénitentiaires sur les détenus

Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan: L’affreux racket des gardes pénitentiaires sur les détenus

En ce moment, il n’est pas du tout bon d’être pensionnaire de la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca). La raison, les détenus, en plus de leurs conditions de vie et de détention assez pénibles doivent aussi faire face à un affreux racket de la part des agents pénitentiaires.
Un racket silencieux à bord de « air Maca » et dans les violons du palais de justice du Plateau
« Il se passe des choses à la Maca. Tu vois les camions qui transportent les prévenus pour les conduire à la Maca ou les prisonniers pour les emmener au palais de justice en vue de leur jugement ? Dans ces camions cargo, il y a trois compartiments. A la montée du véhicule, il y a d’abord un premier compartiment où il n’y a pas de places assises. Tous les prévenus ou prisonniers sont arrêtés durant le voyage. Ensuite au milieu, il y a le second compartiment où se trouvent des places assises, des bancs, disposés de chaque côté du véhicule. Enfin au fond du véhicule, il y a le dernier compartiment réservé aux femmes où il y a également des places assises. Qu’est ce qui se passe ? Les prévenus ou les prisonniers sont entassés dans le premier compartiment. Celui qui désire s’asseoir, doit d’abord débourser de l’argent. S’il veut s’asseoir dans le compartiment du milieu, il doit s’acquitter de la somme de 1000 FCFA. Et s’il souhaite s’asseoir dans celui des femmes, il doit payer la somme de 2000 FCFA. Lorsque c’est un Libanais, les agents pénitentiaires lui réclament la somme de 5000 FCFA. Le responsable du camion s’appelle Marie. Et, ce sont les mêmes pratiques qui ont cours dans les cellules du palais de justice du Plateau avec les policiers. Là-bas, il y a deux cellules. Dans le premier violon, on regroupe tout le monde. Et lorsque quelqu’un demande à quitter ce violon pour aller dans le second, appelé le « V.I.P », il doit d’abord payer la somme de 1000 aux policiers pour y accéder. Et si c’est un Libanais, il paye entre 5 mille et 10 mille FCFA aux policiers. » Ce témoignage est celui d’un ex-détenu qui a accepté de se confier à « L’Eléphant Déchaîné » dès sa sortie de prison pour dénoncer les agissements des agents pénitentiaires et des policiers à l’égard des prévenus et prisonniers dans une situation de détresse. Que disent les autorités de l’administration pénitentiaire ?

Les réactions du régisseur de la Maca et du directeur des affaires pénitentiaires
Après cette confidence de l’ex-pensionnaire de la Maca, le pachyderme a successivement joint le 23/8, Amonkou Monsan, le régisseur de la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan et Boubakar Coulibaly, le directeur de l’Administration pénitentiaire. Interrogé sur les exploits auxquels s’adonneraient ses agents, le régisseur de la Maca s’est montré incrédule face à ces accusations qu’il qualifie de faits erronés. « Vous voyez, cher frère, vous êtes là pour donner des informations qui peuvent changer quelque chose. Les agissements individuels, ce n’est même pas la peine d’en parler. Ça ne donne pas d’information à la population. Ce que je sais, quelqu’un qui est déféré doit monter dans le véhicule pour venir à la Maca. Mais si on te dit qu’il faut payer pour être ici et puis on paye ? Non…Ça me fait 30 ans que je travaille sur ces véhicules-là mais on ne m’a jamais dit ça. Ce sont des faits erronés, ces gens veulent peut-être salir l’homme ou bien dire certaines choses. Quand on sait que c’est celui-là qui m’a pris de l’argent, on dit : ‛‛Lui-là, il m’a pris de l’argent.’’ On dit le nom de la personne et la personne va changer de comportement. Une chose, on ne paye pas, comment on peut te dire : ‛‛ Il faut payer pour t’asseoir ici ?’’ Non. Moi, je suis là au quotidien avec tous ces gens-là. S’il y a des choses, je vais le dire à l’Administration. A l’intérieur de la prison, il y a des gens qui rackettent à tout moment, entre détenus, ils se rackettent. Il ne faut pas qu’ils aillent vous dire des choses et puis vous allez discréditer votre journal. Qu’on dise des choses qui vont servir à construire le pays. Mais dire qu’on me prend de l’argent dans un cargo, ce sont des comportements individuels. On peut tout dire sur la Maca. Ça me fait deux ans que je suis là et tout est en train d’aller dans le bon sens. Mais il ne faut pas qu’ils aillent dire des choses relatives aux comportements individuels. Je suis là pour vous éclairer. Ce qui est vrai, je dis c’est vrai et puis on corrige », a réagi Amonkou Monsan qui semble mieux connaître ses collaborateurs. Et que dit le directeur de l’Administration pénitentiaire ? « Je vous rappelle relativement à votre coup de fil de tout à l’heure à mon sous-directeur faisant état de ce que des agents pénitentiaires véreux s’adonneraient à des rackets sur des détenus. Le sous-directeur m’a fait part de l’échange que vous avez eu. C’est ainsi que je lui ai demandé de me donner votre contact téléphonique afin que je vous joigne pour traiter cette affaire avec toute la rigueur qui s’impose. Cela va faire plus de quatre mois que je suis le directeur des affaires pénitentiaires et j’ai fait de l’assainissement de cette maison mon cheval de bataille parce qu’il y a trop de choses qui se disent là-dessus. Cette information m’intéresse au plus haut niveau et je voudrais la traiter avec la plus grande rigueur. Je ne sais pas quelles sont vos sources et si l’élément qui a été victime de ça, je peux le rencontrer pour qu’il puisse me donner des détails me permettant d’ouvrir rapidement une enquête et tirer cette affaire au clair. Il faudra surtout le mettre en confiance, il sera protégé et je ferai tout pour qu’il ne soit pas l’objet de quoique ce soit. J’ai vraiment l’intention d’assainir cette maison parce qu’il y a beaucoup de choses qui se disent. Certaines sont vraies et d’autres pas. Mais tout compte fait, tout ce que je reçois comme information, je prends cela au sérieux…Voilà comment on va procéder : les informations qu’il va me donner, je vais les traiter en synergie avec vous, c’est-à-dire qu’on va évoluer ensemble. S’il parle de quelqu’un, je me rends à la Maca avec vous pour faire les investigations qu’il faut. Je vous associerai à ma réaction. Je voudrais que vous suiviez ma réaction de bout en bout… En ce moment, je suis en vacances mais je mets fin à mes vacances à cause de ça », a indiqué Boubakar Coulibaly. Au moins lui, il n’a pas une confiance aveugle aux gardes pénitentiaires.
NOËL KONAN, in L’ELEPHANT DECHAINE N°613

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